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Claude, dit: DRUIDARUM RELIGIONEM, apud Gallos diræ immanitatis, et tantùm civibus sub Augusto interdictam, PENITÙS ABOLEVIT. Pline (1), après avoir traité de toutes les espèces de magies, s'exprime ainsi : Gallias utique possedit (magica disciplina) et quidem ad nostram memoriam; namque Tiberii Cæsaris principatus SUSTULIT DRUIDAS EORUM et hoc genus vatum medicorumque...... Non satis æstimari potest quantùm Romanis debeatur qui SUSTULÊRË MONSTRA in quibus hominem occidere religiosissimum erat, mandi verò etiam saluberrimum. Aurelius-Victor et Sénèque semblent aussi nous témoigner que l'empereur Claude abolit entièrement la secte et la superstition des druides.

Pline paraît attribuer à Tibère le rescrit pour abolir les druides; Suétone et Aurelius-Victor prétendent, au contraire, que ce fut l'empereur Claude qui ruina entièrement la superstition de ces prêtres gaulois. Une pareille révolution, si elle est véritable, put ne pas être l'ouvrage d'un moment; il fallut y revenir à plusieurs reprises, et Claude acheva ce que Tibère avait commencé : telle est du moins la conséquence qu'on peut fonder sur ce passage du chapitre 2, livre de l'Histoire naturelle de Pline: NUPERRIMÈ 7 trans Alpes hominem immolari gentium earum more solitum; quod paulùm à mandendo abest. D'ailleurs, comme Tibère et Claude ont porté les mêmes

(1) Chapitre du trentième livre de son Histoire naturelle.

noms et surnoms, il ne serait pas étonnant qu'on les eût confondus. Ainsi, la difficulté tombe uniquement sur les mots de Pline, sustulit druidas eorum, et sur les expressions de Suétone, religionem druidarum penitùs abolevit.

On ne peut les entendre de l'abolition totale de l'ordre des druides, qui a toujours subsisté, même depuis Claude. On les voit, en effet, fort autorisés sous l'empire d'Alexandre Sévère, d'Aurélien et de Dioclétien. On a vu que ce dernier, étant encore simple officier, conçut les premières espérances de parvenir à l'empire, sur les discours d'une femme druide du pays de Tongres (1). Aurélien consulta les prêtresses gauloises, pour savoir si l'empire demeurerait long-temps dans sa famille. Celles-ci, sans lui faire leur cour aux dépens de leurs prétendues lumières, répondirent avec liberté, que de toutes les familles de la république, celle de Claude serait un jour la plus illustre (2). Alexandre Sevère étant en chemin pour une expédition qui fut la dernière de sa vie, une femme druide vint à sa rencontre, et lui dit : « Vous

(1) Voy. note (1), p. 8 ci-dessus.

(2) Mirabilis fortè videtur quod compertum Diocletiani Asclepiodotas Celsino consiliario suo dixisse perhibet, sed de hac posteri judicabunt. Dicebat enim quodam tempore Aurelianum gallicanas consuluisse druidas, sciscitantem utrùm apud ejus posteros imperium permaneret : tùm illas respondisse dixit, nullius alterius in republicâ nomen quàm Claudii posterorum futurum. (Vopisc., in Aurel., p. 224.)

« pouvez, seigneur, continuer votre voyage, mais « n'espérez pas la victoire, et soyez surtout en garde << contre vos propres soldats (1). » C'est des historiens Vopisque et Lampride que nous apprenons ces faits. Solin et Eusèbe de Césarée attestent que les druides existaient de leur temps (2). Les familles des druides jouissaient encore d'une sorte de considération sous les empereurs chrétiens du quatrième siècle. Nous le voyons dans Ausone, consul en l'an 379, et qui écrivait sous les fils de Théodose. Ce célèbre poëte gaulois, dans l'éloge d'un professeur de Bordeaux, a soin d'observer qu'il descendait d'un druide du canton de Bayeux. Saint Jérôme lui-même, dans une lettre, vante la noblesse d'une dame gauloise nommée Halgasia, qui était de cette même famille. Il paraît que les druides et leurs superstitions n'étaient pas encore entièrement abolis au milieu du sixième siècle. Théodebert Ier, roi de Metz, entra en Italie à la tête d'une grande armée, et se rendit maître du pont de Pavie: ses gens offrirent en sacrifice les femmes des Goths qu'ils surprirent. L'historien Procope rapporte ce fait, et ajoute : « Les Français, devenus chrétiens, obser<< vent encore une grande partie de leurs anciennes << superstitions; ils offrent des victimes humaines, et

(1) Mulier druias exeunti exclamavit gallico sermone : « Va« das, nec victoriam speres nec militi tuo credas.» (Lamprid., in Alex. Sever., p. 135.)

