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les vomissements abondants, répétés et prolongés, on le trouve presque toujours en nature, au moins 19 fois' sar 20, sous forme de poudre, de paillettes brillantes et noirâtres (arsenic cobaltique, poudre aux mouches, oxyde noir d'arsenic), de paillettes jaunes ou rougeâtres (sulfures d'arsenic); de poudre verdâtre (vert de Schéele); de petits grains blancs, inégaux, anguleux, durs (acide arsénieux ). Ces poisons sont disséminés sur la muqueuse astro-intestinale, entre ses villosités, et quelquefois enchatonnés dans la muqueuse, qui, est alors boursoufflée, ecchimosée tout autour, ou enfin enveloppés dans le mucus durci ou de caillots sanguins. L'acide arsénieux a pu être constaté en nature après 6 jours, quoiqu'il y ait eu des vomissements pendant tout ce temps, et, dans quelques cas plus rares après 3, 6, et 14 mois, surtout dans les empoisonnements par le sulfure. La présence de l'acide arsénieux dans le tube intestinal a soulevé quelques questions toxico-légales très-importantes.

1o L'acide arsénieux pris en poudre ou avec des matières alimentaires solides peut-il ne se rencontrer dans le tube intestinal qu'à l'état liquide? MM. Orfila et De vergie, dans un cas légal, ont résolu affirmativement cette question, et Barruel négativement. S'il est vrai que, dans la majorité des cas, ce poison se trouve à l'état solide, et cela en raison de son peu de solubilité et de ce qu'il est presque toujours donné en poudre grossière, il n'en est pas moins vrai aussi que, pris en petite quantité et en poudre fine, il pourra se dissoudre dans les liquides donnés en boisson, surtout si l'autopsie a été assez longtemps différée; dans ce dernier cas même, il pourra être transformé en arsenite d'ammoniaque soluble par l'ammoniaque résultant de la putréfaction. En effet, dans quelques expertises légales on n'a pas trouvé de l'acide arsénieux solide dans le tube intestinal, et on l'y a démontré au contraire, par le procédé ordinaire, ou par l'appareil de Marsh. Cette question ne peut donc être résolue d'une manière absolue.

20 Peut-on trouver de l'arsenic dans le foie, la rate,

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les urines, etc., et ne pas en trouver dans le tube intestinal? Cette question, dans l'état actuel de la science, ne peut être résolue qu'à priori. L'acide arsénieux dissous ou passé à l'état d'arsenite d'ammoniaque peut bien être expulsé par les gaz de la putréfaction, ce qui cependant doit être excessivement rare et peu admissible; car, il est plus, raisonnable d'admettre qu'il peut l'être par les selles ou les vomissements prolongés ou répétés. Mais en ce cas encore, les parois intestinales en retiendraient une certaine quantité. Il est des cas dans lesquels les premiers experts n'ont pas obtenu de l'arsenic des organes gastriques, tandis que des contre-experts en ont retiré des autres organes; mais, pour que ces expériences fussent comparatives, il aurait été important qu'elles eussent été faites par les mêmes experts, par les mêmes procédés. A la rigueur, on pourrait bien admettre que le foie, qui renferme environ 20 fois plus d'arsenic que les autres viscères, pourrait fournir ce poison, tandis que le tube intestinal n'en donnerait point. Nous doutons cependant qu'il en soit ainsi, en opérant sur une quantité égale de matière, en raison de la délicatesse de l'appareil de Marsh,

30 L'acide arsénieux peut-il être transformé en sulfure d'arsenic, dans le tube intestinal ou au contact des matières organiques? Oui, il existe un assez bon nombre d'observations. quidémontrentce fait!.Traill, Christison, Orfila,etc., ont trouvé les fragments d'acide arsénieux colorés en jaune ou transformés en sulfare jaune d'arsenic par l'hydrogène sulfuré développé spontanément ou administré comme contre-poison. A la vérité, la transformation est rarement complète et n'est souvent que superficielle. Dans quelques cas assez rares, le sulfure, résultant de la décomposition de l'acide arsénieux dissous forme une couche jaunâtre à la surface de la muqueuse gastro-intestinale (Traill, Rigal).

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4o Peut-on rencontrer dans le tube intestinal d'une personne non intoxiquée, des granulations blanchâtres qui puissent faire croire à un empoisonnement arsenical? Oui. Cette question est d'autant plus importante, que, dans les cas

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où elle a été posée, il y avait eu pendant la vie des symptômes d'irritation gastro-intestinale, et qu'après la mort, l'inflammation de la muqueuse coïncidait avec ces granulations. Buchner cite deux cas de ce genre. Christison, dans les recherches toxicologiques, n'a été convaincu que ces corps blanchâtres n'étaient point de l'arsenic que par l'analyse. Dans deux cas d'expertise légale en France, la muqueuse gastro-duodenale, et même l'œsophagienne, étaient plus ou moins enflammées et tapissées de petits corps blancs ou blanc-jaunâtres, adhérents ou libres, arrondis ou anguleux. Ils étaient onctueux au toucher, s'écrasaient facilement et graissaient le papier, donnaient une odeur empyreumatique et laissaient un résidu charbonneux sur un corps chaud. Incomplétement solubles dans l'eau, ils communiquaient une teinte laiteuse à ce liquide, qui, ne précipitait, ni ne se colorait pas en jaune par le gaz sulfhydrique. Insolubles dans l'alcool, ils se dissolvaient à chaud dans l'acide azotique et le coloraient en jaune, couleur qui passait au jaune orangé par l'addition de la potásse. D'après Barruel et Vauquelin, à qui nous devons cés analyses, ces globules sont composés de graisse et d'une matière animale. M. Billiard a rencontré aussi de semblables granulations sur deux femmes, l'une morte de gastro-colite chronique,et l'autre de phthisie pulmonaire. Dans ce dernier cas, les intestins offraient de nombreuses ulcérations.

