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aurait pu en tenir lieu. La puissance et les richesses des évêques étaient déjà si considérables sous les petitfils de Clovis, que Chilpéric, l'un d'eux, leur portait envie. Ce prince, au rapport de Grégoire de Tours, disait souvent : Notre fisc a été appauvri, nos richesses ont passé aux églises, il n'y a plus que les évêques qui règnent; notre autorité est anéantie, et elle a été transportée aux évêques (1).

Qu'on ne pense donc plus que le clergé n'est devenu le premier ordre de l'Etat que par la faveur de Pepin et de Charlemagne. Qu'on ne regarde plus les droits régaliens, les principautés des évêques comme des usurpations faites dans le temps de la décadence de la maison Carlovingienne. On a vu que les prélats, dès la conversion de Clovis, ont formé le premier ordre de l'Etat ; qu'ils ont toujours occupé la première place dans les assemblées nationales; qu'ils ont eu sous les rois Mérovingiens la principale part dans l'administration publique ; qu'ils étaient alors dans une si grande considération, que ces souverains accordaient la liberté aux captifs à leur volonté, et la grâce aux criminels qui se réfugiaient dans le parvis de leur église; que ees princes, dans leur absence, leur confiaient leur suprême autorité; que dès lors les évêques jouissaient

(1) Aiebat enim (Chilpericus) plerumque : Ecce pauper remansit fiscus noster; ecce divitiæ nostræ ad ecclesias sunt translatæ. Nulli penitùs nisi soli episcopi regnant. Periit honos noster ct translatus est ad episcopos civitatum.

de tous les droits régaliens; que ces monarques leur ont donné des principautés, des villes, d'immenses domaines, qu'ils les ont comblés de richesses; qu'ils ont, pour ainsi dire, partagé avec eux leur puissance, leur grandeur et leurs terres; qu'ils ne se sont réservé que ce qui ne peut se communiquer sans se détruire, la haute souveraineté; de sorte qu'on peut dire avec vérité que jamais l'épiscopat n'a eu tant de splendeur temporelle, que jamais il n'a eu tant d'autorité, que jamais il n'a été en si grande considération, qué jamais il n'a possédé tant de biens que sous la première race de nos rois.

Mais, dira-t-on, cette grandeur temporelle et cette opulence n'étaient-elles pas dangereuses pour le clergé, à qui elles pouvaient si aisément faire perdre l'esprit de son état? N'étaient-elles pas préjudiciables au royaume, qu'elles affaiblissaient en le privant d'une si grande partie de ses fonds et de ses richesses? Je réponds à ces deux questions par des faits. L'Eglise de France n'a jamais eu tant de saints évêques et de saints religieux que sous les rois Mérovingiens. La monarchie française s'étendait alors de l'embouchure de l'Elbe à la Méditerranée. Elle était la terreur de l'Europe. Seule elle arrêtait les immenses et rapides conquêtes des Sarrasins. Elle avait des rois tributaires : elle comptait des princes parmi ses sujets.

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Avec un choix des meilleures notes extraites de divers commentaires.

L'EGLISE gallicane s'est mieux défendue les que autres du relâchement de la discipline introduit de

(1) Cette pièce, publiée en 1724, après la mort de l'auteur, a été ajoutée, avec plusieurs autres de la même nature, au Recueil de ses huit premiers Discours, dans l'édition donnée par l'abbé Goujet : Paris, 1763, in-12. On y avait joint des notes, qui sont, en général, exactes et sages. Deux ans après, le même discours a reparu imprimé séparément, avec partie des premières notes et un nouveau commentaire tellement exagéré dans les doctrines contraires aux prétentions du Saint-Siége, qu'on ne peut y méconnaître l'esprit de secte qui agita la France pendant le siècle dernier, et l'œuvre d'un écrivain dont l'expérience n'avait pas encore tempéré l'ardeur (*).

(*) Ces notes sont attribuées à Chiniac de la Bastide Duclaux, qui ayant à peine fini d'assez bonnes études en théologie et en droit, était alors dans l'effervescence de la première jeunesse. On a publié depuis un autre texte du Discours de Fleury, qu'on suppose être plus exact; mais il est permis de douter de son authenticité.

puis quatre ou cinq cents ans, et a résisté avec plus de force aux entreprises de la cour de Rome. La théologie a été enseignée plus purement dans l'Université de Paris que partout ailleurs; les Italiens même y venaient étudier, et la principale ressource de l'Eglise contre le grand schisme d'Avignon s'est trouvée dans cette école. Les rois de France, depuis Clovis, ont été chrétiens catholiques, et plusieurs très-zélés pour la religion : leur puissance, qui est la plus ancienne et la plus ferme de la chrétienté, les a mis en état de mieux protéger l'Eglise.

Depuis que

les empereurs ont perdu l'Italie, et que

En conservant de ces diverses notes toutes les explications qui portent sur des faits historiques ou des droits reconnus dans l'Eglise gallicane, nous avons eu soin d'en écarter les controverses qui nous ont paru excéder également les bornes du sujet traité par Fleury, et celles de la légitime défense de nos libertés spéciales contre le chef commun de toutes les Eglises. Si Rome s'est attribué des priviléges exorbitans, et qu'on a pu lui contester sans blesser la divinité de sa mission, ce n'est pas une raison pour refuser au souverain pontife toute espèce de prédomination spirituelle, et de réduire son autorité à celle d'un simple évêque. C'est à peu près ce que font les partisans outrés de certaines doctrines. Quant à nous, qui sommes étrangers à tout esprit de parti politique ou religieux, et qui ne voulons qu'être exacts et vrais, autant que la faiblesse de nos lumières nous le permet, nous n'avons pas cru devoir nous rendre l'écho de déclamations trop passionnées pour appeler notre confiance et mériter celle de nos lecteurs.

( Edit. C. L. }

les papes (1) ont acquis un Etat temporel qui en a fait la meilleure partie, il n'y est point resté de souverain capable de résister à leurs prétentions; et l'intérêt commun de s'avancer à la cour de Rome a fait embrasser à tous les Italiens les intérêts de cette cour. La dignité des cardinaux y efface celle des évêques, qui sont en très-grand nombre, et pauvres pour la plupart (2). Les réguliers y ont le dessus sur le clergé

(1) Pépin et Charlemagne, rois des Français, ayant anéanti la monarchie des Lombards, qui avaient enlevé presque toute l'Italie aux empereurs d'Orient, s'en réservérent la souveraineté, et ne donnèrent aux évêques de Rome que le domaine utile de l'exarcat de Ravenne, de la Pentapole et du duché de Spolette. Louis-le-Débonnaire voulut enchérir sur les libéralités de Charlemagne son père et de Pépin son aïeul. Ainsi, l'ap 817, non content de confirmer à l'évêque Pascal toutes les donations qu'ils avaient faites au siége de Rome, il y ajouta la ville de Rome, avec tous les droits de domaine, de justice et de principauté, hors la souveraineté directe et supérieure qu'il se réserva, et dont lui et ses successeurs jouirent toujours. Voilà la source véritable des grands biens que possèdent aujourd'hui les évêques de Rome. Les différentes révolutions arrivées dans la monarchie française et dans l'empire, leur ont fourni l'occasion de joindre peu à peu la principauté temporelle et souveraine à l'éminence du sacerdoce. (Edit.)

(2) Les évêques d'Italie sont si pauvres, qu'on les prendrait plutôt pour des curés de village que pour des évêques; les cardinaux au contraire sont si opulens, qu'on les prendrait plutôt pour des princes temporels que pour des prêtres de l'église de Rome.

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