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Les opinions émises par les auteurs des Mémoires leur sont personnelles et l'Académie n'en est pas responsable.

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Leb. Cour.

Nijhoff

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CHEVAUCHÉES DE Mo JEAN GONNET

En 1633, M Jean Gonnet, lieutenant criminel de longue robe au Gouvernement et Prévôté de Péronne, vint faire à Albert une de ces inspections auxquelles l'obligeaient les devoirs de sa charge. L'autorité royale avait compris la nécessité de faire surveiller les justices seigneuriales, qui livrées à elles-mêmes, laissaient s'établir et se perpétuer les plus fâcheux abus. Les tournées d'inspection des lieutenants criminels se nomment des chevauchées, car l'état des chemins à cette époque ne permettait pas de voyager autrement qu'à cheval.

Déjà, en 1619, M Jean Gonnet avait fait à Albert, à Miraumont et autres lieux, une de ces chevauchées. Il avait interrogé l'ancien Prieur, Dom Macé Heudre, le trésorier du Prieuré, le curé de la paroisse, M. Edouard de Neux, le maire, Pierre Manot, d'anciens maires et des habitants notables, leur faisant « commandement << de par le roi de lui déclarer franchement et libre<<ment les crimes, faultes et abus commis. » Tous lui avaient répondu qu'ils ne savaient aucune chose qui << valût la peine de lui en donner avis et n'avoir veu <«< faire aulcun acte remarquable contre l'honneur de << Dieu et le service deub à sa Majesté à qui que ce « soit dudit Encre et des lieux circonvoisins >>.

Mais, au moment de quitter Albert, il s'avisa de faire

venir MM Adrien Crocquesel, Adrien Linart, Nicolas Pieffort et François Vaillant, procureurs au siège du Marquisat d'Encre (on disait encore Encre) et il obtint quelques révélations. « La justice est très mal admi<<nistrée audict lieu, et avec une longueur du tout

insupportable, infiniment préjudiciable au peuple, << quy ne peult tirer aulcune expédition; d'autant que << M Philippe de Morlancourt, bailly et garde de jus«<tice audict Marquisat, est toujours absent, tenant « fort peu souvent les plaids ordinaires et ne voullant «< expédier aulcunes choses sur le champ. Il n'y a aul<«< cune prison audict Encre; les criminels (prévenus de crime) y sont mis dans une caige de bois enfermée «<et environnée de bastiments et principalement des << escuries du château, où les prisonniers sont misé« rablement tenus, estans contraincts d'y faire leur << nécessité naturelle. » Et on cite l'exemple d'un malheureux qui pendant quinze jours « a esté estroicte<«<ment et cruellement tenu dans la dicte caige et puis << après mis hors d'icelle sans aulcune formalité de

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justice.» Mandés aussitôt et interrogés par M° Jean Gonnet, le procureur fiscal et le greffier du Marquisat reconnurent l'exactitude des faits. Le lieutenant criminel se transporta alors au château pour voir de ses propres yeux cette ignoble prison qui n'était, « qu'une << petite caige de bois où il n'y a aulcun air, lumière «< ou claireté sinon quant les portes sont ouvertes.>> Le bailli, M. de Morlancourt, qui était présent à cette visite, disait lui-même «< qu'il aimerait autant estre condampné à la mort que d'estre ung mois prison«nier esdictes prisons. » Comme on le pense, ce bailli fut << admonesté d'adviser, le plus promptement pos<«<sible, à faire faire d'autres prisons, telles et sem

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