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prétextant la découverte d'une conspiration imaginaire, Bonaparte se fit donner le commandement des troupes de Paris, et arrêta deux Directeurs qui lui étaient hostiles. Le 19 brumaire, il dispersa les Conseils qui s'étaient réunis à St-Cloud. L'opération faillit échouer. Quand Bonaparte pénétra dans la salle des Cinq Cents, il fut accueilli par les cris de: "Hors la loi!" et perdit complètement la tête. Il allait être arrêté, mais son frère Lucien le sauva. Celui-ci raconta aux grenadiers que les députés avaient essayé d'assassiner le général. Les soldats indignés envahirent la salle, et les Cinq Cents, pris de peur, s'enfuirent par les fenêtres. C'était la fin de la République. Elle allait encore subsister de nom pendant quelques années, mais en réalité, le 18 brumaire marqua le début du gouvernement personnel de Bonaparte.

CHAPITRE III

LE CONSULAT (1799-1804)-L'EMPIRE (1804-15)

N

APOLÉON BONAPARTE, le César des temps

modernes, a donné à la France des institutions qui font encore sa grandeur, et une épopée militaire qui s'est terminée par d'irréparables dé

sastres.

"Extraordinaire et supérieur, fait pour le commandement et la conquête, singulier et d'espèce unique," 1 Bonaparte sembla à ses contemporains d'un autre temps et d'un autre pays. Fils de cette Corse lointaine, où s'étaient conservées les ardentes passions qui agitaient l'Italie du XVe siècle, il apparaît comme le dernier des grands condottieri de la Renaissance, "aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d'états viagers." 1 Joueur insatiable, sans morale et sans scrupules, sacrifiant avec indifférence des milliers d'hommes à la réalisation d'une fantaisie, il s'acharna à des entreprises de plus en plus colossales, rêvant tour à tour du royaume de Corse, de l'empire de France, de la maîtrise du monde. Il n'était jamais heureux, jamais satisfait. Il oubliait aussitôt tout exploit accompli, pour méditer de nouveaux prodiges. C'était un "poète en action," dit Chateaubriand; c'était, ajoute Taine, "un frère posthume de Dante et de Michel-Ange." 1

1 H. Taine, Origines de la France contemporaine.

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CHAPITRE III

LE CONSULAT (1799-1804)-L'EMPIRE (1804-15)

N

APOLÉON BONAPARTE, le César des temp

modernes, a donné à la France des institutions qui font encore sa grandeur, et une épopée militaire qui s'est terminée par d'irréparables dé

sastres.

"Extraordinaire et supérieur, fait pour le commandement et la conquête, singulier et d'espèce unique," 1 Bonaparte sembla à ses contemporains d'un autre temps et d'un autre pays. Fils de cette Corse lointaine, où s'étaient conservées les ardentes passions qui agitaient l'Italie du XVe siècle, il apparaît comme le dernier des grands condottieri de la Renaissance, "aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d'états viagers." 1 Joueur insatiable, sans morale et sans scrupules, sacrifiant avec indifférence des milliers d'hommes à la réalisation d'une fantaisie, il s'acharna à des entreprises de plus en plus colossales, rêvant tour à tour du royaume de Corse, de l'empire de France, de la maîtrise du monde. Il n'était jamais heureux, jamais satisfait. Il oubliait aussitôt tout exploit accompli, pour méditer de nouveaux prodiges. C'était un "poète en action," dit Chateaubriand; c'était, ajoute Taine, "un frère posthume de Dante et de Michel-Ange." 1

1 H. Taine, Origines de la France contemporaine,

Né en 1769, à Ajaccio, d'une noble famille corse, il avait mené une existence obscure jusqu'au 13 vendémiaire; sous-lieutenant d'artillerie sous Louis XVI, il était resté au service de la Révolution. Capitaine, il s'était distingué au siège de Toulon; général, il avait sauvé le gouvernement du Directoire au moment de l'insurrection royaliste. Ce succès, puis son mariage avec Joséphine de Beauharnais, lui avaient assuré l'amitié de Barras, qui lui confia le commandement de l'armée d'Italie. Ses victoires imprévues révélèrent l'homme de génie; il devint un héros national, et tout le pays approuva son coup d'état du 18 brumaire. Esprit lucide, despote implacable et démesurément ambitieux, il travailla dès lors moins pour sa patrie que pour lui-même; s'il ramena l'ordre en France, il prit aux Français leur liberté; il gaspilla leurs forces pour se construire un empire colossal mais fragile, et il entraîna leurs armées dans toutes les capitales du Continent, jusqu'à ce qu'il succombât sur le champ de bataille de Waterloo.

La constitution consulaire.-En 1799 il ne laissa pas soupçonner ses rêves de domination. Il n'était pas Napoléon, il n'était que Bonaparte; il ne prit pas le titre d'empereur, mais celui de consul, en souvenir de la république romaine. Il est vrai que ses pouvoirs étaient immenses: lui, Bonaparte, premier consul, était tout, et les deux collègues qui partageaient avec lui le consulat n'étaient rien; les assemblées législatives s'annulaient mutuellement, puisqu'il y avait un Conseil d'État qui préparait les lois, un Tribunat qui les discutait sans les voter, un Corps Législatif qui les votait sans les discuter, et

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