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tre, dans lesquels on reconnaît bien les arguties des avocats de ce temps. Le premier seul pouvait, à la rigueur, s'appliquer aux accusés; aussi le Parlement, par arrêt du 6 avril 1314, infirma-t-il la sentence du prévôt les Juifs furent condamnés à une amende, à la fustigation et au bannissement.

Louis Hutin permit aux Juifs, dès la première année de son règne, de rentrer en France; le motif qu'il en donna était pour rétablir et faire fleurir le commerce dans son royaume. Le temps qu'il leur fut permis d'y demeurer fut néanmoins limité à treize années. Ils financèrent dans les coffres du roi, pour obtenir cette permission, 122,500 liv., et lui cédèrent les deux tiers de ce qui leur était dû en France, lorsque le roi son père les avait exilés. Le traité qui fut fait avec eux portait, entre autres clauses, que tous les livres de leur loi leur seraient rendus, à l'exception du Talmud; qu'ils rentreraient dans leurs synagogues et cimetières qui seraient encore en nature; qu'ils pourraient exiger 12 deniers pour livre, par semaine, des sommes qu'ils prêteraient; qu'ils auraient la dernière année de leur séjour pour se préparer à partir en sûreté; qu'ils ne disputeraient point de la religion; qu'ils ne prêteraient point sur des ornemens d'église, ni sur des gages sanglans ou mouillés, et qu'ils porteraient sur leurs habits une marque distinctive.

Philippe-le-Long confirma aux Juifs tout ce qui leur avait été accordé par son prédécesseur. Il leur permit, l'an 1317, de voyager sans porter sur leur

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bonnet cette marque ignominieuse d'une corne; plusieurs des plus riches furent même dispensés, par argent, de la porter en aucun lieu, ni même la rouelle sur leurs habits.

Sous le règne de ce prince, l'an 1321, les Juifs furent accusés d'avoir entrepris d'empoisonner tous les puits et toutes les citernes et fontaines du royaume. On prétendait qu'ils avaient eu pour cela des intelligences avec les autres infidèles ennemis des chrétiens, qui leur fournissaient de l'argent et des poisons, et que les lépreux de France étaient de concert avec eux. Cette conspiration fut, dit-on, découverte par deux lettres arabes que l'on intercepta, l'une du roi de Tunis, et l'autre du roi de Grenade; et un lépreux arrêté déposa, devant le seigneur de Pernay, que la recette pour empoisonner les eaux était composée de sang humain, d'urine, de trois sortes d'herbes et d'une hostie, le tout desséché et enfermé dans un sac. Sur cette accusation, plusieurs Juifs furent arrêtés; quelques-uns furent brûlés; le reste de la nation fut chassé de France, à l'exception des plus riches, qui furent seulement condamnés à une amende de 150,000 liv.

que

la

Il serait assez difficile de décider aujourd'hui s'il y avait quelque fondement à cette accusation. Elle contient à la vérité bien des absurdités, telles recette qu'on vient de lire et la supposition de quatre assemblées générales des lépreux de France, où se trouvèrent des députés de tous les lazarets répandus dans le monde chrétien; cependant, des auteurs es

timés en admettent l'authenticité. Le Père Daniel la regarde comme certaine; le président Hénault et les auteurs de l'Art de vérifier les dates en parlent sans l'affirmer ni la combattre; le Père Richard Simon, dans sa Bibliothèque critique, la déclare formellement calomnieuse (et c'est notre avis).

Philippe de Valois obligea les Juifs à se convertir, ou à sortir du royaume, l'an 1346. Plusieurs furent baptisés; tous les autres se retirèrent.

Le roi Jean son fils, en montant sur le trône, leur permit de revenir. Le même prince les bannit de ses Etats en 1357. Trois ans après, il leur accorda une nouvelle permission de revenir et de demeurer encore en France pendant vingt ans, à la charge de lui payer, pour droit d'entrée de chaque chef de famille, 12 florins d'or, et chaque année 6 florins par tête. Ils furent en paix tout le reste de son règne.

