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<< dent chacun par an dix sous d'or, trois cents pains, «< et trente gâteaux dans le temps des litanies. La «< cure de Saint-Michel rend par an cinq cents sous « d'or, que les frères distribuent en aumônes. Les en<< terremens des pauvres et des étrangers rendent par << an cent sous d'or, qu'on emploie en aumônes. L'abbé donne chaque jour en aumônes cinq sous d'or, nour<< rit trois cents pauvres, cent cinquante veuves, << soixante clercs. Chaque manse paie par année un << setier de froment, un d'avoine, un de fèves. On re(( tire par an des mariages vingt livres (ce sont des <«< livres de poids dont il est toujours ici parlé). Le « jugement des procès rend par an soixante-huit li«vres. La rue des marchands, qui est dans la ville de << Saint-Riquier, doit chaque année une pièce de tapisserie de la valeur de cent sous d'or. La rue des «< ouvriers en fer fournit les ferremens nécessaires à « l'abbaye, ce qui vaut trois livres par an. La rue des « faiseurs de boucliers fournit les couvertures de tous <«<les livres, les relie, les coud; ce qui vaut trente « sous d'or. La rue des selliers fournit des selles à « l'abbé et aux frères. La rue des boulangers donne «< cent pains par semaine. La rue des écuyers ne paie << rien. La rue des cordonniers fournit de souliers les <«< valets et les cuisiniers de l'abbaye. La rue des bou«< chers donne chaque année quinze setiers de sain. « La rue des foulons fournit aux frères toutes les << nattes de laine sur lesquelles ils couchent. La rue << des pelletiers prépare et coud toutes les peaux dont « les frères ont besoin. La rue des vignerons donne

<< par semaine seize setiers de vin et un d'huile. La «< rue des cabaretiers donne chaque jour trente setiers « de bière. Chacun des chevaliers, qui sont au nom«bre de cent dix, doit toujours avoir un cheval, un << bouclier, une épée, une lance, et les autres armes. << La chapelle des nobles paie chaque année douze li«<vres d'encens et de parfums. Chacune des quatre <«< chapelles du commun peuple paie cent livres de <«< cire et trois d'encens. On tire chaque année deux «< cents marcs ou trois cents livres d'argent des of «frandes qui se font au tombeau de Saint-Riquier, << sans y comprendre les autres dons. >>

On a cru devoir rapporter ce monument dans ses propres termes. Tout y fait tableau, tout y donne une idée de l'état des villes du royaume dans le neuvième siècle.

Henri donne ensuite le dénombrement de toute la vaisselle d'or et d'argent qui se trouvait dans les trois églises du monastère de Saint-Riquier. Il donne le catalogue des livres qui en formaient la bibliothèque; après quoi il ajoute :

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« Marquons à présent les noms des villages qui << appartiennent à Saint-Riquier. Ceux qui voudront << savoir les revenus qu'on en tire, pourront lire le «< cahier où ils sont détaillés; car ce cahier, à cause « de sa grosseur, ne peut être ici transcrit. Voici les (( villages de Saint-Riquier. » On en nomme vingt; et on dit que dans quelques-uns de ces villages il y a quelques vassaux de Saint-Riquier qui y possèdent des terres à titre de bénéfices militaires. L'auteur con

tinue: << Mais voici les villages qui sont entièrement «< du domaine de Saint-Riquier, sans que personne y << ait ni bénéfice ni possession (on en nomme treize). « Ce sont moins, ajoute-t-il, des villages que des villes, ou des cités. » On indique ensuite les églises qui appartiennent à Saint-Riquier, avec les villages et les manses qui dépendent de ces églises.

Après avoir fait le dénombrement des villes, villages et terres dépendantes de Saint-Riquier, il nomme les chevaliers de ce monastère, au nombre de cent. Il dit ensuite: « Ce sont là les noms des chevaliers « de l'abbaye de Saint-Riquier, dont l'abbé ou les « prévôts se font accompagner, et qui, selon la cou<< tume, se trouvent toujours à l'abbaye, parés le <«< mieux qu'ils peuvent le jour de la fête de SaintRiquier, les jours de Noël, de Pâques, de la Pente«< côte, et qui, par leur présence, font de notre église << une cour presque royale.

