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nouvelles opinions avaient fait tant de progrès depuis un siècle. Il en trouve la cause dans l'exagération de ceux qui soutenaient les anciennes, et dans les autorités peu solides sur lesquelles ils s'appuient. Il observe ensuite que les nouvelles opinions sont fondées sur plusieurs erreurs capitales ou faux principes qu'il répète successivement. Ainsi, quand on a prétendu que l'ignorance où l'on est du nom des évêques de France antérieurement au troisième siècle, est une preuve de la nouveauté de leur siége, il répond qu'à l'exception des quatre principales églises de la chrétienté, personne peut-être, avant Eusèbe, n'avait songé à donner les catalogues des évêques; et cet usage est probablement plus reculé encore en France. On écrivait peu dans ces provinces durant les quatre premiers siècles. Jusqu'à Pepin, nous connaissons les noms d'un très-grand nombre d'évêques dont nous ignorons les siéges, tandis qu'il y a d'autres évêques dont il est parlé dans l'histoire, et dont les noms et les siéges sont également inconnus. L'antiquité de la religion dans une province, ne dépend pas non plus de l'antiquité des martyrs. S'il n'y a point eu de martyrs dans les Gaules avant Marc-Aurèle, ce n'est point qu'il n'y eût pas de chrétiens, mais parce que les différentes causes qui donnaient lieu aux persécutions ne se rencontraient pas dans ce pays. La principale était la haine des Juifs, et il paraît certain qu'il n'y avait qu'un fort petit nombre de Juifs dans les Gaules avant Marc-Aurèle. C'est ainsi que l'auteur termine sa première partie.

Il commence sa seconde par établir ce qu'il a l'intention de prouver; savoir : Que les églises des Gaules ont été fondées par des hommes apostoliques, dès le premier siècle; qu'avant la fin du second, il y avait un grand nombre d'évêques et d'églises dans les Gaules, où ils commencèrent à paraître pendant la vie de saint Photin, évêque de Lyon; qu'au commencement du troisième, toutes les diverses nations l'avaient reçue, en sorte qu'il n'y avait peut-être pas une ville un peu considérable où il n'y eût une église avant Dioclétien, et qu'enfin les chrétiens y étaient très-puissans au commencement du quatrième siècle. Il déduit ensuite les règles que l'on doit suivre dans l'examen de cette question : c'est-à-dire, surtout, que l'on doit croire de préférence les écrivains les plus anciens, ceux d'Orient plutôt que ceux d'Occident, et que l'on doit savoir, dans chaque écrivain, ce qui est bon à prendre et ce qu'il faut rejeter. Il revient ensuite sur les préjugés qui s'élèvent contre l'opinion des sectateurs de Grégoire de Tours. Il se demande pourquoi la religion chrétienne ne s'est pas répandue en-deçà des Alpes, aussi promptement et avec autant d'éclat que dans l'Orient: il l'attribue à la barbarie des Gaulois et au petit nombre de Juifs qui se trouvaient parmi eux. Enfin, si la tradition ou la mémoire de la prédication des apôtres et de leurs disciples, dans les Gaules et dans les provinces voisines, s'est presque perdue dans les lieux mêmes où ils ont prêché, c'est surtout, dit l'auteur, que Dieu fit à ces églises la grâce de les laisser long-temps en paix : on

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que

sait que la première persécution y eut lieu sous Marc-
Aurèle; et, d'un autre côté, les hérétiques se glissè-
rent assez tard dans les provinces qui sont en-deçà
des Alpes, et y réussirent moins dans l'Orient,
où les hommes étaient légers, grands discoureurs,
amis des disputes, voulant raisonner sans fin, au lieu
que
les Gaulois et leurs voisins conservaient avec
simplicité et fermeté la foi qu'ils avaient reçue.

On voit que ces deux premières parties ne sont, en quelque sorte, que des préliminaires : c'est dans la troisième que l'auteur aborde le fond de la question. M. de Tillemont ayant bien prévu, dit-il, que son opinion était insoutenable si l'on trouvait que la religion de Jésus-Christ était établie dans toutes les provinces de l'empire, et même hors de l'empire, lorsque Dèce commença à persécuter les églises, il sera utile de prouver d'abord ce fait, avant d'en venir à ce qui regarde la France.

