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prodromiques apparaissent rarement et sont plus ou moins prononcés chez le même individu.

Invasion de la maladie. L'affection saturnine siége principalement sur le système nerveux de la vie organique et de relation, et comme la colique est le symptôme prédominant ou plutôt le plus fréquent, les auteurs ont désigné cette maladie sous les noms de colique de plomb ou saturnine, des peintres, de Poitou, de Madrid, de Dewonshire, de colique végétale, selon la cause présumée, les individus qui en sont atteints, les pays où on l'a observée, etc. M. Tanquerel des Planches admet que l'affection saturnine a quatre manifestations spéciales et, d'après son siége ou la partie du système nerveux affectée, son mode de manifestation, il établit quatre formes distinctes: 1o la colique saturnine, si c'est le système nerveux abdominal; 2o l'anthralgie et la paralysie saturnine, si c'est le système nerveux de la vie de relation : dans le premier cas il y a douleur, exaltation de la sensibilité; dans le second, perte du mouveinent ou du sentiment; 3° l'encéphalopathie saturnine, lorsque c'est l'encéphale avec perte, trouble de l'intelligence, etc. De ces quatre formes, qui, d'après le même auteur, diffèrent dans leur physionomie, leur marche, leur durée, leur traitement, etc., la forme colique est la plus fréquente. Sur vingt-trois individus, douze seraient atteints de coliques, huit d'anthralgie, deux de paralysie, un d'encéphalopathie. Elle se montre rarement seule; assez souvent elle précède ou complique les autres; cependant chacune de ces affections peut ouvrir la scène, la fermer, ou exister séparément; et quoique les individus soient exposés aux mêmes influences, les uns contractent la colique, ceux-ci l'anthralgie, ceux-la l'encéphalopathie ou la paralysie. Cette dernière seule aurait une marche chronique. A l'exemple de M. Tanquerel, nous décrirons chacune de ces formes séparément.

A. COLIQUE SATURNINE. L'invasion en est quelquefois brusque, mais le plus souvent elle est précédée d'un poids à l'épigastre, de douleurs sourdes, fugaces dans le ventre, augmentant après le repas; par des nausées, des borborygmes, des éructations.

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L'appétit diminue, disparaît même; les matières fécales deviennent globuleuses, noirâtres ou jaunâtres, et les selles moins fréquentes. L'excrétion urinaire est plus difficile, même douloureuse. Cet état prodromique peut durer plusieurs jours, des semaines, des mois, pendant lesquels les ouvriers continuent leur travail, surtout si ces symptômes sont intermittents. Enfin, les douleurs acquièrent brusquement plus d'intensité, reviennent à des intervalles plus rapprochés et la colique se déclare. Rarement elle est précédée de diarrhée.

La colique peut siéger à la fois ou séparément sur les diverses régions abdominales, d'où elle s'irradie aux autres parties. C'est surtout aux région's correspondantes aux plexus du grand symphatique, et, dans l'ordre de sa plus grande fréquence, à l'ombilic, à l'épigastre, et plus rarement à la région rénale, hypocondriaque, aux flancs, aux fosses iliaques, aux testicules; par conséquent les symptômes accessoires différeront selon la région affectée. Les caractères spéciaux de la colique sont surtout: 10 la douleur; 20 la constipation; 3o la rétraction et la dureté du ventre; 40 les nausées, les vomissements, le hoquet, etc.

La douleur, symptôme le plus caractéristique, est violente, et consiste dans un sentiment de tortillement, de dilacération, d'arrachement, de brûlure, de térébration compres sive; elle se manifeste par accès, pendant lesquels le malade s'a-" gite, pousse des cris aigus, des gémissements. Le facies est déçomposé, les traits sont grippés, les yeux ternes, égarés; le patient prend des attitudes bizarres dans le but de soulager sa douleur, se couche sur le ventre, le couvre de ses oreillers, se le fait même comprimer par ses camarades; en effet, dans la plupart des cas, une pression graduée, avec le plat de la main, calme ordinairement la douleur. Si la colique siége à la région rénale, à l'hypogastre, le maladé éprouve une sensation de resserrement vers le col de la vessie, et l'introduction d'une sonde est difficile; il fait des efforts impuissants pour uriner, ou n'urine que par secousses, le pénis est contracté. Si c'est aux testicules, ces organes sont rapprochés de l'aine; si c'est à l'épigastre, les nau

sées, les vomissements, sont plus fréquents, la respiration est gênée; il y a sensation de constriction, de resserrement à la région précordiale, à la poitrine, et quelquefois, chez les femmes, les mamelles deviennent douloureuses.

Constipation. Elle est, après la colique, le symptôme le plus fréquent, et très-opiniâtre dans les coliques violentes. Les matières, rendues avec beaucoup de difficultés, même sous l'influence des purgatifs, sont sèches, dures, jaunes ou noires, analogues à des crottins de chèvre, mêlées à peu de liquides.

