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petits et les gros intestins n'offraient rien de particulier. Rate et foie sains; vésicule du fiel remplie de bile; vessie vide revenue sur ellemême; matrice nullement développée et ne contenant rien dans sa cavité. L'estomac étant exactement lavé, nous recueillîmes une petite quantité de poudre noire, brillante, dont la pesanteur spécifique fit soupçonner que c'était une substance minérale. En effet, une portion projetée sur les charbons ardents donna des vapeurs blanches alliacées qui blanchirent une lame de cuivre placée au-dessus. La poudṛe aux mouches donna les mêmes résultats. Convaincus que nous avions à faire à un empoisonnement, nous avons adressé un rapport au commissaire de police et au procureur du roi. L'enquête faite par l'autorité apprit: 1o Que la fille Lucas était depuis longtemps mécontente de son sort et que plusieurs fois elle avait inanifesté le désir de mourir; 2o qu'à l'âge de douze ans elle avait tenté de s'empoisonner avec l'eau de javelle. D'après ces données il est probable que l'empoisonnement a été volontaire et que l'absence des règles pendant deux mois l'aura portée à se suicider. (Patissier. Bibl. méd. t. II, 1827.)

Cette observation offre bien tous les caractères de l'empoisonnement arsenical; mais, comme les symptômes se sont déclarés immédiatement après le repas, on pouvait facilement les confondre avec ceux d'une indigestion. M. Chevalier, qui a vu la malade dans la période avancée, a cru avoir à faire au choléra. En effet, nous avons déjà vu la grande analogie qu'offrent les symptômes d'intoxication arsenicale avec cette maladie. Il importe donc de s'enquérir de tout ce qui peut éclairer sur la cause de la maladie, des circonstances antérieures, de l'état moral du malade, de comparer les symptômes actuels avec les précédents, etc.

Les empoisonnements par la poudre aux mouches, le cobalt arsenical, l'oxyde noir d'arsenic, mêlés aux boissons, aux aliments ne sont pas très-rares. Nous citerons encore les faits suivants: 10 Une femme du Havre fut prise de vomissements à midi, et succomba à 10 heures du soir. A l'autopsie on trouva dans l'estomac environ 180 grammes (6 onces) d'un liquide sanguinolent, et 15 grammes (4 gros) d'oxyde noir d'arsenic. 2o Depuis quelque temps, dans la maison d'un curé, toutes les personnes étaient incommodées sans en connaître la

cause; on trouva, au fond d'une bouteille d'eau-de-vie, de la mort aux mouches. 50 Six personnes furent fortement incommodées à déjeuner. L'une d'elles succomba: On trouva au fond de la bouteille de l'oxyde noir d'arsenic. 4° MM. S. père et fils, après le repas du soir, éprouvèrent des vomissements et de violentes coliques. On trouva de l'arsenic métallique au fond de la bouteille de vin. M. Batilliat, pour s'assurer de la quantité d'acide arsénieux dissous par le vin, mit à macérer ce résidu dans environ 808 gram. de vin, pendant vingt-quatre heures. L'analyse lui fournit 1 gram. 3 décigram. d'acide arsénieux. 5o Quatre personnes firent un repas avec des poires sèches, qu'on avait fait bouillir avec 24 gramm. (6 gros) de poudre aux mouches. Toutes eurent des tranchées, des vomissements des sueurs froides, etc. Le père, àgé de cinquante ans, succomba en treize heures; sa fille aînée au bout de neuf; la cadette au bout de dix-huit; la plus jeune qui n'avait mangé que ce qu'elle avait raclé au fond de la marmite, le sixième jour. Chez tous, à l'autopsie, on trouva une extravasation de sang par taches, par bosselures dans le tissu de l'estomac, et, en outre, chez l'at née, un épanchement de sang liquide dans cet organe. 6o Kundmann rapporte que trois personnes moururent en d'heures pour avoir pris du cobalt minéral arsenical. Elles éprouvèrent des tranchées vives, des vomissements violents, des sueurs froides, etc. Leur estomac très-enflammé, renfermait un liquide sanguinolent. Il est à remarquer que, chez l'homme comme chez les animaux, l'oxyde noir d'arsenic, la poudre aux mouches, le cobalt arsenical donnent bien plus souvent lieu à des extravasations, à des épanchements de sang dans l'estomac, que l'acide arsénieux et les autres préparations arsenicales.

peu

f. Empoisonnement par le sulfure jaune d'arsenic.

