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l'avait avoué, que ce prince, étant encore simple of ficier, conçut les premières espérances de sa fortune sur les discours que lui tint une femme druide, du pays de Tongres (1). Il est au moins vraisemblable que les prêtresses celtes tenaient le premier rang parmi les femmes qui étaient chargées dans les Gaules du soin d'administrer la justice (2). Dans la suite elles furent dépouillées de leur autorité, qui passa aux prêtres

(1) Cum Diocletianus apud Tungros in Galliâ quâdam in cauponá moraretur, in minoribus adhuc locis militans, et cum muliere quâdam druide rationem convictûs sui quotidiani faceret, et illa diceret Diocletiane, nimium avarus es; jocosè, non seriò, Diocletianus respondisse fertur: Tunc ero largus, cùm imperator fuero. Post quod verbum Druias dixisse fertur: Diocletiane, jocari noli ; nam imperator eris, cùm Aprum occideris. Semper exindè Diocletianus in animo habuit imperii cupiditatem, idque Maximiano conscio atque avo meo, cujus hoc dictum à Druide ipse retulerat. ( Vopisc., in Numer., p. 252. )

(2) Plutarque et Polyen s'accordent à dire que les Celtes prenaient le conseil des femmes dans leurs délibérations sur la paix, sur la guerre, et sur leurs autres affaires les plus importantes. On pourrait attribuer cette estime à l'inclination que les Gaulois ont toujours fait paraître pour les femmes, si cette déférence singulière n'eût prévalu que dans leur propre pays. Mais quand on voit que dans le traité fait entre Annibal et les Gaulois, il est stipulé expressément que si les Carthaginois se plaignent de ceux-ci, ils porteront leurs plaintes devant les femmes gauloises, lesquelles en seront les juges, on ne peut s'empêcher de reconnaître que l'équité de ces femmes était regardée comme incontestable, et connue même des étrangers.

druides; mais il est facile de croire que la jalousie, qui est si naturelle aux femmes contre toutes celles de leur sexe, réveillée et nourrie par les chagrins et les dépits que fait naître une autorité partagée, les porta à substituer leurs maris en leur place. En effet, en déférant aux druides la principale autorité, elles ne se dépouillaient de rien; il leur restait assez de crédit pour flatter leur ambition, et pour se soutenir dans leur premier éclat : la déférence que les Celtes avaient toujours eue pour leurs femmes en était un sûr garant.

Les druides (1), connus aussi sous les noms de bardes,

(1) Il y a sur l'origine du nom de Druides plusieurs opinions; les uns tirent ce nom de l'hébreu derussim, drussim ou drissim, qui signifie contemplateur, ou de drus, qui, en vieux langage britannique, veut dire démon, magicien; d'autres du grec Apùo, un chêne, ou du celtique dar ou derv, qui signifie fort, nom qu'on donnait aussi au chêne, sans doute à cause de la dureté de son bois; quelques-uns enfin du celtique derouyd au singulier, et derouyden au pluriel, qui veut dire parler avec Dieu, être son interprète. Parmi toutes ces étymologies, il y en a plusieurs qui ne paraissent pas fondées. 1o Diogène Laërce se moque avec raison de ceux qui dérivent les noms celtes du grec, comme si les Gaulois, au mépris de leur langue, eusssent été puiser chez les Grecs, sans savoir le grec, les noms qu'ils devaient donner aux choses. Pline propose comme un soupçon que le nom de druides a pu venir du grec : Interpretatione græcâ possint Druida vocari. Nos critiques, qui vont tout chercher dans le grec, ont donné cette origine comme certaine. 2o Il n'est

eubages, vacies, saronides, semothées ou semnothées, étaient distingués en trois principaux ordres. Les vacies-druides étaient les dépositaires des dogmes de la religion et de la philosophie; sans eux on ne pouvait ni sacrifier, ni administrer la justice (1). Les

pas plus naturel de dériver le nom de druides de l'hébreu. Quelle relation y avait-il entre les Hébreux et les Celtes? 3o On a peine à croire que l'ordre entier des prêtres celtes tirât son nom de celui des arbres sur lesquels ils cueillaient le gui, circonstance du culte religieux qui ne méritait pas beaucoup d'attention. 4° Les anciens Celtes n'adoraient point les démons, et on les aurait certainement offensés si on eût appelé leurs prêtres des magiciens. Ainsi le nom de Druides ne vient point du vieux langage britannique drus. Il me semble donc qu'il doit avoir une origine qui ait plus de rapport à la principale fonction de ces prêtres, qui étaient regardés comme les seuls interprètes de Dieu, comme les seuls dont le Souverain Etre écoutât la voix, et à qui il déclarât ses volontés. Diodore de Sicile les désigne même en parlant d'eux, par le nom de théologiens. Les poésies bretonnes du cinquième et du sixième siècle, c'est-à-dire d'un temps où la religion des druides n'était pas encore tout-à-fait détruite, parlent de ces prêtres, dont le nom s'y trouve écrit derouyden au pluriel, et derouyd au singulier. Ce nom est formé sur deux racines celtiques de ou di, Dieu, et rouydd ou raydd, participe du verbe rayddheim ou rouyddim, parler, dire, haranguer, soutenir. Par cette étymologie, derouyd a la même signification que le 0ɛokoyo des Grecs, théologien.