Charles V, en arrivant à la couronne, ne se contenta pas de confirmer les Juifs dans la permission que le roi Jean son père leur avait donnée, de demeurer en France pendant vingt ans, il prorogea ce terme de six ans, aux mêmes conditions; et l'an 1374, ce prince leur accorda une seconde prorogation de dix ans, pour laquelle ils lui comptèrent une somme considérable, qui fut employée aux frais de la guerre avec l'Angleterre.

C'était l'usage en France, que lorsqu'un Juif se faisait baptiser, tous ses biens, comme mal acquis, étaient confisqués au roi, qui lui en faisait ensuite telle part qu'il le jugeait à propos. Cette coutume était

une source de graves inconvéniens, dont un des principaux était, sans contredit, de rendre les conversions moins fréquentes; aussi Charles VI, dès son avènement au trône, cassa-t-il cette coutume, par lettres patentes du mois d'avril 1381.

Cette mesure politique semblait promettre aux Juifs de France une longue continuation de tranquillité; ce fut cependant sous le règne de ce même monarque qu'ils se virent définitivement expulsés de France; ce qui cut lieu l'an 1394, deux ans avant l'expiration de la dernière prorogation qu'ils avaient obtenue du roi Charles V. Ils se retirèrent dans les pay's voisins, et principalement en Allemagne; plusieurs familles s'établirent à Metz.

On vient de dire que ce fut à cette époque que les Juifs furent définitivement expulsés de France. L'édit porte, en effet, qu'ils en étaient bannis à perpétuité; et il se passa, jusqu'à leur retour, un temps assez considérable pour que l'on doive regarder ce dernier bannissement comme beaucoup plus sérieux que tous ceux qui l'avaient précédé.

Il paraît cependant qu'un célèbre astronome juif, nommé Propenus, enseignait à Montpellier vers le milieu du quinzième siècle; mais cet exemple doit être regardé comme une exception, et il s'en trouve quelques autres dans les provinces méridionales de la France. Ainsi, pendant tout le cours du quinzième siècle, les Juifs continuèrent à habiter la Provence, d'où ils ne furent chassés qu'en 1501 par le roi Louis XII. Ils passèrent dans le Comtat venaissin, où

ils trouvèrent un assez grand nombre de leurs coreligionnaires qui étaient établis dans cette province depuis le douzième siècle, et auxquels s'étaient joints, peu d'années auparavant, une partie des Juifs qui venaient d'être bannis d'Espagne.

On lit dans les Anecdotes françaises que François I", voyant que l'art de ses médecins échouait contre une maladie dont il était attaqué, pria l'empereur Charles-Quint de lui envoyer un médecin juif. On lui envoya un Israélite converti; mais le roi n'en voulut point, et il fit venir de Constantinople un Juif endurci dans sa croyance, qui lui rendit la santé.

Marie de Médicis avait aussi, à ce qu'il paraît, beaucoup de foi dans le talent des docteurs juifs. Elle prit pour médecin un Israélite nommé Montalte, et obtint de Henri IV une entière liberté de conscience pour lui et pour toute sa maison. On prétend même que le roi lui fournissait des relais, pour qu'il ne viopas le sabbat en allant voir un malade éloigné.

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il

Louis XI avait donné, en 1474, un édit par lequel

permettait à tous les étrangers, excepté les Anglais, de se fixer à Bordeaux; cela donna lieu à un Juif espagnol baptisé, nommé André Gorca, de venir s'éta blir dans cette ville, où il devint, en 1534, professeur de belles-lettres. Plusieurs de ses compatriotes, nouveaux chrétiens comme lui, vinrent l'y joindre; et, au mois d'août 1550, ils obtinrent de Henri II des lettres - patentes par lesquelles il leur fut permis de résider avec leurs familles dans toute l'étendue du royaume, et d'y faire librement le commerce. Ils pu

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