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au droit romain beaucoup de ses règles. Mais le contrat est transformé en sacrement: le droit de le recevoir est égal pour tous les pubères, le devoir de le respecter quand il existe est imposé à tous, au maître comme au père. C'est là l'idéal religieux. Du reste, le mariage, comme chez les romains, se conclut en réalité par le seul consentement, les époux sont les seuls ministres du sacrement: la conscience, non la loi civile, leur impose de le faire bénir par l'Eglise.

Le concile de Trente complête enfin le droit canon et subordonne la validité du mariage à sa célébration par les futurs en présence du curé de leur paroisse assisté de deux témoins.

A la même époque la royauté française intervient: elle considère le mariage comme un contrat et proclame le droit pour le pouvoir civil de règler les conditions de sa validité et de sa célébration comme il en règle les effets quand il est conclu. Les ordonnances royales firent de la plupart des lois de l'Eglise des règles civiles leur grande innovation fut d'exiger, à peine de nullité du mariage, le consentement du père ou de la mère du pubère mineur et, sous peine d'exhérédation pour le majeur de 25 ans, l'obligation de demander conseil aux mêmes parents.

Il est curieux et indispensable d'étudier comment l'Eglise et la royauté sont parvenues à appliquer de concert leur double législation, malgré la contradiction certaine de leurs vues sur le mariage. L'Eglise avait fait du curé un témoin nécessaire du mariage; la Royauté en fit un officier qu'elle chargea de l'application de ses ordonnances: ce fut la base de l'entente des deux pouvoirs.

La Révolution Française réforma le mariage dans un

sens libéral; sans aller aussi loin que le droit canon, elle se rapprocha du droit naturel plus que l'ancien régime en permettant au majeur de 21 ans, quelque fût son sexe, de se marier sans le consentement de qui que ce soit. La loi de 1792 sépara de plus l'Eglise de l'Etat en instituant un officier laïque pour recevoir le consentement des futurs et les déclarer mariés au nom de la loi.

L'Empire avec son Code Civil, sans qu'une expérience suffisante ait en rien établi que la loi de 1792 ait eu de mauvais effets, revint aux règles de l'ancien régime sur le consentement paternel; il les aggrava même en quelques points, par exemple en introduisant la nécessité de demander conseil aux grands parents du futur qui n'avait plus ni père ni mère.

Les autres nations européennes et les grands Etats qu'elles ont fondés dans le Nouveau Monde ont aussi pris pour point de départ de leur législation du mariage, sinon le droit romain, au moins le droit chrétien.

L'étude soit des lois qui se sont succédées chez nous, soit de celles si variées des nations contemporaines, force l'esprit à une comparaison qui se fait naturellement; elle lui permet ainsi d'apprécier si une réforme est nécessaire, si celle qui est proposée et débattue est suffisante. On voit par cette étude comparée s'il y a progrès sérieux sur le passé, s'il y a retard sur les autres peuples chez qui on constate en même temps un développement plus grand du mariage et de la population.

L'histoire du passé et l'examen du présent nous apprendront si Portalis et ses collaborateurs ont dit

vrai en nous présentant le Code comme une œuvre de liberté et d'égalité.

Il semble cependant qu'on ne devrait pas se défier des jurisconsultes : ils connaissent mieux que personne les défauts et les lacunes d'une législation qu'ils appliquent chaque jour, et, quand ils nous disent qu'ils ont voulu faire une loi de progrès, on doit croire, ce semble, qu'ils ont réussi.

Il ne faut cependant pas accepter sans examen leurs promesses. Les jurisconsultes, loin d'être réformateurs, sont en tout pays des conservateurs résolus. On ne peut guère faire de bonnes lois s'ils ne concourent à la rédaction; mais lorsqu'ils sont maîtres, ils prennent difficilement l'initiative d'un progrès.

Certains qui demandent sans hésiter les bouleversements constitutionnels les plus radicaux deviennent timides quand il s'agit de toucher à la puissance paternelle, au mariage, à la tutelle, aux preuves de la filiation, aux contrats....

Il en a été toujours ainsi. Papinien et Ulpien, Cujas et Dumoulin, Daguesseau et Pothier et, si on peut les rapprocher de ces grands maîtres, Merlin et Portalis n'ont jamais été novateurs. Montesquieu, dont le scepticisme paraît parfois de la hardiesse est admirateur du droit romain et pas plus qu'à Daguesseau la puissance paternelle sur le mariage des enfants ne lui paraît exagérée; comme lui, il reviendrait volontiers à l'excessive rigueur du législateur romain.

Quand, sous le pression de l'opinion, sous celle d'une cause politique. religieuse, révolutionnaire, mais qui leur est toujours étrangère, un progrès se fait dans la législation, les jurisconsultes ne l'appliquent pas largement, dans l'esprit qui l'a inspirée : ils

changent difficilement leurs habitudes intellectuelles, ils ne peuvent oublier la loi qu'ils ont appliquée si longtemps, qu'ils ont étudiée, qu'ils rattachent autant qu'il le peuvent à ce droit romain, resté pour eux un idéal de logique quand ils le connaissent encore, une superstition quand ils l'ignorent.

II.

DROIT ROMAIN

3.

Tous les pouvoirs sont réunis dans les mains du chef de famille romain.

La famille est la première association qui apparaisse, les lois de sa formation et de son gouvernement furent les premières et, comme elle-même, d'une extrême simplicité.

Chez tous les peuples civilisés, parmi toutes les unions que pouvaient contracter l'homme et la femme, le mariage se dégagea et devint la source d'une famille plus stable. L'homme mari et père à la fois en fut le premier magistrat, il avait la force.

Le chef de famille romain, à une époque déjà avancée de l'histoire, réunissait encore entre ses mains la puissance paternelle (patria potestas), la puissance maritale manus), la puissance du maître sur l'esclave (dominica potestas, la puissance du propriétaire sur les choses et les animaux qui lui appartenaient (dominium).

Il y eut un temps où, presque confondu avec la force, ce droit fut absolu, sans limitation et donnant au chef la

faculté de disposer du sort et de l'existence des êtres et des choses qui lui étaient soumis.

Il fallut des siècles de luttes civiles pour limiter ces pouvoirs nés de mœurs brutales, et en faire des droits plus limités et mieux définis . Montesquieu (1. 23, ch. 21), semble blâmer cependant les lois de l'empire qui, « en ôtant au père la propriété des biens de ses enfants, affaiblirent l'autorité paternelle.>>

Il ne faut pas oublier que les chefs des familles romaines constituèrent la race agricole, guerrière, politique et conquérante, dont la force concentrée par une dicipline admirable et par une obéissance volontaire à des lois civiles longtemps respectées finit par donner à Rome l'empire du monde.

4.

Rappel sommaire des caractères de la famille
contemporaine en France.

Chez nous la parenté est le bien qui unit toutes les personnes descendant l'une de l'autre ou d'un auteur commun. Nous ne nous occupons que du lien du sang, l'adoption qui ne crée que des rapports limités entre l'adoptant, l'adopté et sa descendance doit être laissée de côté.

La parenté est légitime si elle vient du mariage ; toute autre union crée une parenté naturelle.

La famille varie dans ses définitions: elle est tantôt l'ensemble des parents légitimes, tantôt l'ensemble des parents et des alliés.

La famille successorale comprenant seulement les héritiers qui ont la plénitude des droits héréditaires se

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