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Cette définition, si elle n'est pas rassurante, a, du moins, le mérite d'être claire. Il appartient à la Société, au Parlement, à l'initiative privée surtout de prendre des mesures de charité, de prévoyance en faveur des ouvriers malheureux, infirmes ou âgés, afin d'empêcher que la réalisation même partielle d'un pareil programme n'arrive jamais!

E. OUDIN.

DE LA LIBERTÉ DU MARIAGE

EN FRANCE

I.

INTRODUCTION

1.

La nécessité d'une réforme du Code Civil prouvée par l'expérience.

Le nombre des mariages diminue en France, la population tend à y devenir stationnaire, et, sans la naturalisation des immigrés qui lui apporte un fort contingent, elle décroîtrait peut-être.

Les causes de ce fait incontesté sont multiples: chaque publiciste attribue à celle dont il est partisan une influence prépondérante.

La modicité des salaires ou du gain dans beaucoup de métiers et de professions, les impôts qui rendent la vie plus coûteuse, le goût du luxe, les conseils de la prudence qu'inspire un besoin excessif de sécurité et de bien être, le désir d'empêcher une famille de décroître par le partage de la fortune en un trop grand nombre d'enfants:.... Voilà bien des éléments dont il faut tenir compte.

On n'ose s'avouer que les plus nombreuses familles n'existent, en général, que là où la misère les décime et où l'hygiène protège mal les survivants. Ce mal

s'étend et descend. Il y a vingt ans une maitresse de maison, montrant de beaux enfants à une domestique qui venait de se marier, lui disait: « N'en désirez vous pas de semblable? >> « J'aime mieux une maison »>, répondit la femme. Elle a une maison et n'a pas d'enfants.

Parmi les causes qui écartent tant de personnes du mariage et les poussent à l'union libre, n'y en a-t-il pas dans la loi d'artificielles, d'arbitraires, étrangères à l'homme, contraires peut-être à sa nature et à ses instincts légitimes?

Les rédacteurs du code de 1804 n'ont certes pas prévu ce résultat: ils ont voulu, à n'en pas douter, faire du mariage la source unique, ou, comme le disent souvent nos vieux édits, le séminaire fécond et purifié de la famille et de la nation. Ils espéraient qu'il n'y aurait plus qu'un nombre très restreint d'enfants naturels et leur faisaient, pour arriver à ce résultat, une petite place, leur donnaient la moindre part possible dans les successions de leur père et mère reconnus, défendaient à leurs auteurs d'augmenter cette part par donation ou par testament, par aucun moyen direct ou indirect. La parenté légitime était l'effet du seul mariage, jusqu'au 12° degré elle donnait des droits successo

raux.

Notre Code Civil est rempli de dispositions par lesquelles ses auteurs ont voulu favoriser le mariage et par conséquent multiplier les enfants légitimes qui profiteraient de ces faveurs. Leur espoir n'a pas été atteint.

Depuis 1804, en effet, le nombre des mariages n'a pas augmenté proportionnellement à celui de la population; depuis quelques années, il diminue chaque année tandis

que les unions irrégulières se sont multipliées; et co qui le prouve, c'est que, malgré la moindre fécondité du concubinat, le nombre des enfants naturels est de plus en plus grand.

On s'est demandé si, à coté de tant de dispositions en faveur du mariage, il n'y en avait pas d'autres qui l'entravaient, le retardaient, l'empêchaient et souvent le faisaient manquer. On c'est demandé si ce Code, tant admiré, en reproduisant et même en exagérant ces règles restrictives empruntées à l'ancien régime, n'avait pas contribué à créer ou à fortifier les mœurs qui font déserter le mariage et le rendent infécond.

Parmi les hommes qui prirent part à l'œuvre législative de 1804, il y en avait à qui une admiration quelquefois mélée d'adulation, n'avait pas fait oublier la loi de liberté par laquelle la Révolution avait remplacé le droit matrimonial de l'ancien régime : le tribun Gillet était de ceux là.

Il formula ses doutes en présentant au Tribunal la loi sur les actes respectueux qui devait compléter le Code Civil. Il constata, en ces termes, l'innovation qu'elle introduisait : « Le Code Civil est la première loi <«< qui ait exigé en termes exprès le consentement des << aïeuls et aïeules ou au moins la réquisition de leurs <«< conseils pour les mariages des majeurs; sous ce «< rapport, il a d'abord causé quelqu'étonnement et «< même plusieurs embarras. »

Ces objections étaient tardives, il fallait terminer enfin le code désiré et alors Gillet conseillait au Tribunat de voter le projet de loi, par cette considé<< ration qu'il n'est que la conséquence immédiate et << nécessaire des dispositions déjà décrites: c'est au

<< temps à indiquer celle de ces dispositions qu'il « faudra faire fléchir devant l'expérience. »

Il a fallu une expérience de près de quatre-vingt-dix ans pour établir qu'il fallait faire « fléchir » certaines règles du code. Un projet de loi ayant pour objet de faciliter les mariages en supprimant des formalités inutiles vient d'être discuté et voté par la Chanbre des députés. Nous regardons la réforme comme absolument insuffisante, nous espérons qu'elle sera élargie par le Sénat et nous avons continué cette étude depuis longtemps projetée, mais trop tardivement commencée.

2.

Pourquoi la liberté du mariage doit être étudiée dans le passé autant que dans le présent.

Les règles du mariage ont été successivement chez tous les peuples de race latine celles du droit romain et de l'Eglise, chez nous il faut ajouter celles de la Royauté, de la Révolution et du Code Civil qui nous régit encore.

La famille romaine était fondée sur la puissance paternelle. Nul mariage possible si le chef de famille ne le permet; et ce chef, qui n'est jamais la mère, est le père, l'aïeul, le bisaïeul, l'ancêtre paternel, en un mot, souche commune de tous les parents s'il vit encore. L'Etat n'intervient pas. Si à l'origine le mariage a été religieux, il est devenu un contrat privé; les cérémonies qui l'accompagnent d'ordinaire n'ont rien d'obligatoire, et le plus souvent sont célébrées au foyer domestique.

L'Eglise, dans son droit canon primitif, emprunte

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