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de faire voile pour Gibraltar, de voyager ainsi avec la cause du mal, dans la même atmosphère, il eût été plus convenable de mettre l'équipage à terre, le temps nécessaire pour l'évaporation du mercure, qu'on aurait pu d'ailleurs accélérer par des moyens

connus.

Plusieurs faits attestent que les objets imprégnés de mercure ne s'en dépouillent qu'après un temps assez long et peuvent vicier l'atmosphère. A Hermbsaed, plusieurs commis furent atteints de salivation, dans une salle qui avait servi à mettre les glaces au tain et avait été ensuite transformée en comptoir. Le grattage des salles des syphilitiques donnerait du mercure métallique, et les élèves, par leur séjour, pourraient y contracter la salivation (Colson). Les accidents mercuriels arrivent quelquefois par inadvertance. Toute une famille était, malade et attaquée de salivation sans en connaître la cause; on se souvint qu'un baromètre s'était cassé, qu'on avait mis le mercure dans une assiette, et que celle-ci avait été oubliée et déposée sur une armoire. On jeta l'assiette et le mal disparut. L'influence des vapeurs mercurielles peut se manifester à une grande distance. En 1803, l'incendie des mines d'Idria occasiónna les accidents mercuriels, des tremblements nerveux à plus de neuf cents habitants des environs dans un rayon de 6 lienes. Assez souvent le médecin est appelé pour constater ou traiter les accidents occasionnés par les vapeurs mercurielles, chez des familles entières, habitant un étage supérieur à celui où est volatilisé le mercure

Observation XIV. M. Berthier est appelé pour donner des soins à un nommé Salomon, âgé de quarante-quatre ans, ouvrier en casquettes, rue Saint-Avoie, n° 42, à sa femme, âgée de trente-six ans, et à leur enfant, âgé de huit ans. Le père avait les lèvres et les gencives gonflées. La tête de la femme était d'un volume extraordinaire; sa lèvre supérieure touchait presque les narines. La lèvre inférieure descendait sur le menton; les gencives recouvraient presque entièrement les dents; elle ne pouvait ouvrir la bouche. L'enfant était dans le même état, mais plus malade. Cette famille, antérieurement bien portante, habitait ce logement depuis trois semaines. Depuis huit jours seulement ils

avaient éprouvé du malaise, une abondante salivation. Une ouvrière qui travaillait chez eux, pendant le jour, avait aussi été prise d'une salivation abondante.

Les recherches apprirent à M. Berthier qu'à l'étage inférieur logeait un doreur sur métaux. Il pensa que le mercure volatilisé et pénétrant par la croisée pouvait bien être la cause de ces accidents, les malades d'ailleurs n'ayant subi aucun traitement mercuriel. Ce qui le confirma dans cette opinion, c'est que la croisée était souvent ouverte dans la journée. Il conscilla à ces malades de quitter le logement. Il fit part de ces accidents à M. Darcet et se rendit le lendemain avec lui chez ces malades. Ils étaient dans l'état le plus déplorable. L'enfant avait perdu quatre dents. Ils se transportèrent ensuite dans le logement où s'étaient déclarés les accidents. Il se composait d'une chambre avec cheminée, éclairée par une croisée donnant sur la cour. Au milieu de la chambre était un poêle dont le tuyau aboutissait au conduit de la cheminée. Ce lieu avait une odeur infecte. Ils descendirent ensuite chez le doreur. Les fourneaux étaient bien établis. Le conduit qui passait par l'étage supérieur était le même que celui de la cheminée de Salomon, de telle sorte que, les matières mercurielles étant chauffées dans ce fourneau, le mercure volatilisé se rendait dans la cheminée de Salomon et de là dans le tuyau de son poêle qui lui faisait appel; condensé dans le tuyau et dans le poêle, le mercure se volatilisait de nouveau lorsque le poêle était allumé, et les vapeurs répandues dans la chambre produisaient les accidents indiqués. Un morceau d'or, frotté contre les parois du poêle, s'est de suite argenté.

