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ment part aux évènemens généraux, et l'histoire a eu par conséquent fort peu d'occasions d'en parler.

Le christianisme a rendu le nom de druides aussi odieux qu'il avait été jusqu'alors respectable: on ne le donne plus, dans les langues gauloise et irlandaise, qu'aux magiciens et aux sorciers. On le trouve pris en ce sens dans les monumens anglo-saxons du sixième siècle (1).

SECONDE PARTIE.

De la religion et de la morale des anciens Gaulois.

Après avoir exposé ce qui concerne le gouvernement religieux des anciens Gaulois', il serait à souhaiter que nous eussions plus de connaissance de leurs dogmes que nous n'en avons. Malheureusement il ne nous reste d'autres lumières sur la religion de nos premiers pères que ce qu'en ont écrit des auteurs qui n'étaient guère en état de se former une juste idée des mystères gaulois (2).

(1) On dit proverbialement : C'est un vieux druide, il pourra nous donner de bonnes instructions. On dit encore, à peu près dans ce dernier sens : C'est un vieux routier.

(2) Je dis que la religion des Gaulois consistait dans de véritables mystères, parce que c'était une loi fondamentale de leur république de ne point révéler aux étrangers les principes de leur système religieux. Les druides les cachaient à leur propre nation, et les enveloppaient sous des fables, sur lesquelles ils fondaient des pratiques puériles, superstitieuses ou même barbares.

Nous en avons un exemple bien sensible dans la manière dont presque tous les anciens ont parlé des Juifs. La religion de Moïse, très-simple et même trèsphilosophique, ne proposait aucun dogme difficile à concilier avec la raison. Les Juifs étaient répandus par tout l'univers connu; ils avaient des synagogues dans presque toutes les villes considérables de l'Asie mineure, de la Grèce et de la Syrie; ils étaient même en grand nombre à Rome; les livres de leur loi étaient traduits dans une langue entendue de tout le monde. Nous voyons cependant qu'on avait une idée absolument fausse de leur religion. Il suffit de se rappeler ce qu'en ont dit Strabon, Diodore, Tacite, Plutarque, etc., pour se convaincre que malgré la facilité qu'on avait d'approfondir le système religieux des Juifs, les écrivains les plus habiles et les plus curieux avaient négligé de s'en instruire. Il en est de même de la doctrine des chrétiens. Les disciples de Jesus-Christ étaient répandus par tout l'univers; ils cherchaient avec ardeur à se faire des prosélytes, et les livres qui contenaient leurs dogmes étaient connus de tout le monde. Malgré cela, les païens n'en avaient absolument aucune connaissance.

On doit juger par-là du degré de créance que méritent César, Diodore, Strabon, Pomponius Mela, Lucain, etc., lorsqu'ils parlent d'une religion dont les druides gaulois ne découvraient le fond qu'à ceux de leur ordre. Jules-César mérite sans doute beaucoup de foi quand il parle de l'ordre politique des Gaules, où il avait demeuré près de dix ans, mais il lui était im4

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possible de pénétrer des mystères qu'on ne cherchait

pas

à lui faire connaître. Les autres écrivains n'en ont guère parlé que par occasion, presque toujours d'une manière peu détaillée, souvent même sans les connaître autrement que par les rapports vagues et peu exacts de gens qui n'avaient eu qu'un commerce passager avec les Gaulois, qui n'avaient consulté que des personnes qui ne voulaient pas les instruire, ou qui n'étaient elles-mêmes au fait du vrai système de leur propre religion.

pas

Il y a, au reste, une réflexion générale à faire sur tout ce que les Grecs et les Romains ont dit des religions étrangères; ils voulaient que ces religions fussent au fond la même que la leur; c'était en particulier une maxime fondamentale de la théologie des Romains, et ils regardaient l'opinion contraire comme une absurdité. En effet, dans le préjugé que leurs dieux existaient réellement, ils devaient penser que ceux des peuples barbares ne différaient des leurs que par les noms que chaque nation leur donnait. Ils n'ont donc pas manqué de le croire et de l'écrire. Quelques-uns de nos écrivains modernes ont suivi le préjugé des Romains, en dérivant des Juifs les cérémonies et les superstitions qui étaient en usage chez les Gaulois (1).

