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avait des domaines dans toutes les parties de ce terri

toire.

Loup, un des premiers et des plus riches seigneurs du royaume, laissa en mourant ses terres à ses fils. Romulfe, un d'entre eux, qui était évêque de Reims, donna à son église la plus grande partie des fonds qu'il avait eus de la succession de son père.

Saint Rieul, si illustre par sa naissance, qu'il avait épousé la fille du roi Childéric, devenu veuf, fut placé sur le siége de Reims. Il augmenta considérablement le patrimoine de cette église, tant de ses biens héréditaires que de ses acquisitions (1).

On peut connaître, par ce que nous venons de rapporter, la quantité de domaines que possédait l'église de Reims sous les rois Mérovingiens. Mais pour se former une juste idée des revenus qu'un si grand nom→ bre de terres devait lui produire, il n'en faut pas juger par nos mœurs et nos usages présens. Aujourd'hui, être seigneur d'un village, c'est y avoir la justice, et posséder en propre quelque partie de son territoire. Dans les siècles dont nous parlons, être seigneur d'un village, c'était non seulement y avoir une pleine et entière juridiction, mais encore avoir en propriété tout son territoire et tous les hommes qui le cultivaient, avec tous les animaux employés à cette culture.

Le savant de la Mare parle ainsi de la libéralité de nos premiers rois envers l'église de Paris :

(1) Marlot, I. 2, c. 26 et 43.

« Les bois, les prés, les vignes et les autres héritages qui environnaient la ville de Paris, étaient du << domaine de nos rois. Aussitôt que Clovis eut em« brassé la foi, il se servit de ces fonds pour doter « des églises et fonder des couvens dans cette capi« tale; et cela fut imité par les rois ses successeurs. « L'évêché et le chapitre de Paris furent mis en pos«< session d'une partie considérable de ce terroir de la ville, du côté du nord et de l'occident. Sur ce ter<< roir donné à l'église de Paris, se sont formés, dans <«< la suite des temps, la Ville-Evêque, l'ancien et le << nouveau bourg de Saint-Germain - l'Auxerrois, le bourg l'Abbé et le Beaubourg.

« L'île de Notre-Dame était autrefois divisée en << deux îles d'inégale grandeur, par un petit canal. « Ces deux îles appartenaient originairement à l'évê« que et au chapitre de Paris. Cela fit donner à la plus grande le nom d'île de Notre-Dame; la plus. «< petite, qui était abandonnée au pacage des bes«tiaux, en prit le nom de l'île aux Vaches. Les «< comtes de Paris s'en mirent en possession, et les << unirent à leurs domaines; mais Charles-le-Chauve, « l'an 867, les rendit à l'évêque et au chapitre de « Paris (1). »

Ceux qui connaissent Paris, peuvent seuls juger du prix de tant de riches possessions dont son église fut dotée.

(1) Traité de la Police, l. 1, titres 7 et 10.

Childebert, fils de Clovis, étant tombé malade au village de Celles en Brie, fut abondonné des médecins. Saint Germain, alors évêque de Paris, qui accompagnait le roi, pria pour lui; et lui imposant les mains, il fut à l'instant guéri. Ce prince, en reconnaissance, donna à l'église de Paris ce village de Celles, que l'on nomme à présent la Grande-Paroisse, deux autres domaines en Provence, les salines, et ce qui lui appartenait dans Marseille, avec la maison qui y était bâtie. Ce diplome de Childebert se trouve dans le quatrième tome du Recueil des historiens des Gaules et de la France, pag. 621.

S. Cloud donna à l'église de Paris Nogent, aujourd'hui Saint-Cloud, avec toutes ses dépendances.

On a vu plus haut que Dagobert I donna à l'église de Tours tout le cens qui se payait au fisc dans cette ville. On pourra juger combien les revenus de cette église étaient considérables par le fait suivant.