50 L'arsenic accélère-t il ou retarde-t-il la putréfaction des cadavres? Les anciens admettaient que le cadavre des personnes empoisonnées se putréfiait plus promptement, et, pour reconnaître et constater le crime, ils exposaient le corps sur les places publiques. Telle était aussi l'opinion de Gmelin pour les poisons minéraux. Jonsthone et Plattner, d'après les observations chez l'homme, et Lechmann, d'après les expériences sur les animaux, pensaient aussi que l'arsenic accélère la putréfaction. Une opinion toute contraire, fondée aussi d'après les observations sur l'homme et les expériences sur les animaux, a été soutenue par des médecins allemands, et, au commencement de ce siècle, par quelques médecins anglais. Les

toxicologistes français pensent généralement que l'arsenic n'a aucune influence sur le développement de la putréfaction. Dans les diverses expériences qui ont été faites pour résoudre cette question, ou bien le cadavre s'est putréfié comme à l'ordinaire, ou bien il s'est conservé pendant assez longtemps, mais alors il était saponifié ou momifié. Ces deux genres d'altérations n'appartenaient pas à l'acide arsénieux, mais dépendaient plutôt des circonstances extérieures, à moins qu'on n'admette que l'arsenic facilite ces transformations. Cependant, on ne peut contester que, dans beaucoup de cas, et surtout lorsque le tube intestinal renfermait encore du poison en nature, la conservation de cet organe n'ait été si complète,qu'après un temps assez long, 5, 6, 14 mois d'inhumation, il conservait non-seulement sa texture, mais encore,il était possible de constater les altérations pathologiques. On sait en effet que, de l'acide arsénieux, déposé dans un estomac, en retarde la décomposition. L'acide arsénieux ne paraît donc avoir aucune influence sur la marche de la putréfaction du cadavre; mais, si la mort est prompte, si l'inflammation du tube intestinal n'a pas eu le temps de se développer, d'arriver à sa dernière période, si enfin le poison n'a pas été complétement expulsé, nul doute qu'il ne retarde la décomposition de cet organe; dans le cas contraire, la putréfaction en serait plus prompte.

Expériences sur les animaux. Dès le seizième siècle, des expériences ont été tentées sur les animaux et même sur les criminels, dans le but de connaître les effets de l'acide arsénieux et ses contre-poisons. Depuis, elles ont été faites avec plus de suite, non seulement pour apprécier l'effet de ce poison sur les diverses classes d'êtres, mais encore, et surtout dans ces derniers temps, sous le point de vue de toxicologielégale et d'hygiène publique. D'après Jæger, l'acide arsenieux serait poison pour tout être organisé, pour les plantes comme pour les animaux; ceux-ci résisteraient d'autant plus qu'ils seraient plus élevés dans l'échelle organique. Dans les plantes et les animaux des classes inférieures, les parties perdent la vie au fur et à mesure qu'elles sont atteintes par le

poison. L'acide arsenique serait plus actif que l'arsénieux. Ces poisons augmentent d'abord la vitalité, les sécrétions muqueuses, et produisent ensuite la mort par l'extinction graduelle de l'irritabilité, de la contractilité organique. D'après M. Bory de St.-Vincent, l'acide arsénieux ne serait pas poison pour les plantes; car elles pourraient végéter non seulement dans un terrain, mais encore dans un soluté arsénieux. Nous même avons fait fructifier la tige d'un orchis dans un soluté arsenical. Brodie, conclut de ses expériences sur les lapins et sur les chiens que l'acide arsénieux agit sur le cerveau et sur le cœur, et que la mort résulte plutôt de la diminution progressive des fonctions de l'innervation et de la circulation que de l'inflammation du tube intestinal; d'où, ralentissement, intermittence du pouls, dilatation des pupilles, paralysie graduelle, insensibilité générale; symptômes offerts par ces animaux. Les expériences de Campbell et de Smith, sur des animaux de la même espèce, sont confirmatives de celles de Brodie. Elles démontrent en outre que, 25, 50 centigr. (5 à 6 grains) d'acide arsénieux, déposés sur le tissu cellulaire ou sur une muqueuse externe, sont toxiques, aussi promptement que par la voie d'ingestion, et que, dans les deux cas, on rencontre le même genre de lésion dans le tube intestinal. Ce fait a été confirmé par les toxicologistes de nos jours, même à dose moindre, 7 à 10 centigr. Smith pense que l'acide arsénieux agit spécialement sur le cœur dont il anéantit la contractilité. Après la mort, cet organe est mou, peu contractile sous l'influence des irritants. MM. Magendie et James attribuent la mort à l'altération particulière que l'acide arsénieux fait subir au sang. Ce liquide, rendu incoagulable, s'extravaserait dans les tissus, s'opposerait à la circulation. L'action de ce poison sur le sang,sur le cœur,serait primitive, et la mort d'autant plus prompte qu'il arriverait plus promptement à cet organe: ainsi, l'animal meurt plutôt lorsque l'acide arsénieux est injecté dans la veine jugulaire que dans l'artère carotide, et moins promptement dans la veine crurale que dans la veine jugulaire. La dose toxique

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