Les faits de ce genre ne sont pas rares et donnent assez sóúvent lieu à des expertises légales. Quoique, dans la majorité des cas, les accidents portent en quelque sorte leur cachet spécia!, la cause ou plutôt le foyer d'infection n'est pas toujours aussi facile à démontrer.'

Observation XV. En novembre 1834, quatre personnes viennent habiter le quatrième étage d'une maison; elles y étaient à peine depuis huit jours qu'elles furent prises de malaise, suivi d'une salivation abondante avec gonflement de gencives et de toute la bouche. La mère et l'enfant, plus gravement affectés, perdirent leurs dents. Il était impossible de méconnaître les effets du mercure. Un doreur en cuivre était établi, depuis trois ans, au troisième étage. Les fourneaux tiraient bien et les vapeurs mercurielles étaient dirigées dans une cheminée accolée à

celle de l'étage supérieur et perdues dans l'épaisseur du mur. Pendant quatre ans trois familles avaient successivement occupé le quatrième étage, et il ne s'était élevé aucune plainte. Gcs accidents ne peuvent s'expliquer que par des crevasses survenues accidentellement aux cheminées et au mur, qui ont douné accès aux vapeurs mereurielles dans la pièce du quatrième étage.

Les accidents nerveux, le tremblement, la paralysie sont bien plus fréquents chez les personnes qui, par état, sont constamment exposées aux vapeurs mercurielles, les mineurs, les doreurs, les miroitiers, etc. Ces accidents, comme le remarque M. Merat, à qui nous empruntons la plupart des détails qui vont suivre, peuvent coïncider ou non avec la salivation. Un homme qui dorait depuis le matin jusqu'au soir dans une chambre assez vaste, mais basse, où il couchait avec sa famille, eut, à trois reprises différentes, plusieurs ulcérations de la bouche, avec fétidité de l'haleine, difficulté d'avaler et de parler, accidents dont il se débarrassa chaque fois par l'interruption de son travail et les remèdes appropriés A ces symptômes se joignirent ensuite des tremblements d'abord des mains, puis de tout le corps. Agité de mouvements convulsifs continuels, il ne pouvait ni marcher ni parler, on était obligé de porter les aliments à sa bouche. La déglutition était convulsive, suffocante. Au bout de cinq à six mois de traitement par un empirique, il se trouvait beaucoup mieux ; mais il était d'une telle sensibilité que le bruit d'une voiture le faisait tressaillir. Ayant repris son travail, malgré les précautions qu'il prit son tremblement augmenta et se fixa dans les mains. Étant dans l'habitude de s'enivrer, il remarqua que, dans cet état, il tenait son verre sans le renverser, ce qui lui était impossible lorsqu'il n'était pas soûl, fait qu'il dit avoir constaté chez plusieurs de ses confrères. Enfin, en ayant la précaution de ne travailler que fort peu, d'établir un courant d'air pour donner issue aux vapeurs mercurielles, il vécut ainsi pendant trois ou quatre ans, avec un tremblement de mains, un bégaiement insupportables, et succomba accidentellement trois ans après. Sa femme éprouva les mêmes symtômes quoique moins graves, eut un ptyalisme continuel qui la

réduisit à l'état de marasme, devint asthmatique, avec ràle continuel, sans crachat, ni toux. Elle ne pouvait ni marcher, ni se pencher sans crainte de suffocation, et succomba un an après de cette affreuse maladie. (Ramazzini.)

