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Au reste, cette coutume, quelque révoltante qu'elle soit, ne doit pas plus nous étonner de la part des anciens, que de la part des peuples du Mexique, où les Espagnols la trouvèrent établie depuis long-temps. L'Europe eut autrefois ses Lestrigons, comme l'Amérique a ses antropophages. Au surplus, est-il plus barbare de sacrifier des hommes à la Divinité, que de les égorger, parce qu'ils ont des principes de religion contraires aux véritables, ou à d'autres qu'on veut leur faire adopter?...... Il me vient une pensée que je n'ose presque pas exprimer. Tout le monde sait ces vers de Boileau (1):

De Paris au Pérou, du Pérou jusqu'à Rome,
Le plus sot animal, à mon avis, c'est l'homme.

Que d'obstacles la foi et la morale d'un Dieu crucifié durent - elles trouver parmi un peuple qui avait ajouté à ses anciennes superstitions les dieux et les vices des Grecs et des Romains! Les passions des hommes prirent la défense des divinités qu'elles avaient érigées. Le faux zèle des prêtres druides, l'ignorance et la superstition des peuples, la cruauté des tyrans, tout s'arma contre les premiers prédicateurs de la foi. On fit couler de toutes parts des fleuves de sang; et les moyens mêmes qu'on employait pour détruire la religion de Jésus Christ, la firent enfin

(1) Sat. 8, vers 3 et 4.

triompher des absurdités du paganisme. Dieu le permit ainsi, pour montrer que l'établissement du christianisme ne pouvait être que l'ouvrage de sa sagesse et de sa toute-puissance.

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A QUELLE époque le christianisme a-t-il été apporté dans les Gaules; ou, en d'autres termes, dans quel temps ont eu lieu les premières missions et l'établissement des plus anciennes églises de France? La religion chrétienne a-t-elle été florissante en Occident, immédiatement après les premières missions apostoliques; ou bien n'a-t-elle commencé à se propager et à prendre racine dans toute l'étendue des Gaules qu'à une époque plus ou moins éloignée de la prédication primitive?

Ces questions ont long-temps occupé les théologiens et les critiques. Outre les difficultés propres à l'appréciation d'un état de choses qui se perd dans l'obscurité des premiers siècles chrétiens, la diversité des affections et des intérêts religieux n'a pas peu contribué à diviser les opinions sur cette matière.

Mezerai, dans son avant-Clovis, fait à ce sujet des

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réflexions fort justes, et qui méritent d'être rapportées.

« La question, dit cet historien, est de savoir en quel temps les premiers évêques ont prêché l'Evangile dans les Gaules. Nous n'ignorons pas que la plupart de ces églises rapportent le temps de leurs fondateurs à celui des apôtres, et leur mission directement à saint Pierre ou à saint Clément. Mais beaucoup de gens qui ont fort étudié ces temps, disent qu'en cela elles ont moins cherché la vérité que l'honneur de paraître anciennes ; ils ajoutent que cette passion s'accrut plus fort, au préjudice de la vraie antiquité, vers le huitième et le neuvième siècle, lorsqu'abondant en richesses et sous des princes très-pieux, elles se mirent à contester de leur rang et de leur dignité avec tant de chaleur, qu'elles employèrent même l'autorité des conciles et celle des papes pour persuader leur tradition. Ainsi, nous voyons trois conciles assemblés et des décisions des papes pour faire croire que saint Martial avait été envoyé à Limoges par saint Pierre. Ils ont remarqué de plus, que, quand les siéges épiscopaux ont rapporté la mission de leurs premiers évêques à saint Clément, les métropolitains l'ont souvent rapportée à saint Pierre même.

<< Par exemple, l'église de Reims, à cause qu'elle voyait que ceux de Châlons soutenaient que leur saint Memmius avait été envoyé par saint Clément, l'envia sur eux, et s'avisa de dire que son saint Sixte avait eu sa mission de saint Pierre même, quoique avant cela l'archevêque Hincmar, fort jaloux de sa grandeur et de celle de son siége, eût assuré que ce pre

mier évêque de Reims avait eu sa mission seulement du pape saint Sixte. Pareillement celle de Sens, pour précéder celle de Paris, qui croyait avoir reçu saint Denis du pape Clément, se vanta que saint Savinien lui avait été envoyé par saint Pierre. »

Quoi qu'il en soit, les plus zélés défenseurs de la gloire de l'Eglise se sont fait un mérite, et pour ainsi dire un devoir, de la rattacher, par une succession' de progrès non interrompus, à sa source divine: ils n'ont pu voir qu'avec une sorte d'indignation briser cette chaîne sacrée, où la fondation de nos premières églises se lie, comme un premier anneau, à l'œuvre immédiate des apôtres; et comme ils ont raisonné bien moins par conviction que par sentiment, on conçoit qu'ils n'aient pu s'accorder avec des critiques désintéressés qui, jugeant à froid la question, ont vu les faits tels qu'ils étaient, ou du moins tels qu'il est naturel de les supposer.

Il s'est établi d'abord deux opinions mutuellement opposées, d'où naquit une troisième opinion moyenne. Les uns ont prétendu que la religion a été prêchée dans les Gaules par les disciples des apôtres, dès le premier siècle : de sorte que nos premiers évêques auraient été disciples de saint Pierre et de saint Paul, dont ils avaient reçu leur mission; que saint Denis, évêque de Paris, qui, selon l'opinion commune, n'apparut qu'au milieu du troisième siècle, n'était autre que Denis l'aréopagite, évêque d'Athènes, converti par saint Paul, dont la mort est rapportée à l'an 95 de l'ère chrétienne; que saint Trophime d'Arles et

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