Tout cela n'empêche pas néanmoins qu'on ne puisse

(1) C'est sur ce principe que l'empereur Julien a dit que le Dieu des Juifs et des Chrétiens était un Dieu véritable, quoiqu'il ne fût pas honoré par les Juifs et par les Chrétiens comme il devait l'être.

distinguer ici le vrai d'avec le faux, et faire usage de ce que l'on trouve dans les anciens sur la religion des Celtes. Une critique judicieuse peut nous apprendre non seulement à connaître les bons historiens, mais aussi à profiter des plus mauvais ; il suffit de bien distinguer les fables que rapporte un auteur, des vérités et des faits qui peuvent y avoir donné lieu.

Les points fondamentaux de toute la doctrine gauloise, et sur lesquels tous les autres étaient appuyés, se réduisent à trois : adorer la Divinité, ne point faire le mal, et être brave dans toutes les occasions.

Une question importante est de savoir si les druides admettaient l'unité de Dieu. On croit communément qu'ils étaient idolâtres. L'erreur où l'on est à l'égard des prêtres gaulois vient de ce que les étrangers ont pris dans leur propre religion les idées qu'ils se sont faites de celle des Gaulois. Nous ne sommes pas assez instruits de la religion de nos ancêtres pour savoir ce qu'ils entendaient par Hesus, Teutates, etc.; mais nous le savons assez pour penser que des hommes qui ne représentaient ni ne matérialisaient la Divinité, ne doivent pas être regardés comme idolâtres. Tacite en convient, en parlant des Germains, qui suivaient la religion des Gaulois, leurs aïeux: Nulla simulachra, nullum peregrina superstitionis vestigium; et dans un autre endroit : Nec cohibere parietibus deos, neque in ullam humani oris speciem assimilare ex magnitudine cœlestium arbitrantur. Lucos ac nemora consecrant, deorumque nominibus appellant secretum illud quod sold reverentia vident.

On peut dans une religion admettre les figures et les représentations sans idolâtrie, mais il n'y eut jamais d'idolâtrie sans images. Quoique Tacite dise que les druides donnaient les noms de dieux aux bois et aux forêts, lucus, nemus, dans lesquels ils rendaient leur culte, il parle d'après ses idées sur le polythéisme; mais il fournit lui-même les principes du raisonnement propre à le réfuter, puisqu'il rapporte des faits qui impliquent contradiction, dont les premiers étant positifs, détruisent ceux qui ne sont que d'induction : c'est ainsi que les historiens les plus éclairés peuvent se tromper sur des mœurs, des lois ou des religions étrangères qu'ils n'approfondissent pas toujours, soit qu'ils ne s'y intéressent pas assez, ou qu'ils croyent les avoir suffisamment examinées, ou qu'ils ne les regardent pas comme leur objet principal.

Les peuples des Gaules ont toujours conservé tant d'éloignement pour les figures religieuses, qu'ils ne les admirent pas lorsqu'ils eurent embrassé le christianisme; de sorte que dans le temps où l'église grecque paraissait avoir fait du culte des images une partie essentielle de la religion, le concile de Francfort condamna l'adoration des images (1), sans marquer qu'il

(1) Allata est in medium quæstio de nová græcorum synodo, quam de adorandis imaginibus Constantinopoli fecerunt, in quá scriptum habebatur, ut qui imaginibus sanctorum, ità ut Deificæ Trinitati, servitium aut adorationem et non impenderent, anathema judicarentur. Qui suprà Sanctissimi Patres nostri omnimodis adorationem et servitutem renuentes contempserunt, atque consentientes condemnaverunt. (Conc. Francof. ord., can. 2.)

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