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peu de saveur et le peu de solubilité de l'acide arsénieux. Cette saveur est même presque toujours masquée par celle des matières alimentaires. S'il en était autrement, les aliments seraient bien moins souvent choisis pour la perpétration du crime.

L'absence des urines est un des phénomènes les plus constants dans l'empoisonnement arsenical, mais elle s'observe aussi dans plusieurs autres cas d'intoxication. Il paraît qu'elle dépend de la suppression de cette sécrétion et non de l'impuissance d'excrétion, puisque le catheter n'amène que quelques gouttes d'urine. Dans les cas où cette sécrétion n'est pas complétement suspendue, les urines sont rendues avec cuisson, difficulté, et peu abondantes. Cela s'observe surtout dans la première période de l'intoxication, ou lorsque l'acide arsénieux est appliqué sur la peau, autrement dit, lorsque ce poison n'a produit encore que son effet local, ce qui tendrait à faire croire que le défaut de sécrétion dépend plutôt de l'état général de l'organisme, comme cela s'observe dans le choléra.

Les effets éloignés de l'acide arsénieux sur les organes circulatoires tels que le froid externe, la petitesse, la fréquence du pouls, la faiblesse générale, etc., sont les symptômes les plus constants et constituent presque à eux seuls l'empoisonnement. Ils apparaissent presque en même temps que les vomissements, les coliques, dans les cas même où le poison est appliqué sur une plaie, sur une muqueuse exte: ne. Ils ne se manifestent au contraire que 3, 6 jours après, lorsque l'acide arsénieux est appliqué sur la peau non dénudée. En ce cas, ils sont précédés d'une espèce de réaction inflammatoire, due à l'effet caustique du poison (obs. I), caractérisée par une douleur très-vive et cuisante de la partie qui en a reçu le contact; par le gonflement du tissu cellulaire sous-jacent, des parties et des glandes voisines; par de la soif; par une chaleur àcre, brûlante à la peau; par de l'ardeur en urinant. Dans les cas d'intoxication par le système cutané dénudé ou non, il se manifeste assez fréquemment et bien plus souvent que dans les cas d'intoxication par la muqueuse gastro-intestinale, des éruptions papuleuses, pustuleuses, ou miliaires à la peau, partielles ou générales, qui, se desquament

dans l'espace de 48 heures ou persistent pendant 5, 8 jours et plus. Dans les cas d'empoisonnement soit externe, soit interne, il est extrêmement rare qu'une réaction organique inflammatoire succède à l'effet hyposthénisant, quoique quelques auteurs soutiennent le contraire. En général, et d'après un grand nombre d'observations recueillies chez l'homme, si la terminaison doit être funeste, les effets hyposthéniques deviennent de plus en plus graves; dans le cas contraire, le malade revient à la santé par l'augmentation progressive des forces, au fur et à mesure que le poison est éliminé par les émonctoires. Ce fait est capital pour la direction à donner au traitement.

Les modifications du système nerveux, considérées du moins symptomatiquement, ne paraissent être qu'accessoires dans l'empoisonnement arsenical aigu; c'est surtout le système nerveux de la vie de relation qui paraît être le siége de ces désordres; car, le plus souvent, ce sont des crampes, des contractions des membres, suivies de relâchement, de paralysie. Cependant, il resterait à démontrer si l'acide arsénieux agit primitivement, soit sur le système circulatoire, sur le sang, soit sur le système nerveux de la vie organique, question qui, selon nous, ne peut pas être jugée, même expérimentalement. L'état comatique qui s'observe quelquefois dans l'empoisonnement arsenical nous paraît dépendre plutôt de l'effet hyposthénisant, de la stase du sang, que d'une congestion cérébrale active,

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La dose toxique de l'acide arsénieux ne peut être fixée d'une manière précise chez l'homme, parce que ce poison est presque toujours expulsé en grande partie par les vomissements, et qu'ensuite, dans les cas d'intoxication externe, on n'a pas cherché à la déterminer. Cependant, comme 10 centigrammes (2 grains), appliqués sur le tissu cellulaire d'un chien, sont mortels, et que 2 centigr. ou 114 de grain pris par inadvertance, ont occasionné des accidents très-graves, on peut, à priori, estimer, cette dose à 7 ou 10 centigr. (1 à 2 grains). La dose la plus minime qui ait été fatale est celle de 22 centigr. (4 grains 112), chez un enfant de 4 ans. Le poison était dissous. La mort survint en 6 heures.

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La marche, la durée, la terminaison de l'intoxication arsenicale sont très-variables: la mort survient ordinairement en 12 ou 48 heures. Cependant plusieurs cas ont été mortels en 4, 5, 6 heures. Pill et Jonsthone en citent même qui l'ont été en 5 heures, et, le docteur Male, un, en 4 heures. Un jeune homme prend une solution arsenicale pour se guérir de la fièvre : peu après, vomissements, syncopes, vertiges, délire, convulsions, mort au bout de 5 heures. Mettzer rapporte un cas où le malade succomba en 6 heures, après avoir éprouvé des coliques aiguës, des vomissements violents, une diarrhée abondante. Un homme avale quelques fragments d'arsenic et meurt en quelques heures, après avoir éprouvé seulement quelques syncopes (Chaussier Ehtmuller). Une femme mange un gâteau d'amandes arsenical, et meurt en 12 heures dans une prostration excessive des forces et sans souffrir (Morgagni). Un jeune homme était atteint de vomissements et de diarrhée, qu'on attribuait à une indigestion; sa physionomie était calme, l'appetit intact, le ventre souple, indolore; le pouls s'abaissa promp tement, et il mourut en 11 heures dans un état d'abattement extrême. Nous rapportons, plusieurs observations offrant aussi quelques-unes de ces anomalies.