Les moyens prophylactiques, chez les personnes exposées aux vapeurs mercurielles, consistent dans une bonne ventilation, le renouvellement de l'air, dans les soins de propreté, le changement des vêtements au sortir de l'atelier, qui doit ne pas être humide; à ne pas prolonger trop longtemps le travail; enfin dans l'usage d'une alimentation tonique. On prévient la salivation en cautérisant les gencives, quand elles commencent à s'affecter, avec l'acide chlorhydrique. Lorsqu'elle est déclarée, l'emploi des gargarismes émollients, légèrement acidulés, est convenable, si la muqueuse buccale est douloureuse. On les remplace ensuite par des gargarismes astringents ou détersifs aussi acidulés avec l'acide chiorhydrique. On cautérise les ulcérations avec un pinceau imbibé de cet acide pur ou d'alun incorporé dans du miel rosat. Il faut entretenir la liberté du ventre par les laxatifs ou sels neutres, donnés par petites quantités. Si enfin la salivation persiste, malgré la disparition de l'affection buccale, on donne, à l'intérieur, les astringents associés à l'opium. M. Brachet a combattu des ptyalisines, qui duraient depuis très-longtemps, par des pilules composées d'acétate de plomb et d'extrait d'opium. A cette période de la maladie, les sudorifiques altérants, les fumigations sèches nous paraissent convenables. Les éruptions cutanées seront combattues par les bains émollients, gélatineux, par des eml:rocations huilenses ou avec le liniment oléo-calcaire. Quant aux accidents nerveux, les opiacés, les sudorifiques, les toniques amers, sont recommandés. Peut-être conviendrait-il d'employer les strychnées, les bains sulfureux. L'électricité, indiquée par Dehaen, a été appliquée avec succès dans plusieurs cas, par Sigaud Lafon et Gardanne. Dietrich considère les préparations auriferes comme les agents les plus efficaces pour combattre les accidents chroniques, la cachexie mercurielle. Les ferrugineux, d'après lui et Horn, aggraveraient les accidents. Nous n'avons

pas besoin de faire remarquer que le traitement médical doit être secondé par le régime hygiénique : habitation dans un lieu un peu élevé, sec et chaud; vêtements secs ou de flanelle sur la peau, souvent renouvelés; un exercice convenable quand il est possible; une alimentation tonique, succulente et graduée selon l'état de la bouche, les forces du malade, etc. Tel est enfin le traitement qui nous paraît le plus convenable, en laissant à la sagacité du médecin l'opportunité de l'application de ces divers agents thérapeutiques.

EMPOISONNEMENT PAR LES PRÉPARATIONS CUIVREUSES.

Très-importantes à connaître, non qu'elles soient fréquemment employées comme poisons, mais parce qu'étant usitées dans les arts, servant d'ustensiles de cuisine, elles deviennent, assez souvent, la cause des accidents graves ou mortels. Le cuivre, les oxydes, les carbonates, les acétales, l'arsénite, le sulfate doivent nous occuper spécialement.

CUIVRE. Métal rougeâtre, brillant, ductile, rayable par les corps durs, d'une odeur particulière lorsqu'il est frotté. Fusible à 27o pyromet. Sa densité est de 8,788. 1o Il se dissout à froid dans l'acide azotique avec dégagement de vapeurs nitreuses; le soluté ou azotate de cuivre est verdâtre et offre les réactions des sels de cuivre. 2o Immergé dans un flacon complétement rempli d'ammoniaque et hermétiquement fermé, il s'y dissout en partie, forme de l'ammoniure de cuivre incolore, qui se colore en bleu au contact de l'air, en passant à l'état d'ammoniure de bi-oxyde.

Le cuivre conserve son éclat à l'air sec, dans l'eau distillée et l'eau ordinaire, lorsqu'il est complétement immergé dans ces liquides; il brunit à l'air humide, et, s'il est mouillé, passe à l'état de bi-oxyde carbonaté (verdet naturel). Les vases en cuivre, bien décapés, dans lesquels ont fait bouillir de l'eau, du lait, du café, du thé, de la bière, et même des matières grasses ou acides, ne seraient point attaqués, d'après quelques auteurs. Cependant, 2500 gram. de vin blanc, porté à l'ébul

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