(2) Solin., Polyb. hist., c. 12; Euseb., Præpar. Evang, lib. 4, cap. 17.

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pratiquent des choses execrables, qu'il font servir à «< la divination (1). » On ne peut attribuer ces impiétés à des chrétiens; mais on voit, dans le récit de Procope, des traits où les druides et les anciens Gaulois sont bien reconnaissables. Enfin, il est vraisemblable que les druides subsistaient encore à la fin du septième siècle; car il est constant que, du temps de saint Eloi, les erreurs du paganisme triomphaient des lumières de l'Evangile en plusieurs endroits de la France. Le crédit que les druides avaient sur l'esprit des peuples, pouvait seul retarder si long-temps les progrès du christianisme.

On objecte que les druides animaient les peuples à la guerre contre les Romains, et que ceux-ci les détruisirent pour se venger. Il faut peu connaître le génie gaulois pour proposer cette difficulté. Les Gaulois n'avaient pas besoin d'être excités par le motif de la religion; l'amour de la liberté suffisait pour les animer contre les Romains (2). En effet, l'histoire nous a

(1) οι βάρβαρον γδ ̓ οὗτοι Χρίςιανοι γεγονότες, τὰ πολλὰ της πα λαιᾶς δόξης φολτουσι, θυβιαου τε χρώμενοι ανθρώπον, καὶ ἄλλα οὐχ ὅσια ἱερὸντεσ, ταυτατε τας μαντείας ποιούμενοι.

(2) Les peuples celtes préféraient la liberté à la vie; ils avaient tous pour principe, qu'il valait mieux se donner la mort que de tomber dans un honteux esclavage. Quand une ville assiégée ne pouvait plus se défendre, les assiégés, au lieu de capituler et d'user de supplications auprès de l'ennemi, prenaient le parti d'égorger leurs femmes et leurs enfans, et de se tuer ensuite cux-mêmes, pour éviter la servi

conservé le détail de deux différentes révoltes des Gaulois, dont aucune ne fut occasionnée par la religion. Elles eurent pour unique prétexte les tributs imposés aux provinces, la dureté des exactions, et la hauteur avec laquelle les peuples étaient traités. La première révolte arriva vers la huitième année de Tibère; elle n'était causée que par l'état des cités dans les Gaules, qui avaient été forcées de faire de gros

tude. Quintus Martius consul Gallorum gentem, sub radice Alpium sitam, bello aggressus est, qui, cùm se romanis copiis circumceptos viderent, belloque impares fore intelligerent, occisis conjugibus ac liberis, in flammas sese projecerunt. (Oros., l. 5, cap. 14, p. 272.) Aneroestus, Gallorum rex, in quemdam locum fuga se recepit, ubi mox sibi et necessariis suis manus intulit. (Polyb., 2, 118.) Quand les soldats celtes avaient le malheur de tomber entre les mains de l'ennemi, ils cherchaient à se détruire eux-mêmes par toutes sortes de moyens: Qui verò (Gallorum) præoccubantibus Romanis, peragendæ tunc mortis suæ copiam non habuerant captique fuerant, alii ferro, alii suspendio, alii abnegato cibo sese consumpserunt. (Oros., liv. 5, c. 14, p. 272.) Ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que les femmes celtes, au lieu de plier sous le joug et d'adoucir l'humeur féroce et indomptable de leurs maris, se montraient encore plus ardentes à défendre la liberté. Elles étaient les premières à encourager les hommes, non seulement par des prières et des exhortations, mais encore par leur propre exemple, à perdre plutôt la vie que la liberté. Mulieres in prælium proficiscentes milites, passis manibus, flentes implorabant ne se in servitutem Romanis traderent. (Cæsar, I, 51. Voy. aussi Tacite, Germ., cap. 7 et 8; Hist., IV, 18; Annal., IV, 51, XIV, 29.)

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