Baudin ayant succédé à Injurieux sur le siége de Tours, distribua aux pauvres plus de vingt mille sols d'or que son prédécesseur avait laissés (1). Ces vingt mille sols d'or vaudraient, de notre monnaie courante aujourd'hui, plus de deux cent mille livres; grande somme pour un temps où l'argent n'était coup près, si commun qu'à présent.

pas,

à beau

Le roi Childebert passant par Verdun, alla loger

(1) Aurum etiam quod ejus decessor reliquerat, amplius quàm viginti millia solidorum pauperibus erogavit. (Greg. Tur., l. 10, c. 31.)

chez saint Ageric, évêque de cette ville. Ce saint prélat n'avait qu'un peu de vin dans un petit vase; mais Dieu exauçant les prières de son serviteur, le multiplia tellement, que le roi et les gens de sa suite en burent à leur volonté, et qu'après le repas il resta plus de vin dans le vase qu'il n'y en avait eu au commencement. Le roi fut extrêmement frappé de ce miracle, et ayant appris que l'église de Verdun n'avait point de vignes, il lui en donna. Il ne borna passa libéralité à ce don, il y ajouta les villages de Luce, Bage, Marcey, Sampigny, Commenières, Marchainville, Harville, Charny, Neuville, et plusieurs autres dont il serait fatiguant de faire le dénombrement. Ce sont les paroles de l'ancien auteur que nous transcrivons (1). Voilà quelle était la magnificence et la pieuse prodigalité des rois Mérovingiens envers les églises.

(1) Rex prælibatus, cùm per Virdunum iter habuisset, ei prædictus sanctus Antistes, nonnisi parum vini in uno vasculo habuisset, et omnipotens Dominus ipsius meritis sic illud dilatasset, ut rex cum suis omnibus de ipso omnem sufficientiam habuisset, plus inveniretur vini in ipso vasculo in fine quàm in initio; rex tanto perterritus miraculo, audivit quod ista ecclesia non habuisset locum undè colligeret vinum; idcircò ergo dedit isti ecclesia duos amandos (sic) super Mosellam et Modinum et quidquid intrà Luceium et Bavam est, et omne quod subtùs Treviris habemus. Addidit etiam Marceium et Sampiniacum, et Commenias et Mercast villam et Hairici villam et contiguas villas isti civitati, Carmacum et Novamvillam, multaque alia, loco, quæ sunt oneri hic enumerare.

J'ai dit des rois Mérovingiens, car la libéralité envers les églises ne fut point la dévotion particulière de quelques-uns de ces princes. Tous, sans en excepter aucun, pas même Chilpéric (1), qui portait tant d'envie aux richesses du clergé, tous ont donné, par des actes solennels, des terres de leur fisc à quelqu'église. On verra ces diplômes dans le tome quatrième du Recueil des hist. des Gaules et de la France.

S. Bertichram ou Bertram donne par son testament à son église du Mans, dix-huit villages et plusieurs autres fonds. Il donne par le même acte à l'église Saint Pierre et Saint Paul, qu'il avait bâtie, vingt-six villages et plusieurs autres fonds.

S. Didier, évêque de Cahors, qui vivait vers le milieu du septième siècle, bâtit deux grandes maisons dans cette ville. Il rebâtit son église épiscopale dès les fondemens, en grandes pierres carrées et polies, dans le goût des Romains. Il fit construire à Cahors deux autres églises, qu'il dota. Il bâtit un si grand nombre d'églises dans le territoire de Cahors et dans la ville d'Alby, que l'auteur de sa vie dit qu'il ne peut suffire à les désigner en détail. Il fonda deux monastères. Il releva les murs de Cahors, et bâtit près de cette ville un château-fort si considérable par son

(1) On lit dans un ancien cartulaire de l'église de Tournai: Quinto Calend. April. obitus gloriosi regis Francorum Chilperici, qui hanc ecclesiam ita larga Christi caritate dotavit, etc. « Le cinq des calendes d'avril, la mort du glorieux roi des Français Chilpéric, qui a si libéralement doté cette église.»

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