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CXXI. RÉPONSE A M. DE LINANT

Mais vous, Linant, que le ciel a doté
De minois rond, de croupe rebondie,
Et, qui plus est, de cet art enchanté
Par qui l'esprit se joint à l'harmonie,
Votre Apollon, dieu de la poésie,
Est bien aussi le dieu de la santé.

CXXII. A MADAME DU CHATELET,

A qui l'auteur avait envoyé une bague où son portrait était gravé.

Barier grava ces traits destinés pour vos yeux;
Avec quelque plaisir daignez les reconnaître :
Les vôtres dans mon cœur furent gravés bien mieux;
Mais ce fut par un plus grand maître.

CXXIII. IMPROMPTU

Fait dans les jardins de Cirey, en se promenant au clair de

la lune.

Astre brillant, favorable aux amants, Porte ici tous les traits de ta douce lumière : Tu ne peux éclairer, dans ta vaste carrière, [tants. Deux cœurs plus amoureux, plus tendres, plus cons

CXXIV. A MADAME DU CHATELET,

EN RECEVANT SON PORTRAIT.

Traits charmants, image vivante

Du tendre et cher objet de ma brûlante ardeur, L'image que l'amour a gravée en mon cœur

Est mille fois plus ressemblante.

CXXV. A MADAME DU CHATELET.

Mon cœur est pénétré de tout ce qui vous touche;
De la félicité je vous fais des leçons;
Mais j'y suis peu savant : un mot de votre bouche
Vaut bien mieux que tous mes sermons.

CXXVI. POUR LE PORTRAIT

DE MME LA PRINCESSE DE TALMONT.

Les dieux, en lui donnant naissance
Aux lieux par la Saxe envahis,

Lui donnèrent pour récompense

Le goût qu'on ne trouve qu'en France, Et l'esprit de tous les pays.

CXXVII. A MADAME D'ARGENTAL',

LE JOUR DE SAINTE-JEANNE SA PATRONNE.

Jean fut un saint (si l'on en croit l'histoire
De saint Matthieu ) qui buvait l'eau du ciel,
D'un rocher creux fesait son réfectoire,
Et tristement soupait avec du miel.
Jeanne, au rebours, sainte sans prud'homie,
Au sentiment unissait la raison,

Sans opulence avait bonne maison,

Et de l'esprit était la bonne amie :
On l'adorait, et c'était bien raison.
Or vous, grand saint, mangeur de sauterelle,
Dans vos déserts vivez avec les loups,
Prêchez, jeûnez, priez; mais vous, la belle,
Quand vous voudrez j'irai souper chez vous.

CXXVIII. A M. JORDAN,

A BERLIN.

1738.

Un prince jeune, et pourtant sage,
Un prince aimable, et c'est bien plus,
Au sein des arts et des vertus,
Jordan, vous donne son suffrage;
Ses mains mêmes vous ont paré
De ces fleurs que la poésie
Sous ses pas fait naître à son gré.
Par vous ce prince est adoré,
Et chaque jour de votre vie
A Frédéric est consacré.
Si je n'étais pas à Cirey,
Que je vous porterais d'envie!

CXXIX. ÉPIGRAMME

SUR L'ABBÉ DESFONTAINES,

Qui se prononçait contre l'attraction.

1736.

Pour l'amour anti-physique
Desfontaines flagellé
A, dit-on, fort mal parlé
Du système newtonique.
Il a pris tout à rebours
La vérité la plus pure;
Et ses erreurs sont toujours
Des péchés contre nature.

1 Jeanne Du Bouchet, mariée au com'ed'Argental en octohre 1737, morte en décembre 1774. CL.

CXXX.

L'ABBÉ DESFONTAINES ET LE RAMONEUR,

OU LE RAMONEUR ET L'ABBÉ Desfontaines.

CONTE PAR FEU M. DE LA FAYE.

1738.