Un article est, en premier lieu, consacré à démontrer la grande probabilité du voyage de saint Paul en Espagne. Dans un second, l'auteur établit, d'après un passage de saint Irénée, qu'à l'époque où vivait ce Père, les églises de la Germanie étaient nombreuses et célèbres. En effet, saint Irénée cite entre autres ces églises, pour prouver que la prédication de la foi était conservée uniformément, avec un soin extrême, dans l'Eglise qui était répandue par toute la terre, quoique les langues des peuples qui l'avaient embrassée fussent différentes. Il n'aurait point, en réfutant les hérétiques, parlé des églises de la Germanie, si

elles avaient été en petit nombre et obscures. Quant à la Grande-Bretagne, saint Gildas, surnommé le sage, Breton de naissance, qui a vécu dans le sixième siècle, dit clairement que les Bretons reçurent la foi de Jésus-Christ dès les premiers commencemens de la prédication de l'Evangile. Il ajoute que, quoique les Bretons l'eussent reçue avec tiédeur, elle y persévéra néanmoins jusqu'à la persécution de Dioclétien, toute entière dans les uns et peu altérée dans les autres. Tertullien confirme ce que dit Gildas, et les églises de ce pays étaient florissantes au moment où Constantin fut proclamé empereur à York, en 306.

Il est inutile que nous suivions l'auteur dans l'article où il s'attache à démontrer l'antiquité des églises d'Afrique, qui étaient, selon lui, très-florissantes dès le second siècle; ni celle des églises de la GrandeArménie et de l'empire des Perses.

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Dans sa quatrième partie, l'auteur s'attache à répondre aux raisons de ses adversaires. Il examine les autorités sur lesquelles ils établissent leurs opinions. Le premier et le plus ancien est Sulpice Sévère, qui écrivit sa Chronique après l'an 400. Dans cet ouvrage il dit : « La persécution recommença ensuite sous Aurèle, fils d'Antonin, et ce fut alors que l'on vit " pour la première fois des martyrs dans les Gaules, « la religion de Dieu ayant été reçue plus tard au«< delà des Alpes. » Il est évident, continue l'auteur de la Dissertation, que Sulpice Sévère assure seulement un fait dont il a prétendu donner la raison; mais cette raison est trop vague et trop générale pour

prouver quelque chose, et il est clair qu'elle a beaucoup moins de certitude que le fait : 1° parce que l'établissement de la religion s'est fait quelquefois sans éclat, et d'une manière presqué insensible, ce qui, en effet, est arrivé dans les Gaules ; 2° parce que Sulpice Sévère ne nous apprend point en quel temps la religion a été reçue au-delà des Alpes, ce qui prouve qu'il ne l'a pas su, sans quoi il n'aurait pas supprimé une chose si essentielle à son dessein. En attendant, le point important est de savoir le vrai sens de cet historien, et quelle étendue l'on doit donner à ce mot plus tard (seriùs); car comme il compare la Gaule avec l'Italie, qui a reçu la religion par le ministère des apôtres mêmes, qu'il écrit que la foi avait fait de grands progrès à Rome, dès le temps de Néron, et qu'il n'y a point de nécessité de le faire combattre l'autorité des anciens, on peut juger fort raisonnablement qu'il a cru et qu'il a voulu dire seulement que la religion a été reçue dans nos provinces après la mort des apôtres, par la prédication de leurs disciples, quarante ou cinquante ans après le premier voyage de saint Pierre à Rome.

La seconde autorité est l'Histoire du martyre de saint Saturnin, évêque de Toulouse, écrite, selon toute apparence, dans le sixième siècle. L'auteur de cette histoire ne dit point que la religion ait été reçue tard dans les Gaules, mais que ses progrès ont été lents ou tardifs, ce qui est bien différent, et ne regarde point la question; car il s'agit de décider en quel temps la foi a été reçue dans les Gaules, et non

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