(1) Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux prétendent que les vacres, qu'ils appellent vacerres, étaient simplement prêtres et sacrificateurs, et que les Sarronides étaient les juges, les théologiens et les professeurs de la religion gauloise. Dio

bardes-druides étaient commis pour chanter les hymnes dans les sacrifices, et célébrer dans les combats et dans les festins publics, les grandes actions des hommes illustres (1). Les eubages - druides tiraient

dore de Sicile est le premier qui ait traduit le mot de druides par celui de Sarronides. Il l'a fait sans doute d'après des écrivains grecs, qui croyaient le nom de druides dérivé du mot grec Apio, un chêne. Aussi les auteurs du Dictionnaire de Trévoux dérivent le nom de sarronides du grec Apio et de cap, qui signifient tous deux un chêne. Ils ont raison dans la conséquence qu'ils tirent, mais ils auraient pu savoir que le nom de sarronides n'est pas de la première antiquité, et qu'il y avait des théologiens parmi les Celtes, avant que leurs druides reçussent ce nom.

(1) Le nom de bardes est un ancien mot breton qui désigne un prêtre, un chantre, un musicien. La considération que l'on avait pour ces bardes était si grande, selon Diodore de Sicile, que leur présence et leurs exhortations avaient souvent arrêté des armées prêtes à en venir aux mains. (Diod., v. 213, 214) C'est peut-être la raison pour laquelle on en a fait des ecclésiastiques celtes, ou au moins ce qui fit que les druides, fort jaloux de concentrer en eux toute l'autorité, consentirent à accepter cet emploi. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'on distinguait les bardes qui composaient les poèmes et les airs sur lesquels on les chantait, des parasites qui les répétaient partout, pour fortifier le parti du patron auquel ils étaient attachés. Dom J. Martin a mal à propos prétendu que les hardes étaient de vrais parasites. ( Religion des Gaulois, t. 1, p. 174.) Le passage d'Athénée, qu'il a allégué pour le prouver, dit positivement le contraire. Possidonius, dont Athénée rapporte les paroles, distingue les bardes et les gens qui s'attachaient aux grands seigneurs, qui avaient

les augures des victimes. Ils avaient diverses espèces de divinations, parmi lesquelles il s'en trouvait de barbares, que les Romains abolirent lorsqu'ils furent maîtres des Gaules. Dans l'usage ordinaire on confondait les eubages, les bardes et les vacies, sous le nom général de druides, comme nous comprenons tous les ministres de l'Eglise sous le nom d'ecclésiastiques, et il paraît assez probable que les druides inférieurs remplissaient les fonctions de chantres et de devins. Ces différentes classes avaient pour chef un

leur table, qui faisaient profession de vivre et mourir avec eux, et qui chantaient les louanges de leurs patrons partout où on voulait les écouter. Casaubon a eu raison de remarquer que le nom de celte, qui répond à celui de parasite, employé par Possidonius, est soldurii. En effet, si les bardes avaient été de vrais parasites, ce caractère n'aurait pu que les rendre infiniment méprisables, au lieu de leur attirer de la considération. Ce n'est pas qu'il ne pût se trouver des parasites parmi les bardes. On en trouve un exemple dans Athénée (l. 4, c. 13). Les bardes étaient les poètes des Gaulois, et c'est assez l'ordinaire des mauvais poètes d'être parasites. Mais de ce qu'il y a eu de tout temps des ames vénales parmi les élèves d'Apollon, il serait injuste de prétendre conclure de là qu'ils sont tous des parasites. Dom J. Martin n'a pas mieux compris un passage de Diodore de Sicile, sur lequel il s'est appuyé pour faire des bardes de véritables censeurs romains. (Religion des Gaulois, t. 1, p. 173.) Diodore dit que les bardes louaient les uns et outrageaient les autres : alios conviciis proscindentes. Dire des injures, n'est pas l'office d'un censeur public.

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