Un ramoneur à face basanée,

Le fer en main, les yeux ceints d'un bandeau,
S'allait glissant dans une cheminée,
Quand de Sodome un antique bedeau,
Qui pour l'Amour prenait ce jouvenceau,
Vint endosser son échine inclinée.
L'Amour cria: le quartier accourut.
On verbalise; et Desfontaine en rut
Est encagé dans le clos de Bicêtre.
On vous le lie, on le fait dépouiller.
Un bras nerveux se complaît d'étriller
Le lourd fessier du sodomite prêtre.
Filles riaient, et le cuistre écorché
Criait : « Monsieur, pour Dieu, soyez touché;
Lisez, de grâce, et mes vers et ma prose. »
Le fesseur lut; et soudain, plus fâché,
Du renégat il redoubla la dose,
Vingt coups de fouet pour son vilain péché,
Et trente en sus pour l'ennui qu'il nous cause.

CXXXI. VERS

Ecrits à la marge d'un manuscrit de madame DU CHATELET sur NEWTON.

Penser avec solidité,

Et d'un style brillant et sage
Oser écrire avec courage
Ce que le génie a dicté;

Etre femme, avoir en partage
Et la grandeur et la beauté,
Sans être vaine ni volage :
Sur les hommes, en vérité,
C'est avoir par trop d'avantage.

CXXXII. A M. H....,

ANGLAIS,

Qui avait comparé l'auteur au soleil.

Le soleil des Anglais, c'est le feu du génie,
C'est l'amour de la gloire et de l'humanité,
Celui de la patrie et de la liberté :
Voilà leur Apollon, voilà leur Polymnie.
Le feu que Prométhée au ciel avait surpris
N'est point dans les climats, il est dans les esprits;
Le nord n'en éteint point les flammes immortelles;

Partout vous en portez les vives étincelles.
Vous brillerez partout, dans la chaire, au sénat;
Vous servirez le prince, et beaucoup mieux l'état ;
Et, né pour instruire et pour plaire,
Ce feu que vous tenez de votre illustre père
A dans vous un nouvel éclat.

CXXXIII. A MADAME DE BOUFFLERS,

En lui envoyant un exemplaire de la Henriade.

Vos yeux sont beaux, mais votre âme est plus belle;
Vous êtes simple et naturelle,

Et, sans prétendre à rien, vous triomphez de tous;
Si vous eussiez vécu du temps de Gabrielle,
Je ne sais pas ce qu'on eût dit de vous,
Mais l'on n'aurait point parlé d'elle.

CXXXIV.

A MME LA DUCHESSE DE LA VALLIÈRE,

AU NOM DE MADAME LA DUCHESSE DE ***,

En lui envoyant une navette.

L'emblême frappe ici vos yeux :

Si les Grâces, l'Amour, et l'Amitié parfaite, Peuvent jamais former des nœuds, Vous devez tenir la navette.

CXXXV. A MADAME DU BOCCAGE.

J'avais fait un vœu téméraire
De chanter un jour à-la-fois

Les grâces, l'esprit, l'art de plaire,

Le talent d'unir sous ses lois
Les dieux du Pinde et de Cythère :
Sur cet objet fixant mon choix,
Je cherchais ce rare assemblage,
Nul autre ne put me toucher;
Mais hier je vis Du Boccage,
Et je n'eus plus rien à chercher.

CXXXVI. LES SOUHAITS.

SONNET.

Il n'est mortel qui ne forme des vœux : L'un de Voisin convoite la puissance; L'autre voudrait engloutir la finance Qu'accumula le beau-père d'Évreux.

Vers les quinze ans, un mignon de couchette Demande à Dieu ce visage imposteur

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CXLIV. A M. MAURICE DE CLARIS,

Qui avait envoyé à l'auteur un poème sur la grâce. 1741.

Lorsque vous me parlez des grâces naturelles
Du héros votre commandant ',

Et de la déité qu'on adore à Bruxelles2,

C'est un langage qu'on entend.

La grâce du Seigneur est bien d'une autre espèce;
Moins vous me l'expliquez, plus vous en parlez bien:
Je l'adore, et n'y comprends rien.
L'attendre et l'ignorer, voilà notre sagesse.
Tout docteur, il est vrai, sait le secret de Dieu;
Élus de l'autre monde, ils sont dignes d'envie.
Mais qui vit auprès d'Émilie,
Ou bien auprès de Richelieu,
Est un élu dans cette vie.

