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raux et ce poison Ces deux genres de poisons démontrent en outre que les théories exclusives sont bien peu en harmonie avec les faits, et que dans le traitement de l'empoisonnement par les poisons àcres ou irritants il importe d'avoir égard à la fois aux accidents locaux et généraux.

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Observation IX. Un homme de quarante-sept ans prit par erreur demi-cuillerée de sublimé dissous dans un petit verre d'eau-de-vie. En l'avalant, il éprouva une sensation très-pénible de brûlure dans la gorge et fut pris immédiatement de roideur de la mâchoire, de vomissements, de vives douleurs dans le ventre, suivies de selles sanglantes et de crampes. Le même soir, il survint de la salivation et l'inflammation de la bouche. De temps à autre, les douleurs abdominales devenaient extrêmes. Le malade ne fit rien pendant neuf jours. Il entra alors à l'hôpital; il se plaignait plutôt de faiblesse que de vives douleurs, si ce n'est dans la bouche. Gencives gonflées et saignantes; salivation considérable; l'haleine d'une fétidité mercurielle; pas de douleurs dans le ventre, même à la pression; pas de symptômes du côté des voies urinaires; pouls 96 pulsations, un peu faible. La figure annonce de l'abattement. Malgré un traitement actif, les forces du malade continuèrent à décliner. Il rendit plusieurs fois par la bouche des quantités considérables de sang, mais sans aucun effort de vomissement qui pût faire penser qu'il dût provenir de l'estomac. Il succomba le quatorzième jour.

Autopsie. Muqueuse buccale enflammée et ulcérée en quelques points; petite ulcération sur l'une des amygdales; quelques plaques irrégulières, brunes, mamelonnées au pharynx et à l'œsophage. L'estomac contenait 190 grammes de sang coagulé; à sa face postérieure et immédiatement au-dessous de l'orifice cardiaque, sa muqueuse ramollie, verdâtre, formait une escarre dont l'extrémité était flottante. Elle était d'une teinte rouge uniforme dans le reste de son étendue. Le duodenum paraissait sain, la muquense intestinale était uniformément rouge. A partir du cœecum, il y avait des plaques ecchymosiques, formant des tumeurs d'apparence hémorroïdale, qui devenaient plus nombreuses à mesure qu'on se rapprochait de l'anus. Beaucoup de sérosité dans le ventricule du cerveau et le tissu cellulaire sous-arach. noïdien. Rien dans la poitrine. Appareil génito-urinaire parfaitement sain.

Cette observation vient encore confirmer que les lésions du

tube intestinal sont longues à guérir, et que des désordres trèsmarqués de cet organe ont à peine une manifestation symptomatique. Si cet homme eût reçu les soins à temps et convenablement, il aurait été probablement sauvé. Il a succombé évidemment à l'épuisement occasionné soit par la salivation, soit par l'hémorragie passive, comme la malade de l'observ. VI. Il n'est pas rare, dans l'empoisonnement par le sublimé, que les autres intestins soient lésés sans le duodenum. La salivation s'est encore déclarée promptemeat comme dans les observ. V; elle était alors évidemment due à l'action directe du sublimé sur la muqueuse buccale. La fétidité de l'haleine ne paraît pas dépendre exclusivement de l'affection de la bouche, comme le démontre l'observation suivante.

Observation X. Le 27 février, un homme, de cinquante ans, prend 2 gram. (1/2 gros) de sublimé dissous dans un demi-litre d'eau: Immédiatement après, efforts de vomissements, sensation très-pénible de constriction à la gorge et de brûlure, avec difficulté d'avaler. Huile et sulfate de zinc, deux heures après l'accident. Vomissements continuels de matières mucoso-sanguinolentes; une selle de même nature; pouls à 120 pulsations, faible; langue blanche, humide; hoquet trèspénible. Vers le soir, les efforts de vomissements, la gêne de la déglutition diminuent. Le lendemain, évacuations abondantes par la bouche et par l'anus de matières bilieuses. Pouls faible, au-dessous de 100 pulsations; soif dévorante; depuis le moment de l'ingestion du sublimé le malade n'a pas uriné. Pas de sensibilité dans le ventre, si ce n'est à la région épigastrique, qui est un peu douloureuse à la pression. Les mêmes symptômes continuent jusqu'au 4 mars, et on remarque de plus en plus une grande fétidité de l'haleine; cependant lạ muqueuse buccale n'est pas enflammée; il n'y a pas de salivation. Il survient un engourdissement des bras et surtout des jambes, et le malade succombe le 5 mars. Pas d'autopsie.

