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et l'Université en corps lui signifia un acte d'appel au futur concile.

La conduite du ministre et le mouvement qui paraissait parmi les ennemis de la pragmatique, firent appréhender que le roi n'eût quelque nouveau motif pour se déclarer contre cette ordonnance. Ce prince, informé que son frère, le duc de Berry, voulait épouser la fille du duc de Bourgogne, prit des mesures pour faire échouer ce mariage: il fallait une dispense; Louis XI promit au pape d'abolir entièrement la pragmatique, si Sa Sainteté la refusait. Cette affaire traîna en longueur; le roi en fut ennuyé, et prit la résolution de se réconcilier de bonne foi avec le prince son frère : il communiqua son dessein au cardinal Balue; son exécution fit peur au ministre : elle aurait fait tomber son crédit, parce qu'on aurait connu sa perfidie, qui avait entretenu la discorde entre ces deux princes.

Il craignait que la nature ne se fît entendre aux deux frères dans leur entrevue; il connaissait d'ailleurs le roi pour un esprit artificieux, capable de persuader le duc, que l'on surprenait facilement. Le cardinal écrivit au duc de Berry par un homme à qui il se fiait, que le roi voulait le tromper, et qu'il lui offrait la Guyenne en apanage, afin de l'éloigner des ducs de Bourgogne et de Bretagne, ses amis, les seuls qui pussent le soutenir contre les injustices de Louis XI. La lettre fut interceptée, et envoyée au roi; elle découvrait la perfidie du cardinal: le roi résolut d'en faire justice; mais il dissimula jusqu'à ce qu'il eût vu

son frère, et qu'il lui eût montré la lettre de Balue. Les deux frères plaignirent leur sort, et s'embrassèrent de bonne foi.

Le roi fit ensuite arrêter le cardinal, et demanda au pape des commissaires pour faire son procès. Le pape voulait soutenir le privilége que prétendaient avoir les cardinaux, de n'être jugés que par leurs confrères : il offrit, après bien du temps, de nommer des commissaires pour instruire le procès, qui ensuite serait jugé à Rome, en plein consistoire; mais le roi ne s'accommodait ni des expédiens ni des longueurs de la cour romaine; il envoya le cardinal Balue dans le château de Montbazon, et ensuite dans celui de Loche.

Le pape se plaignit au roi de l'affront qu'il faisait au sacré collége, en faisant enfermer un de ses membres avant qu'on lui eût fait son procès. Le roi répondit que Balue était un traître, qui méritait la mort; que son caractère et sa dignité de cardinal ne le inettaient point à couvert de la justice de son souverain; qu'il ne pouvait lui rendre la liberté sans exposer France à de nouveaux troubles, et qu'il avait cru lui faire grâce en ne le condamnant qu'à une prison perpétuelle. Le cardinal Julien de la Rouere, légat en France, obtint enfin l'élargissement de Balue, qui se retira à Rome, où il mourut évêque d'Albane.

la

La perfidie de Balue et les instances que fit le pape pour le rétablissement de ce cardinal, ouvrirent les yeux de Louis XI sur ce qu'il avait fait contre la pragmatique; il se repentit de l'avoir supprimée, et con

person

voqua en 14-8, à Orléans, les officiers et les nes les plus qualifiées de son royaume pour trouver un moyen de la rétablir, et empêcher que l'argent pour la provision des bénéfices fût envoyé à Rome. Le duc de Bourbon, assisté de Pierre Doriole, chancelier de France, présida ce conseil; on y prit quelques mesures, dont l'examen fut renvoyé à l'assemblée qui devait se tenir à Lyon; on y fit, avec Sixte IV, un concordat qui laissait aux évêques six mois libres de toute expectative: mais le roi étant mort au mois d'août 1483, ce traité ne fut point exécuté.