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Ayant la rage et non l'art de médire,

Qui ne peut plaire, et peut encor moins nuire;
Pour ses méfaits dans la geôle encagé,
A Saint-Lazare après ce fustigé,
Chassé, battu, détesté pour ses crimes,
Honni, berné, conspué pour ses rimes,
Cocu, content, parlant toujours de soi?
Chacun s'écrie: « Eh! c'est le poëte Roy. »

CLIII. IMPROMPTU

SUR LA FONTAINE DE BUDÉE, A YÈRE.

Toujours vive, abondante, et pure, Un doux penchant règle mon cours : Heureux l'ami de la nature

Qui voit ainsi couler ses jours!

CLIX. A MADAME DE POMPADOUR,

Alors madame D'ÉTIOLE, qui venait de jouer la comédie aux petits appartements.

Ainsi donc vous réunissez

CLVII. A MADAME DE POMPADOUR,

En lui envoyant l'Abrégé de l'Histoire de France, do président HÉNAULT.

1745.

Le voici, ce livre vanté.
Les Grâces daignèrent l'écrire
Sous les yeux de la Vérité;

Et c'est aux Grâces de le lire.

CLVIII. INSCRIPTIONS

Mises sur la nouvelle porte de Nevers, élevée en l'honneur de Louis XV.

1746.

(Du côté de Paris.)

Au grand homme modeste, au plus doux des vainAu père de l'état, au maître de nos cœurs. [queurs, (En dedans de la ville.)

A ce grand monument, qu'éleva l'abondance,

Tous les arts, tous les goûts, tous les talents de plaire: Reconnaissez Nevers, et jugez de la France. Pompadour, vous embellissez

La cour, le Parnasse, et Cythère.

Charme de tous les cœurs, trésor d'un seul mortel, Qu'un sort si beau soit éternel!

Que vos jours précieux soient marqués par des fêtes! Que la paix dans nos champs revienne avec Louis! Soyez tous deux sans ennemis,

Et tous deux gardez vos conquêtes.

CLV. A MADAME DE BOUFFLERS,

QUI S'APPELAIT MADELEINE.

Chanson sur l'air des Folies d'Espagne. Votre patronne en son temps savait plaire; Mais plus de cœurs vous sont assujettis. Elle obtint grâce, et c'est à vous d'en faire, Vous qui causez les feux qu'elle a sentis. Votre patronne, au milieu des apôtres, Baisa les pieds du maître le plus doux : Belle Boufflers, il eût baisé les vôtres, Et saint Jean même en eût été jaloux.

CLVI. QUATRAIN

SUR LE MARÉCHAL DE SAXE.

Ce héros que nos yeux aiment à contempler
A frappé d'un seul coup l'envie et l'Angleterre ;
Il force l'histoire à parler,

Et les courtisans à se taire.

(En dedans de la porte.)

Dans ces temps fortunés de gloire et de puissance,
Où Louis, répandant les bienfaits et l'effroi,

Triomphait des Anglais aux champs de Fontenoy,
Et fesait avec lui triompher sa clémence;
Tandis que tous les arts, armés et soutenus,
Embellissaient l'état que sa main sut défendre;
Tandis qu'il renversait les portes de la Flandre
Pour fermer à jamais les portes de Janus,
Les peuples de Nevers, dans ces jours de victoire,
Ont voulu signaler leur bonheur et sa gloire.
Étalez à jamais, augustes monuments

Le zèle et la vertu de ceux qui vous fondèrent;
Instruisez l'avenir: soyez vainqueurs du temps,
Ainsi que le grand nom dont leurs mains vous ornèrent

CLIX. A M. CLÉMENT DE DREUX

1746.

On voit sans peine, à vos rimes gentilles
Dont vous ornez ce salutaire don,
Que dans vos champs les lauriers d'Apollon
Sont cultivés ainsi que vos lentilles.
Si, dans son temps, ce gourmand d'Ésaù
Pour un tel mets vendit son droit d'aînesse,
C'est payer cher, il faut qu'on le confesse;
Mais de surcroît si ce Juif eût reçu
D'aussi bons vers, il n'aurait jamais eu
De quoi payer les fruits de cette espèce.

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