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CÉLIE.

Autrefois j'ai connu cet honnête garçon,

Et vous n'avez pas lieu d'en prendre aucun soupçon.

MASCARILLE.

Est-ce là le seigneur Trufaldin?

CÉLIE.

Oui, lui-même.

MASCARILLE.

Monsieur, je suis tout vôtre; et ma joie est extrême
De pouvoir saluer en toute humilité

Un homme dont le nom est partout si vanté.

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Mais je l'ai vue ailleurs, où m'ayant fait connoître
Les grands talents qu'elle a pour savoir l'avenir,
Je voulois sur ce point un peu l'entretenir.

TRUFALDIN.

Quoi! te mêlerois-tu d'un

peu de diablerie?

CÉLIE.

Non, tout ce que je sais n'est que blanche magie.

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I

Voici donc ce que c'est. Le maître que je sers
Languit pour un objet qui le tient dans ses ferściu no 11',
Il auroit bien voulu du feu qui le dévore

Pouvoir entretenir la beauté qu'il adore :

Mais un dragon, veillant sur ce rare trésor,
N'a pu, quoi qu'il ait fait, le lui permettre encor;
Et, ce qui plus le gêne et le rend misérable,

Il vient de découvrir un riyal redoutable :

Si bien
que, pour savoir si ses soins amoureux
Ont sujet d'espérer quelque succès heureux,
Je viens vous consulter, sûr que de votre bouche
Je puis apprendre au vrai le secret qui nous touche.

CÉLIE.

Sous quel astre ton maître a-t-il reçu le jour?

MASCARILLE.

Sous un astre à jamais ne changer son amour.

CÉLIE.

Sans me nommer l'objet pour qui son cœur soupire, La science que j'ai m'en peut assez instruire.

Cette fille a du cœur, et dans l'adversité

Elle sait conserver une noble fierté :

Elle n'est pas d'humeur à trop faire connoître

Les secrets sentiments qu'en son cœur on fait naître; Mais je les sais comme elle, et, d'un esprit plus doux, Je vais en peu de mots te les découvrir tous.

MASCARILLE.

O merveilleux pouvoir de la vertu magique!

CÉLIE.

Si ton maître en ce point de constance se pique,
Et que la vertu seule anime son dessein,

Qu'il n'appréhende plus de soupirer en vain :

Il a lieu d'espérer; et le fort qu'il veut prendre

N'est pas sourd aux traités, et voudra bien se rendre.

MASCARILLE.

C'est beaucoup; mais ce fort dépend d'un gouverneur

Difficile à gagner.

CÉLIE.

C'est là tout le malheur.

MASCARILLE, à part, regardant Lélie.
Au diable le fâcheux qui toujours nous éclaire!
CÉLIE.

Je vais vous enseigner ce que vous devez faire.
LÉLIE, les joignant.

Cessez, ô Trufaldin, de vous inquiéter;
C'est par mon ordre seul qu'il vous vient visiter;
Et je vous l'envoyois, ce serviteur fidèle,

Vous offrir mon service, et vous parler pour elle,
Dont je vous veux dans peu payer la liberté,
Pourvu qu'entre nous deux le prix soit arrêté.

MASCARILLE, à part.

La peste soit la bête!

TRUFALDIN.

Ho! ho! qui des deux croire?

Ce discours au premier est fort contradictoire.

MASCARILLE.

Monsieur, ce galant homme a le cerveau blessé;

Ne le savez-vous pas?

TRUFALDIN.

Je sai ce que je sai.

J'ai crainte ici dessous de quelque manigance.

(A Célie.)

Rentrez, et ne prenez jamais cette licence.
Et vous, filous fieffés, ou je me trompe fort,
Mettez, pour me jouer, vos flûtes mieux d'accord.

SCÈNE V.

LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

C'EST bien fait. Je voudrois qu'encor, sans flatterie,
Il nous eût d'un bâton chargés de compagnie.
A quoi bon se montrer, et, comme un étourdi,
Me venir démentir de tout ce que je di?

Je pensois faire bien.

LÉLIE.

MASCARILLE.

Oui, c'étoit fort l'entendre.

Mais quoi! cette action ne me doit point surprendre :
Vous êtes si fertile en pareils contre-temps,

Que vos écarts d'esprit n'étonnent plus les gens.
LÉLIE.

Ah mon Dieu! pour un rien me voilà bien coupable!
Le mal est-il si grand, qu'il soit irréparable?

Enfin, si tu ne mets Célie entre mes mains,

Songe au moins de Léandre à rompre les desseins; Qu'il ne puisse acheter avant moi cette belle.

De

peur que ma présence encor soit criminelle, Je te laisse.

MASCARILLE, seul.

Fort bien. A dire vrai, l'argent

Seroit dans notre affaire un sûr et fort agent:
Mais ce ressort manquant, il faut user d'un autre.

SCÈNE VI.

ANSELME, MASCARILLE.

ANSELME.

PAR mon chef, c'est un siècle étrange que le nôtre!
J'en suis confus. Jamais tant d'amour pour le bien,
Et jamais tant de peine à retirer le sien.

Les dettes aujourd'hui, quelque soin qu'on emploie,
Sont comme les enfants, que l'on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l'accouchement.
L'argent dans notre bourse entre agréablement;
Mais le terme venu que nous devons le rendre,
C'est lors que les douleurs commencent à nous prendre.
Baste, ce n'est pas peu que deux mille francs, dus
Depuis deux ans entiers, me soient enfin rendus ;
Encore est-ce un bonheur.

MASCARILLE à part les quatre premiers vers.
O Dieu! la belle proie

A tirer en volant! Chut, il faut que je voie

Si je pourrois un peu de près le caresser:
Je sais bien les discours dont il le faut bercer.
Je viens de voir, Anselme...

ANSELME.

Et qui?

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