Observation XVIII. Rotato Félix, peintre, âgé de cinquante ans, fortement constitué, s'étant levé dans la nuit du 8 au 9 septembre 1827, pour faire un verre d'eau sucrée, prit un paquet de sulfure jaune jaune d'arsenic ou orpiment, pour un paquet voisin qui renfermait de la cassonade, en mit une quantité assez considérable dans l'eau, qu'il avala.

Le liquide n'ayant aucun mauvais goût, il ne s'aperçut de sa méprise qu'après en avoir bu une certaine quantité. Il s'endormit. Trois heures après, douleurs vives à l'estomac et dans le ventre; vomissements abondants, et, quelques heures plus tard, deux selles jaunes. Le lendemain même état; il but beaucoup d'eau sucrée. Le troisième jour au matin (10 septembre) il entre à l'Hôtel-Dieu. Douleurs vives à la base de la poitrine et en des points variables du ventre, se propageant sur le trajet de l'œsophage, et se terminant par un sentiment de constriction à la gorge; vomissements fréquents de liquides verdâtres; quelques selles liquides; ventre un peu sensible à la pression; douleurs dans tous les membres, peau presque froide; face pâle; lèvres tremblantes; pouls à peine sensible. Boissons mucilagineuses; lavements; trente sangsues à l'épigastre: cataplasmes sur le ventre; sinapismes aux extrémités. Dans la journée même état. Pendant la nuit subdelirium. Le 14 au matin, vomissements moins fréquents; dévoiement plus abondant; ventre un peu tendu et météorisé, plus douloureux que la veille; face pâle; peau couverte d'une sucur froide; tremblements dans les membres; pouls insensible; délire tranquille; mort à dix heures du matin.

e;

Autopsie (vingt heures après la mort). Raideur très-considérable infiltration séreuse assez marquée du tissu cellulaire sous-arachnoïdien, surtout dans la partie convexe du cerveau. Cet organe est plus injecté que dans l'état normal. La moelle épinière n'a pas été examinée. Poumons gorgés de sang à leur bord postérieur, mais du reste partout crépitants et sains. Cœur considérablement hypertrophié; son tissu n'offre rien de remarquable; la face interne des ventricules est dans l'état normal; celle de l'oreillette gauche, près de l'orifice du ventriculaire, offre quelques taches irrégulières, d'un rouge foncé, qui ressemblent à des ecchimoses, leur siége est sous la membrane interne de l'oreillette, et ne s'étend pas plus profondément. Comme cette oreillette contenait un caillot sanguin, on pouvait attribuer cette coloration à sa présence. Cependant, l'oreillette droite qui contenait du sang en plus grande quantité, n'offrait rien de semblable. L'œsophage, sain du reste, offrait une teinte jaunâtre légère. L'estomac ne présentait pas d'altération remarquable dans ses deux tiers gauches, mais toute la portion voisine du pylore offrait une couleur rouge, formée par une multitude de points rapprochés. Cette portion contenait un liquide muqueux verdâtre dans lequel on distinguait un assez grand nombre de petites paillettes irrégulières, jaunes, brillantes. Quelques-unes paraissaient accolées à la

muqueuse et comme logées entre ses plis, Ces paillettes s'enlevaient facilement avec le doigt, et l'on reconnaissait que le poison n'avait exercé aucune action chimique, aucune lésion de tissu; seulement, l'injection y était plus marquée. Le duodénum et le tiers supérieur de l'intestin grêle étaient également injectés; il y avait çà et là de petites ecchymoses. Les valvules étaient plus saillantes et plus rapprochées. Les tuniques offraient, entre les doigts, plus d'épaisseur que dans l'état naturel. La partie moyenne de cet intestin était à peu près saine, et ses tuniques très-minces; mais, vers le gros intestin, il reprenait l'aspect que j'ai indiqué. On apercevait même un assez grand nombre de petits tubercules miliaires très-rouges. Mêmes altérations à la partie supérieure