Charles VIII, son fils, lui succéda : il avait treize ans et deux mois, majeur par les lois du royaume, mais incapable encore de gouverner. Louis XI avait confié l'éducation de son fils à sa fille aînée, Anne de France, et à Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, marié à cette princesse. Dans les remontrances des Etats assemblés à Tours en 1483, Jean de Reli, doyen de Saint-Martin de Tours, insista sur le rétablissement de la pragmatique : les archevêques de Lyon et de Tours s'y opposèrent; la princesse Anne, qui ne voulait pas se brouiller avec le pape, les soutenait secrètement. D'ailleurs, les prélats que Louis XI avait nommés aux évêchés, contre les règlemens de la pragmatique, n'auraient pas été en sûreté si on l'eût rétablie, encore moins ceux qui avaient été nommés par le pape; ainsi la chose demeura indécise.

Cependant il y eut des chapitres qui firent revivre les élections: mais l'autorité de la gouvernante en troublait le succès; elle nommait aux bénéfices; ce

concours produisait deux prétendans à un même évêché; on portait l'affaire au Parlement, qui la décidait en faveur des élections; tel fut l'arrêt qu'il rendit en 1485, pour l'évêché de Tulle, et en 1486, pour celui de Saint-Flour.

Sixte IV fit quelques avances auprès des évêques de France pour les faire renoncer à la pragmatique; il leur adressa la bulle ad universalis ecclesiæ regimen, par laquelle il leur cédait six mois pour conférer les bénéfices; il se réservait les six autres, et promettait de ne donner que six mandats ou expectatives sur chaque diocèse; mais cette constitution ne fut point reçue.

Les Etats du royaume assemblés à Tours représentèrent au roi Charles VIII que l'inexécution de la pragmatique avait causé beaucoup d'abus dans la collation des bénéfices.

« Nous avons, disent-ils, un grand intérêt que rien « ne soit fait au préjudice des saints décrets, soit par « réserves ou provisions apostoliques, grâces expec«<tatives, au préjudice des collations ordinaires et des «< élections......; et pour ce, les trois Etats requièrent << et supplient le roi notre souverain seigneur et fils de << l'Eglise, qu'il lui plaise, par ses ambassadeurs, remon<<< trer à notre Saint-Père les grands empêchemens qui << ont été donnés, depuis le trépas du roi Charles VII, << aux droits et libertés des églises de France et Dau‹phiné, par aucuns impétrans de réservations ou pro« visions au préjudice du droit d'élire...: en lui offrant s'il se sent aucunement grevé et son autorité

«< que

«< blessée desdits décrets (de Constance et de Bâle), « ils sont près de se soumettre, et se soumettent en << effet au dit et ordonnance du prochain saint concile << duement assemblé. »

Les Etats firent aussi voir que le rétablissement de la pragmatique était le moyen le plus sûr de remédier aux abus que son interruption avait produits. Si la pragmatique, ajoutèrent les Etats, n'y eût remédié, le royaume eût été à totale perdition, sans jamais se pouvoir résoudre (ni se rétablir).

Le Parlement fit au roi des remontrances sur le même sujet (1). Il lui représenta que les bénéfices électifs du royaume, archevêchés, évêchés et abbayes étaient dépourvus de pasteurs; que les mandats, les expectatives, les annates, les réserves et les taxes de la cour de Rome portaient un préjudice considérable au clergé de France (2); que les évêques nommés par le pape ne faisaient aucune résidence, ni aucune fonction de pasteurs : abus qui obligèrent le Parlement de dire que les églises manquaient de pasteurs, quoique les papes se hâtassent d'y nommer pour prévenir les élections ou pour y mettre obstacle.

Charles VIII lui-même engagea le pape à donner des bénéfices à ceux qu'il lui désignait. Innocent VIII réserva l'évêché de Beauvais pour en disposer en faveur de celui que le roi nommerait à ce bénéfice : le

(1) Reg. du Parl., 8 juill. 1493.

(2) Tome 2 des Lib. de l'Egl. gall., c. 15, n. 14.

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