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souverain pontife qui exerçait sur tous les druides un pouvoir absolu. Jules-César le marque expressément, et ajoute : « Quand ce grand-prêtre vient à mourir, << et que parmi les druides il s'en trouve quelqu'un qui ait un mérite supérieur, il lui succède. S'il se présente plusieurs concurrens d'un mérite égal, le «< successeur est élu par le suffrage des druides. Il <«< arrive aussi que la place se dispute par la voie des «< armes (1). »

On voit, par les différens emplois des druides, qu'ils n'étaient pas uniquement renfermés dans les fonctions religieuses. En effet, le chef des druides était aussi le souverain de la nation (2), et son autorité fondée sur le respect des peuples, était fortifiée par le nombre prodigieux de prêtres qui travaillaient sous ses ordres. La multiplication des familles des druides formait, pour ainsi dire, un peuple qui commandait à un autre; tous les jours de nouveaux sujets entraient dans le sacerdoce; et quoique tous leurs enfans ne

(1) His autem omnibus druidibus præest unus, qui summam inter eos habet autoritatem. Hoc mortuo, si quis ex reliquis excellit dignitate, succedit. At, si sunt plures pares, suffragio druidum adlegitur; nonnunquam etiam de principatu armis contendunt. (Cæsar, de Bell. gall., 1. 6. )

(2) On entend par souverain, à l'égard des hommes, celui qui est absolu et indépendant, qui ne relève que de Dieu et de son épée. Ce mot souverain vient de superior: car autrefois on appelait souverain le premier en quelque chose, ou celui qui était supérieur aux autres.

prissent pas le parti de s'y faire initier, ils demeuraient toujours attachés à leurs familles.

Les druides, du moins ceux qui étaient revêtus du sacerdoce, s'appliquaient continuellement à l'étude, et se retiraient, hors le temps de leurs fonctions publiques, au milieu des forêts (1): ils étaient les arbitres

(1) Les carmes ont cru qu'ils tiraient leur origine du mont Carmel, où le prophète Elie demeura long-temps. Tout le monde connaît les démêlés qu'ils eurent avec Papebroch, qui contestait l'antiquité de leur ordre. Je n'entreprendrai pas de leur disputer qu'en comparant la vie et les observances des druides avec celles des carmes, on établit le carmélitat des premiers, et l'on démontre la succession des derniers. Je laisse volontiers aux pères carmes la gloire de cette découverte, et je me bornerai à rapporter ici les textes de deux de leurs auteurs: Proptereà possumus carmelita, sanctos illos druidas, tanquam Eliæ filios ac fratres nostros, ac in florentissimo Galliæ regno prædecessores, venerari (l. 1, c. 1, p. 4,). Historic Carmelitani ordinis................ per R. P. Philippum à SS. Trinitate carmelitam discalceatum : Lugduni, sumptibus A. Julieron et A. Baret, 1656.-Florebant tunc temporis in Gallia religiosi nominatissimi DRUIDE dicti, quorum si vi

Igenus et observantias regulares serio discusseris, reperies oiros fuisse CARMELITAS. Ces paroles sont tirées de la cinquième position de la thèse théologique soutenue à Béziers au mois d'avril 1682, à deux heures après midi, dans le couvent des Carmes, sous la présidence du R. P. Philippe Teissier, carme, docteur en théologie. Cette thèse était dédiée à l'illustrissime prince de l'Eglise, JEAN DE ROTONDI de Biscaras, évêque et seigneur de Béziers (*), abbé de Cen

(*) Un moine, pour faire sa cour à ce prélat, prétendit trouver deux

de la paix et de la guerre, et exempts des charges publiques, tant civiles que militaires (1). Les généraux n'osaient livrer bataille qu'après avoir consulté les vacies, et avoir fait offrir des sacrifices. Le soldat avait plus de confiance en leurs prières que dans son courage, et le peuple était persuadé que la puissance et le bonheur de l'Etat dépendaient du grand nombre de druides, et de l'honneur qu'on leur rendait; tel était le respect qu'on avait pour leurs jugemens, qui étaient toujours sans appel. Une déférence si mar

dras, conseiller du roi; elle est rapportée dans les Nouvelles de la république des lettres, t. 1, du mois de juillet 1684, p. 439,

art. I.