Observation XI. Le 10 février 1843, à dix heures du matin, S. Wright, âgé de trente-huit ans, bien constitué, introduit dans sa bou che, 8 gram. de sublimé corrosif, en gros fragments, qu'il brise sous ses dents et l'avale, après quoi, il boit une pinte d'eau. Un médecin, appelé immédiatement, lui administre 4 œufs. Il survient des vomissements, et on trouve dans la cuvette un fragment de sublimé, du

volume de la moitié d'une noisette, que l'on suppose n'être pas sorti de la bouche. Le malade, reçu à l'hôpital Guy, offre l'état suivant : affaiblissement notable; extrémités froides; circulation à peine perceptible; respiration normale; gonflement de la langue et des lèvres; sentiment de constriction à l'œsophage; connaissance parfaite. On lui donne immédiatement plusieurs blancs d'œufs. A deux heures de l'après-midi, gonflement très-marqué et vive sensibilité des lèvres et "des gencives; salivation commençante; douleurs dans la direction de l'œsophage, et s'étendant jusqu'à l'estomac; mouvement de déglutition excessivement douloureux; plusieurs vomissements de matières jaunâtres, mêlées de sang; légères douleurs abdominales; spasmes des extrémités inférieures; genoux rapprochés du ventre; pouls petit, à peine perceptible; langue blanche et si gonflée qu'elle ne peut être sortie de la bouche; température de la peau élevée. Dans la journée le malade boit 2 pintes de lai et l'albumine de 24 œufs.

Le 11 février, pendant la nuit, plusieurs accès violents de hoquet, avec vive sensibilité à la région épigastrique; violente céphalalgie; déglutition plus difficile; lèvre inférieure considérablement enflée et excoriée sur le côté; pouls petit, filant, à peine perceptible; plusieurs vomissements et déjections verdâtres; pieds froids; coloration jaune générale de la peau. Le 12, même état, le gonflement des lèvres a un peu diminué. Le malade a vomi un peu de matières verdâtres, et rendu des selles de couleur foncée, mêlées de sang. Extrémités chaudes.

Le 13, déglutition un peu plus facile; sensation de brûlure dans l'œsophage; pouls comme la veille; pas une seule goutte d'urine, depuis son entrée; un peu de sommeil pendant la nuit; hoquet; pupilles extrêmement contractées; selles fréquentes et sanguinolentes ou mêlées de sang et de mucus; peu de douleurs abdominales; nausées persistantes; lèvres presque revenues à leur état normal; langue toujours aussi volumineuse et couverte d'une couenne blanche. A quatre heures après midi, délire; pouls petit, à peine perceptible. On est forcé d'attacher le malade. Le 14, à six heures du matin, respiration stertoreuse; état très-grave; paupière supérieure et lèvre inférieure pendantes. A midi, forte constriction de l'œsophage; parole impossible, quoique le malade conserve un peu sa connaissance; ni garde-robes, ni urines, depuis la veille au soir; respiration stertoreuse; mort à trois heures.

