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DEPUIS LES PREMIERS TEMPS DE LA MONARCHIE,
JUSQU'AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE (1).

Toute religion se compose de deux parties également obligatoires, la croyance intérieure et le culte visible. C'est en vain que des philosophes ont prétendu que la religion pouvait être toute de sentiment, sans se manifester par aucun acte extérieur. En supposant même que, par une adoration tacite, l'homme pût accomplir tous ses devoirs envers Dieu, il ne remplirait point ceux qui lui sont imposés envers ses semblables. L'homme vertueux doit aux autres le tribut de son exemple; et l'être matériel ne pouvant juger que de ce qui frappe les sens, une religion que n'accompagne aucun culte sensible est, à l'égard des autres hommes, comme si elle n'existait point.

Or, le culte extérieur se composant d'une suite d'actes, et les hommes qui vivent en société devant

(1) Extrait du Traité de La Marre et de la Collection des Ordonnances de France, par l'édit. J.-Cohen

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soumettre leurs actes à certaines règles, pour les rendre à la fois le plus utiles et le moins nuisibles possible à l'universalité des citoyens, il s'en suit que l'exercice du culte peut et doit devenir l'objet de lois civiles. Mais ces lois auront cela de particulier, qu'elles ne se borneront pas, comme les autres lois pénales, à défendre, mais encore qu'elles imposeront des obligations. Pour tout sage gouvernement, la religion est inséparable de la vertu; car le législateur ne voit que les grandes masses; il ne peut s'attacher au petit nombre d'exceptions que présente la bizarrerie du cœur ou la faiblesse de l'esprit; et le but de ses lois étant de rendre la société meilleure, elles doivent tendre, autant qu'il est possible, à augmenter en elle le sentiment religieux.

pour

C'est pour cela que les gouvernemens les mieux réglés, tant de l'antiquité que des siècles modernes, ont regardé l'existence d'un culte extérieur et visible comme un des premiers devoirs des citoyens; c'est la même raison que l'Angleterre ne se croit pas moins libre, malgré la sévérité avec laquelle la police y fait observer le dimanche, et que, lorsqu'un témoin vient déposer en justice, la partie intéressée a le droit de l'interroger sur sa croyance, afin que les jurés puissent savoir le degré de foi qu'ils doivent ajouter à sa déposition.

Dans le temps où une seule religion était reconnue en France, la loi supposait naturellement que tous les citoyens appartenaient à cette religion, et ses dispositions ne tendaient qu'au maintien du respect que

tous devaient au seul culte légal. Ce sont ces dispositions, telles qu'elles existaient autrefois, que l'on va rappeler ici. On sent qu'il n'y sera point question des lois rendues en différens temps contre les hérétiques, ni de celles qui avaient rapport à l'exercice de la religion prétendue réformée. Ce qui concerne les Juifs a fait le sujet d'une Notice particulière; on ne s'occupera dans celle-ci que des moyens employés pour réprimer l'impiété, et pour assurer le respect dû aux lieux, aux temps et aux cérémonies.

Quoique la puissance du Seigneur remplisse le ciel et la terre; que sa sagesse s'étende d'un bout de l'univers à l'autre ; qu'il n'y ait point d'endroit où sa providence ne veille, où ses grâces ne puissent descendre, d'où nos prières ne puissent monter vers lui, et qu'il soit juste par conséquent que notre âme le bénisse partout, il est néanmoins certain que, pour s'accommoder à notre faiblesse et à nos besoins, il s'est choisi des lieux consacrés à son nom, où il habite d'une manière plus particulière, pour y manifester sa grandeur, sa majesté, y répandre ses grâces, y recevoir nos vœux, nos adorations et nos sacrifices. Ces lieux ne furent d'abord des autels, que les anciens patriarches lui élevèrent en pleine campagne. Moïse fut le premier qui dressa un tabernacle au Seigneur pour lui offrir des sacrifices; ce n'était encore cependant qu'un temple portatif : la position errante des Israélites ne leur permettait pas d'en avoir un autre. Mais leur roi Salomon, le modèle des monarques sages, et qui porta au plus haut point la gloire et la

que

puissance de la nation, regarda comme son plus beau titre à la vénération des siècles, celui d'avoir, le premier, élevé au vrai Dieu un temple qui fit l'admiration des hommes.

Les édifices où les chrétiens se réunissent, pour adorer Dieu, s'appellent églises, du mot grec ixxanoia (assemblés en congrégation).

Quelle que soit la croyance d'un homme, pourvu que tout sentiment de ce qui est bon et honnête ne soit pas éteint dans son cœur, les lieux consacrés au culte du vrai Dieu ne peuvent que lui inspirer un respect profond; à plus forte raison les premiers chrétiens n'avaient-ils aucun besoin d'être excités par des remontrances ou intimidés par des lois pour les engager à conserver dans les églises le maintien le plus décent et le plus modeste. Le relâchement ne commença de s'introduire, à cet égard, que sur la fin du quatrième siècle. Ce fut alors que saint Augustin fit entendre ses plaintes, et qu'une loi d'Arcadius et d'Honorius y pourvut.

La première loi particulière à la France que nous trouvons sur ce sujet, est une ordonnance de Charlemagne, du 22 mars 789. Ce prince y recommande aux pasteurs d'avoir soin que, dans toutes les paroisses, l'église de Dieu et les autels soient en vénération ainsi qu'il convient; que l'entrée en soit fermée aux chiens (1); qu'on ait pour les vases sacrés beaucoup de

(1) Dans l'origine du christianisme, l'entrée de l'église n'était permise aux gentils et aux catécumènes que jusqu'à

révérence. Il fait défenses de traiter d'affaires séculières dans les églises, et d'y faire des discours inutiles, parce que la maison de Dieu doit être une maison d'oraison, et non une retraite de voleurs. Que chacun, ajoute l'ordonnance, vienne donc à la messe, qu'il ait pendant ce temps l'esprit attaché à Dieu, et qu'on se garde bien de sortir avant d'avoir reçu la bénédiction du prêtre.

Louis-le-Débonnaire rendit plusieurs ordonnances où l'on voit régner le même esprit de religion. Par l'une d'elles, il est défendu à toutes personnes d'entrer dans l'église avec des armes pendant le service divin, tant du matin que du soir; et le prêtre est autorisé à châtier les contrevenans ainsi qu'il le jugera à propos.

Charles-le-Chauve défendit, au mois d'avril 853, à tous juges de tenir leurs audiences sous les porches (1) des églises ou dans les presbytères.

Le concile œcuménique de Lyon, tenu sous le pontificat de Grégoire X et le règne de Philippe-leHardi, dans l'année 1273, traita en détail la question du respect dû aux églises. Il défendit surtout de

la collecte. Avant de prononcer cette prière, le diacre disait à haute voix : Adeste fideles : canes foris. Ce mot canes s'entendait également des infidèles et des animaux qui auraient pu troubler le service divin : les uns et les autres étaient obligés de sortir dans ce moment.

(1) Voyez à ce sujet, la Dissertation sur les porches des églises, par J.-B. Thiers. 1679, in-12.

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