du

gros intestin. Le reste était à peu près sain. Le tube intestinal, depuis l'estomac, contenait presque partout des mucosités épaisses et jaunâtres, était parsemé de nombreuses paillettes de sulfure d'arsenic; trente-neuf étaient adhérentes à la muqueuse, où elles avaient déterminé une inflammation plus prononcée. Le foie plus volumineux que d'ordinaire, d'une couleur gris-jaune, semblait un peu ramolli, surtout à sa face convexe. Reins sains. La vessie, petite, contractée, à parois épaisses, contenait très-peu d'urine. (Observ. communiquée à M. Devergie par M. Robert, agrégé.)

Cette observation est remarquable par la lenteur avec laquelle les effets du poison se sont déclarés, ce qui dépend probablement de l'état du sommeil, dont le malade ne fut retiré que par les douleurs vives, par l'impression locale du poison sur le tube intestinal. La durée prolongée de l'intoxication s'explique par l'état du poison, qui, ayant été pris à l'état solide ou plutôt en poudre assez grossière, ne se sera dissous que peu à peu ; par la persistance des vomissements et des selles qui auront entraîné au fur et à mesure la portion dissoute du poison. Mercurialis connaissait très-bien les effets funestes du sommeil dans les cas d'intoxication, aussi recommandait-il de ne pas laisser dormir les malades. On perd ainsi un temps précieux destiné à l'absorption du poison. Et probablement, le sujet de cette observation, eût été sauvé, si des vomissements s'étaient manifestés on avaient été provoqués immédiatement. Cette observation démontre, comme bien d'autres, combien les préparations arsenicales solides sont difficilement et compléte

ment expulsées du tube intestinal malgré les selles, les vomissements prolongés.

Les empoisonnements par les sulfures d'arsenic ne sont pas très-fréquents. Dans les Acta Germanica, il est question d'une femme qui succomba en quelques heures par du réalgar artificiel que la domestique avait introduit dans de la soupe aux choux. Valentin cite un cas semblable avec de l'orpiment. Gerber rapporte que presque tous les membres d'une famille furent intoxiqués par ce poison. Tous éprouvèrent un sentiment d'ardeur, d'érosion, des vomissements, des déjections et quelques-uns rendirent du sang par la bouche. Forestus parle d'une marchande de poissons qui, ayant pris 8 grammes (2 gros) d'orpiment dans du vin blanc, fut guérie par l'administration de l'huile et de la thériaque. Ardoyn a observé aussi l'intoxication par l'orpiment; et M. Lepelletier du Mans a fait l'autopsie légale de deux personnes qui avaient succombé à l'empoisonnement par le sulfure jaune d'arsenic.

G. Empoisonnement par l'arsenite de cuivre (voyez cuivre)

Rapports sur l'empoisonnement arsenical.

Le médecin expert, est bien plus souvent appelé à faire des rapports sur l'empoisonnement arsenical que sur les autres poisons pris dans leur ensemble. Cependant, dans beaucoup de cas, il n'a pas seulement à constater si l'intoxication est due à l'arsenic, mais par quel poison la mort a été produite. Ainsi posée, la question n'est pas facile à résoudre, car elle suppose la connaissance de tous les poisons et des manipulations à l'aide desquelles on peut les isoler des matières suspectes. Les personnes peu expérimentées éludent assez souvent cette question complexe, et dirigent plutôt leurs recherches dans le but seulement de démontrer la présence de l'arsenic. Comme elle est très-importante, nous nous réservons de la traiter dans l'empoisonnement en général, et, dans cet article, il sera seulement question des rapports sur l'empoisonnement arsenical. Afin d'abréger, nous donnerons un rapport modèle, offrant à la fois

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