Autopsie (vingt-deux heures après la mort). Rigidité générale, sans

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traces de décomposition; une once de sérosité citrine dans le péritoine, qui est normal; plaque inflammatoire de l'étendue de la paume de la main sur la grande courbure de l'estomac, à quatre pouces du pylore. La muqueuse estomacale est fortement injectée et offre partout les signes d'inflammation, sans couleur ardoisée, comme cela s'observe souvent à la suite de cet empoisonnement; pas d'érosion, pas d'ulcération. Duodenum et jejunum à l'état normal. Muqueuse du tiers inférieur du lileum enflammée; plusieurs taches inflammatoires près du cœcum; forte inflammation des gros intestins, avec quelques petites ulcérations du diamètre d'un petit pois; foie volumineux et congestionné; sa vésicule contractée contient à peine de la bile. Rate ferme, congestionnée, de volume ordinaire; pancréas normal, reins idem, mais un peu rouges; la portion corticale présentait de petits points rouges; kyste séreux, de la grosseur d'une balle, à la face postérieure du rein droit. Vessie fortement contractée; sa muqueuse un peu injectée; environ demi-once d'urine trouble, Rougeur prononcée de la muqueuse œsophagienne sans autre altération. Poumons démateux, fermes, lourds; œdème inflammatoire à la base du droit. La muqueuse bronchique, enflammée dans toute son étendue, renfermait beaucoup de mucus écumeux ; léger développement des glandes bronchiques. Une once et demi d'un liquide de couleur de paille dans le péricarde. Cœur plus petit que d'habitude, sans autre altération.

Analyse. 1° Les matières de l'estomac, formées d'un liquide trouble mêlé de mucus, de bile et de sang, pesaient en tout 164 gram., et ne contenaient pas de sublimé à l'état solide. Un fil d'or et de zinc plongés, pendant plusieurs heures, dans ce liquide, préalablement acidulé par l'acide hydrochlorique, n'a donné aucune réaction mercurielle. Il en a été de même avec le décocté, après une immersion de vingtquatre heures, ainsi qu'avec le décocté du tube intestinal, obtenu en faisant bouillir cet organe dans l'eau acidulée par l'acide azotique. L'acide avait été préalablement saturé avant l'immersion des fils métalliques. Le sang, la rate, les liquides du péricarde et du péritoine ont aussi donné des résultats négatifs par le même procédé. Cependant, d'après M. Alfred Taylor, auteur de cette observation, on peut ainsi déceler 144° de grain de sublimé dans 4 gram. d'eau ou dans plus de 8,000 fois de ce liquide. Cet auteur ajoute que si ce fait se fût rattaché à une question de médecine légale, il cût été difficile de conclure par les résultats analytiques et par les altérations pathologiques, qui n'ont offert rien de particulier. (Gazette méd., 1814.)

Réflexions. Il est à remarquer que, dans la plupart des observations citées, le hoquet s'est manifesté et a persisté trèslongtemps, mais avec bien moins d'intensité que dans celle-ci. Ce symptôme, plus rare et bien moins tenace dans les autres empoisonnements minéraux, dépend probablement de ce que les lésions du pharynx, de l'œsophage sont fréquentes dans cette espèce d'intoxication. Notons aussi la coloration jaune de la peau, effet qui s'observe bien plus fréquemment dans l'empoisonnement par le cuivre et le plomb. Il y a eu délire, perte momentanée de connaissance, symptômes assez rares. La prompte salivation, les désordres graves de la bouche, la difficulté de déglutition s'expliquent par le mode d'administration du poison.

Effets spéciaux des mercuriaux.

Les personnes qui, par état, travaillent le mercure, sont exposées accidentellement à ses vapeurs, peuvent contracter une affection spéciale de la bouche, la salivation, à laquelle s'ajoutent quelquefois un état cachectique, des tremblements, la paralysie, etc. Ces derniers ordres d'effets, qui indiquent aussi une modification particulière du sang, de l'assimilation et de l'innervation, ne coïncident pas toujours avec la salivation, n'offrent pas comme elle, le cachet aussi caractéristique de l'infection mercurielle. Le ptyalisme, et, plus rarement les accidents nerveux, peuvent aussi se manifester par l'emploi des mercuriaux à l'extérieur et à l'intérieur. Il est plus ou moins prompt à se développer selon les idiosyncrasies, les âges, les tempéraments, l'espèce de préparation, les soins de propreté, l'aération, la température, etc. Des personnes salivent avec quelques frictions mercurielles, par quelques centigr. de proto-chlorure. Peu y sont réfractaires. D'après Bernard de Jussieu, des ouvriers qui travaillent aux mines de mercure, seraient presque les seuls affectés, ceux qui y séjournent, qui n'ont pas les soins hygiéniques convenables. Les enfants y sont plus disposés que les adultes, les femmes que les hommes. Une femme eut une salivation abondante, en assistant son mari, pendant qu'on le frictionnait dans une étuve avec l'onguent

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