(1) Causis bellorum disceptandis jam acie congressuros disceptabant. (Strab., 1. 4, Galliæ. ) Druido à bello abesse consueverunt; neque tributa unà cum aliis pendunt; militiæ vacationem omniumque rerum immunitatem habent. (Cæsar, de Bell. Gall., 1. 6.)

fois dans son nom la quadrature du cercle. On savait, du temps de Colletet, ce qu'il fallait penser de ceux qui s'occupent de ces jeux de

mots.

J'aime mieux sans comparaison,
Cher ami, tirer à la rame,

Que d'aller chercher la raison

Dans les replis d'une anagramme.
Cet exercice monacal

Ne trouve son point radical

Que dans une tête blessée:

Sur le Parnasse nous tenons
Que tous ces renverseurs de noms
Ont la cervelle renversée.

quée et si contraire à l'esprit d'intérêt, prouve assez l'opinion qu'on avait de leur équité.

Cependant la manière dont les druides administraient la justice n'était pas toujours exempte d'iniquité; du moins est-il certain que dans la décadence du druidisme, les prêtres gaulois rendaient souvent leurs jugemens selon qu'ils y étaient plus ou moins portés par la faveur, l'intérêt, le crédit, le sang ou l'amitié. Un ancien auteur (1) faisant allusion à l'assemblée du pays chartrain, où ils rendaient la justice, dit que, quand on veut, pour s'enrichir, dépouiller et tuer impunément ses voisins, il faut aller vers les bords de la Loire; que c'est là où tout est permis. On trouve une peinture ingénieuse de ces friponneries et de ces injustices dans une ancienne comédie, intitulée Querolus. Le poète n'entre dans aucun détail; mais le peu qu'il dit, vaut toutes les particularités imaginables. Je vais donner ici ses propres paroles,

afin

que la traduction ne fasse rien perdre des beautés de l'original.

L'auteur introduit Querolus, qui est le héros de la pièce, parlant au dieu Lare de sa maison; il le

(1) Dom Jacques Martin attribue à Plaute la comédie intitulée Querolus. La latinité de cette pièce ne paraît pas digne de ce fameux poète. Il y a plus d'apparence qu'elle est de quelque plaisant qui s'est amusé à critiquer la conduite des druides, et qui, pour donner plus de vogue à sa satyre, a emprunté le nom de Plaute; aussi ne trouvons-nous point le Querolus dans les bonnes éditions de ce poète.

prie de corriger sa fortune, et de l'élever à quelque dignité où il soit maître de ses actions.

QUER. Si quid igitur potes, Lar familiaris, facito ut sim privatus et potens.

LAR. Potentiam cujusmodi requiris?

QUER. Ut mihi liceat spoliare non debentes, cœdere alienos, vicinos autem et spoliare et cædere. LAR. Ha, ha, he! Latrocinium, non potentiam requiris hoc modo nescio, edepol, quemadmodum præstari hoc possit tibi : tamen inveni; habes quod optas, ad Ligerem vivito.

:

QUER. Quid tum?

LAR. Illic jure gentium vivunt homines, ubi nullum est præstigium: ibi sententiæ capitales de robore proferuntur, et scribuntur in ossibus: illic etiam rustici perorant et privati judicant : ibi totum licet. Si dives fueris, Patus appellaberis : sic nostra loquitur Græcia. O silvæ, ô solitudines, quis vos dixit liberas? Multò majora sunt quæ tacemus : tamen interea hoc sufficit.

QUER. Neque dives ego sum, neque robore uti cupio: nolo jura hæc sylvestria.

Ceux qui voulaient entrer dans le corps des druides travaillaient à s'en rendre capables par un cours de vingt années d'étude, pendant lequel il n'était pas permis d'écrire les leçons qu'on recevait; il fallait tout apprendre par cœur (1). « Je crois, dit Jules

(1) Magnum ibi numerum versuum ediscere dicuntur. Itaque I. 10o LIV.

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