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La terminaison de l'intoxication arsenicale n'est pas nécessairement funeste. Il y a dans la science in assez bon nombre de cas où le rétablissement a été complet et assez prompt. C'est surtout ceux dans lesquels les vomissements sont survenus immédiatement on peu après l'ingestion du poison, et lorsque celui-ci, sauf quelques exceptions, était en dissolution, comme M. Coze l'a observé sur tous les sous-officiers d'un régiment, où lorsque l'acide arsénieux était mêlé en petite quantité avec les matières alimentaires. Alors il peut être complétement expulsé, et, la portion absorbée, être éliminée peu à peu par les urines, etc. Dans tous ces cas, le rétablissement peut être coinplet : cependant, assez souvent, il reste, pendant quelques jours, de l'épigastralgie, de la faiblesse. Lorsque la durée de l'intoxication se prolonge au delà du troisième jour, et que l'économie a reçu une atteinte profonde, les malades s'affaiblissent de plus

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en plus, le vomissement, la diarrhée ou la constipation persistent, le sang rendu diffluent, incoagulable, transsude à travers les parois des vaisseaux; d'où, maculatures à la peau, engorgement du système capillaire, hémorragie passive des membranes muqueuses, et la présence du sang dans les matières des selles, des vomissements, comme dans l'observation VII, effets, qui peuvent aussi s'observer dans les cas d'intoxication prompte comme chez Soufflard. Christison rapporte qu'une dame, empoisonnée par un mélange d'acide arsénieux et de poudre aux mouches, introduits dans sa soupe, éprouva, pendant 2 jours, des vomissements, des coliques atroces, des évacuations alvines, de la douleur en urinant, eut une éruption vésiculeuse au palais, et chez laquelle, 3 jours après, il se manifesta une inflammation de la plupart des membranes muqueuses, avec excoriation des parties génitales et de l'anus. Elle succomba le 6e jour. Il cite un autre cas, à peu près semblable, dans lequel, l'inflammation des muqueuses fut même plus générale, la langue était tuméfiée, rouge, excoriée, les vomissements et les selles devinrent sanguinolents, et la mort eut lieu le 9o jour.

Effets consécutifs. Aux effets immédiats succèdent quelquefois des effets consécutifs, ou plutôt, des désordres organiques ou fonctionnels qui peuvent se dissiper complétement, après un temps plus ou moins long, ou persister pendant toute la vie. Ces désordres s'observent dans les fonctions de la digestion, de l'assimilation et de l'innervation. Les malades conservent quelquefois une excitabilité telle de l'estomac que cet organe ne pent' supporter les aliments. Wepfer a observé un cas de dispepsie qui a duré pendant 3 ans. D'autres fois l'individu tombe dans un état d'émaciation, est tourmenté d'une fièvre lente; îl y a désassimilation, chute des ongles, des cheveux, desquamation de la peau, hydropisie, etc. Mais, un des effets consécutifs les plus constants, c'est la modification du système nerveux de la vie de relation, modification qui se traduit par la paralysie, la contraction permanente des muscles des membres, et moins souvent par la diminution de la sensibilité. Le Dr Falconer considère la paralysie générale ou partielle des mains, des pieds,

des doigts, comme l'effet consécutif le plus constant. Dans les Éphémérides allemandes, il est question d'une cuisinière, qui, après avoir éprouvé les effets de l'empoisonnement aigu, fut atteinte d'une paralysie complète des membres qu'elle conserva toute sa vie. Une femme prend de l'arsenic par inadvertance, éprouve les symptômes habituels, se trouve bien le 3e jour; mais, le 4e, elle a des crampes, des douleurs, de la faiblesse dans les jambes et dans les bras, jusqu'à ce que toutes les extrémités deviennent graduellement paralysées, la peau se desquama; le mouvement revint d'abord aux mains, puis aux bras; elle ne se rétablit complétement qu'au bout de onze mois. Les autres fonctions restèrent intactes (Dehaen). Un homme, eut, le 5o jour de l'intoxication, une éruption de pustules blanches, isolées ou confluentes, analogues, par leur forme et leur marche, à celles de la petite vérole, et une impuissance presque absolue des membres avec diminution de la sensibilité. La mobilité revint peu à peu dans les bras et les jambes, mais elle était encore impossible le 53 jour dans les doigts,les orteils et les mains, qui, étaient toujours fléchis (Dr Coqueret). Nous rapportons un cas (observation XV), dans lequel les muscles fléchisseurs l'emportaient tellement sur les muscles extenseurs, que les doigts des mains étaient fortement fléchis contre la paume; il en était de même des doigts des pieds, ce qui rendait la marche trèspénible et même impossible. La malade était dans un état complet d'émaciation. Christison cite quelques cas où les désordres nerveux ont revêtu un caractère épileptiforme, totanique, hystérique, maniaque; mais ces cas sont si rares et si peu connus que nous nous dispenserons d'en parler. Cet auteur parle aussi de l'insensibilité presque générale de la peau.

Empoisonnement lent. L'acide arsénieux peut-il produire un empoisonnement lent; c'est-à-dire, peut-il, étant donné à dose minime et fréquemment répétée, amener un dépérissement progressif suivi de mort? Cette question, à priori, peut être résolue affirmativement. 1° Ce poison, donné à dose médicamenteuse et trop longtemps continuée, amène le dérangement des organes gastriques, pervertit la digestion, les phénomènes

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