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<< Il serait long et trop fatigant, continue-t-il, de « faire le dénombrement des villages, des métairies, << des fonds, des revenus que ces chevaliers tiennent << de Saint-Riquier à titre de bénéfices militaires. « Nous avons dans l'abbaye un volume où cela est «< contenu, que celui qui voudra en avoir connais«sance pourra consulter. »

Qu'on se figure; si l'on peut, les richesses d'un monastère qui, outre la ville de Saint-Riquier, plus grosse alors que celle de Besançon ne l'est aujourd'hui, puisqu'il y avait deux mille cinq cents manses, possédait treize autres villes, plus de trente villages,

un très-grand nombre de métairies, dont les revenus en or, en argent, en denrées étaient immenses, puisque le seul article des offrandes en argent faites au tombeau de saint Riquier, montaient par an à quinze mille six cents livres de poids, ce qui fait quinze cent soixante mille livres de notre monnaie d'aujourd'hui.

On voit par là Chronique de ce monastère, qu'il n'avait rien reçu de Pepin ni de Louis-le-Débonnaire. Charlemagne ne lui avait donné que quelques villages. Ainsi, presque toutes les terres dont il était en possession lorsqu'il donna l'état que nous avons rapporté, venaient de la libéralité des rois Mérovingiens, et des seigneurs qui avaient vécu sous leurs règnes.

Les richesses immenses des abbayes de Saint-Pierrele-Vif, de Saint-Martin d'Autun et de Saint-Riquier, font bien connaître quelles étaient celles des églises épiscopales; car ces églises mères, pour qui les fidèles avaient un respect singulier, avaient ordinairement la principale part à leurs dons.

Clovis et les grands du royaume voulant marquer à saint Remi leur reconnaissance pour les avoir éclairés des lumières de la foi, donnèrent à l'église de Reims plusieurs terres dans la Belgique, en-deçà et au-delà de l'Aisne, dans la Septimanie, dans l'Aquitaine, dans l'Austrasie, dans la Turinge (1). Clovis

(1) Marlot, Metropolis Remensis Hist., l. 2, c. 8.

donna de plus, à ce saint, tout le circuit qu'il pourrait faire dans le territoire de Reims pendant qu'il dormirait après le dîner. Pepin-le-Gros, père de Charles Martel, fit une donation semblable à saint Rigobert, un des successeurs de saint Remi dans le siége de Reims (1), Saint Remi acheta d'Euloge la ville d'Epernay, pour cinq mille livres d'argent, somme bien considérable, puisque la livre était alors de poids, et non pas de compte, comme aujourd'hui.

Saint-Cloud, fils de Clodomir, donna à l'église de Reims le bourg de Douzy, avec les villages voisins (2).

Saint Basle alla trouver saint Gilles, archevêque de Reims, pour le prier de lui accorder un endroit pour y bâtir un monastère. Saint Gilles lui répondit qu'il n'avait qu'à parcourir tout le territoire de Reims, pour y choisir l'endroit qu'il trouverait le plus

venable à son dessein, et qu'il lui accordait volontiers (3). Ce récit pris à la lettre, nous représente l'archevêque de Reims comme maître de tout le territoire de cette ville; mais sans le vouloir prendre à la rigueur, il faudra du moins convenir que ce prélat

(1) Vita sancti Rigoberti, ap. Bollandum, die quartá januarii.

(2) Marlot, 1. 3, c. 34.

(3) Vir domini Basolus memoratum antistitem petiit, ut secretiùs ei conversandi gratiâ concederet habitaculum; (Ægidius) ei spatium perquirendi et optionem libenti concessit animo aptum sibi et competentem ad habitandum locum in toto Remensi territorio. (Vita S. Basoli inter acta SS. ord. S. Bened.)

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