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disait déjà: C'est une règle tirée de la nature que, plus on diminue le nombre des mariages qui pourraient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits; moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages, comme, lorsqu'il y a plus de voleurs, il y a plus de vols.

M. Moullart s'attend à soulever bien des objections et à rencontrer bien des contradicteurs. En tout cas personne ne contestera l'utilité d'un travail où l'on apprend beaucoup et où l'on trouve matière à beaucoup réfléchir.

L'intention de l'auteur en demandant plus de liberté est de prévenir la licence. Comme Hervieu, le dramaturge dont on a parlé il y a peu de temps, il veut que la législation desserre ses tenailles, mais seulement, à l'opposé d'Hervieu, avant le mariage, et pour que les liens de l'union conjugale soient ensuite plus étroits, plus solides. On affiche actuellement des prétentions différentes dont l'auteur des Tenailles n'a été que l'écho. Après avoir déclaré que le divorce n'est, selon une expression originale, qu'un expédient orléaniste pour légitimer le mariage, on s'attaque au mariage même, et l'on proclame l'union plus ou moins libre. Oh! on y mettra des formes, on inventera quelque nouveau contrat, une espèce de bail spécial. De trois, six, neuf ans? Ce serait peut-être encore mal conçu, car enfin trois ans à passer ensemble, c'est trop violenter le cœur humain, c'est trop tyrannique, quand le lendemain de l'entrée en ménage l'épouse à bail peut dire comme l'Irène Fargon d'Hervieu, à qui l'on demande pourquoi elle veut se séparer de son mari, « Eh! parce que je ne l'aime plus ». Plus d'affection, plus de mariage. Et pourquoi ne l'aime-t-elle plus? Parce qu'il est trop

parfait : « Il a toujours raison », de là un insupportable ennui qui rend insupportable le mari trop égal à luimême. Hélas! Il y en a qui s'ennuient facilement et très vite. Si les unions ne doivent durer qu'autant que dure l'affection, si courte chez quelques uns, ou que jusqu'au moment où naît l'ennui, si prompt à se produire chez les mêmes, il faudra admettre le mariage non plus de trois, six, neuf, mais le mariage à l'année, à la semaine; que sais-je? Sans doute, car il faut être logique.

Nous connaissons cela. Cela se pratique sous des noms divers. Mais le bon sens réprouve cela autant que le condamne le sens moral.

Ainsi que le rappelle justement M. Moullart dans ses conclusions, on oublie trop que l'union conjugale, comme l'union sociale et toute autre union, impose, pour produire ses effets bienfaisants, une chose sans. laquelle ne se fait rien de grand, rien de solide: l'esprit de sacrifice. Que le sacrifice soit pénible à pratiquer, nous l'avouons, mais c'est lui qui a relevé la femme de l'état d'infériorité auquel l'antiquité l'avait réduite, et auquel la ramènerait bientôt l'union libre; c'est lui qui, en retour de quelques peines, lui assure, quand elle est tant exposée, après les plus ardents hommages, à ce que l'on la dédaigne, à ce qu'on la délaisse, lui assure la dignité et la sécurité de l'épouse, c'est lui qui contribue à mettre sur son front ce qui est préférable à toutes les couronnes de roses du plaisir vite flétries, une couronne devant laquelle on s'incline avec attendrissement l'auguste couronne de la maternité.

Je n'ai pas à parler du discours prononcé par M. Michel pour sa réception et que l'on a trouvé exquis,

ni de la belle réponse de notre excellent confrère M. Blanchard, pas plus que de la distinguée et littéraire description d'un coin de l'Auvergne, que vous venez d'applaudir et de la charmante lecture de M. M. Lecomte que vous allez avoir le grand plaisir d'entendre. Il ne me reste qu'un douloureux devoir à remplir.

Ce n'est pas sans émotion que j'ai prononcé tout-àl'heure et que vous avez entendu prononcer le nom d'un ne nos collègues, vénéré par nous, et par quiconque, du reste, l'a connu.

M. Daussy honorait toutes les sociétés auxquelles il appartenait comme toutes les positions qu'il exerçait. Pour nous servir d'un mot qu'il affectionnait : c'était un homme, vir, l'homme fort de toute manière; fort par sa nette et vigoureuse intélligence, capable après les analyses les plus subtiles des plus hardies synthèses, par la solidité d'un jugement toujours sain et ferme; fort par la puissance d'une volonté maîtresse d'ellemême, et moins arrêtée qu'animée devant les obstacles, par la trempe d'un caractère dont la loyauté et la droiture égalaient la mâle énergie; fort par la sûreté de ses affections, jamais banales et, ses proches et ses amis le savent, si délicates sous des apparences un peu rudes, par la générosité d'un dévouement, qui, rappelons nous son intrépide concours à l'œuvre du grand maire d'Amiens de 1870, ne comptait ni avec les fatigues ni avec les périls; fort par un amour pour la justice que rien n'aurait pu entamer, par son culte pour le droit qui entretenait en lui la passion du devoir; fort par l'intégrité de sa vie, par la dignité de sa vie, par la simplicité de sa vie, qui ont fait la grandeur et la fécondité de sa vie.

L'an passé, à pareille époque, nous perdions aussi un confrère qui, dans une situation plus modeste, s'était acquis à un haut degré notre estime, M. Caron, le bon M. Caron. Sa physionomie douce et placide disaient son aménité; l'indécision qu'il montrait souvent trahissait surtout sa crainte de blesser qui ou quoi que ce fût, même la moindre des convenances; ses rapports et sa conversation révélaient une admirable candeur dont on aurait pu penser qu'elle l'exposait à être dupe, si un fin sourire n'avait averti qu'il était surtout bienveillant; ses travaux appéciés par nous prouvaient un esprit élevé et perspicace, curieux et cultivé.

M. Daussy et M. Caron n'ont pas entièrement disparu d'au milieu de nous. Ils nous ont laissés de précieux exemples. Nous nous en souviendrons toujours.

RÉSUMÉ

DES

PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES

ANNÉE 1895

11 JANVIER

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Présidence de M. Blanchard, Directeur. Sont élus: Directeur: M. Grenier, Chancelier: M. Bor, Secrétaireadjoint: M. Boudon.

25 JANVIER

Présidence de M. Grenier, Directeur.

:

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més membres de la Commission des Finances: MM. Leleu, Oudin, Ponche; membres de la Commission de Publication MM. Blanchard, Debauge, Delpech, Fournier. Lecture par M. Oudin: Les Revendications Ouvrières en France. Election de M. le Docteur Trépant. - Présentation de M. Durand, Archiviste, et de M. Roze, Sculpteur.

22 FÉVRIER

-

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Présidence de M. Lenel. Discussion des titres à l'Académie de M. Durand et de M. Roze. Lecture de M. Le Vavasseur: Poésies diverses.

22 MARS

Présidence de M. Grenier, Directeur.

Lecture par

M. Maxime Lecomte La Chanson pendant la Révolution Française. Election de M. Durand et de M. Roze.

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