Retraction et dureté du ventre. Sur la moitié au moins des malades, le ventre est dur, rétracté, comme contracté sur le rachis, tantôt d'une manière uniforme, tantôt inégalement ou par parties, alors on distingue des bosselures roulantes sous les doigts, dues à des gaz. Il y a quelquefois un ténesme douloureux vers l'anus. Celui-ci, pendant l'accès, est enfoncé, contracté. Le doigt n'y peut pénétrer que difficilement; il est serré comme par un étau. Il en est de même des parois réctales; cependant, d'après M. Piorry, qui considère la colique comme une paralysie partielle des intestins, l'introduction du doigt serait facile et même soulagerait en facilitant la sortie des gaz.

Nausées, hoquet, vomissements. Les nausées, plus frẻquentes que les vomissements, les précèdent presque toujours. Ceux-ci s'observent chez les trois quarts des malades, et surtout lorsque la colique siége à l'épigastre. Les matières vomies sont vertes, porracées, visqueuses, d'une amertume extrême, d'une odeur très-fétide, rarenient sanguinolentes. Le hoquet existé chez le douzième des malades environ et concorde pres- que toujours avec les vomissements, les coliques intenses, ainsi qu'avec des rots ou l'expulsion des gaz par la bouche, qui soulagent les malades, et sont doués d'une saveur amère, fétide, styptique. La salive, ordinairement alcaline, comme dans l'état de santé, ne paraît pas être augmentée. La soif est commu nément assez vive. Il y a inappétence; les aliments les aliments aggravent le plus souvent le mal.

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Marche, durée, terminaison, siége, complications. La

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colique saturnine se manifeste par accès de la durée de quelques minutes, de quelques heures, d'un jour. Pendant l'accès, le malade est dans une grande agitation, une grande anxiété, la respiration est accélérée, pénible, bruyante, suspirieuse, suffocante, costale, surtout lorsque la colique est épigastrique. La voix est ordinairement étouffée, entrecoupée, le pouls dur, vibrant, lent, de trente à soixante pulsations, irrégulier, rémittent, dicrote. La température du corps n'est pas ordinairement modifiée. Quelques malades se plaignent de froid, d'autres de chaleur. Les fortes paraissent anéanties ou plutôt opprimées, le facies est décomposé, grippé. Les yeux sont cernés, égarés. Le patient s'effraie sur son sort. Il y a insomnie. Les accès cessent graduellement, et, dans les rémittences, le malade est comme brisé, anéanti, ressent encore quelques pincements, des contractions dans l'abdomen. Plus l'accès a été violent, plus l'intermittence est marquée. La gravité et le siége de la colique peuvent varier à chaque accès. En général, ceux-ci sont plus violents la nuit que le jour.

La colique saturnine n'a pas de marche régulière, elle va par bonds, par sauts. Son siége, son intensité, sa durée aussi sont très-variables; elle n'est point grave et peut même cesser soit spontanément en deux, trois, sept, huit jours, soit par la soustraction de la cause, soit par un traitement approprié. Sur les divers cas de colique simple, M. Tanquerel n'en a observé qu'un seul de mortel, malgré les divers traitements employés. Le malade a succombé dans un état de cachexie métallique, de consomption douloureuse. La maladie dura trois mois. Dans tous les autres cas mortels, la colique s'est presque toujours compliquée de paralysie, d'encéphalopathie ou autre affection étrangère au plomb. La mortalité, en ces cas, a été de un sur quarante. La douleur est le premier symptôme qui apparaît; la constipation, la dureté, la rétraction du ventre, les éructations, le hoquet, les nausées, les vomissements se montrent ensuite. Après la cessation de la douleur, les autres symptômes disparaissent rapidement, les fonctions reprennent leur état normal, leur marche régulière, les malades demandent

à manger avec opiniâtreté, enfin la digestion reprend bientôt son énergie. D'après son siége, la colique est dite ombilicale, épigastrique, rénale, etc.; d'après son intensité, sa durée, légère, modérée, violente, aiguë, chronique. Elle peut se compliquer de gastrite, d'ictère, de dyssenterie, de péritonite, de hèvre typhoïde, et enfiu des autres formes saturnines. Sur un relevé de mille deux cent dix-sept cas, elle a coïncidé cinq cent vingt-cinq fois avec l'anthralgie, quarante-quatre avec la paralysie et trente-cinq avec l'encéphalopathie.

Diagnostic différentiel. La colique saturnine peut être confondue avec toute autre colique métallique, la mercurielle, l'arsenicale, et surtout avec la colique de cuivre. Celle-ci, d'après M. Tanquerel des Planches, s'en distingue aux caractères suivants. La douleur embrasse tout le ventre et ne s'étend pas au delà; elle est continue, exacerbante, augmente par la pression; le ventre est plus volumineux, non contracté; il y a diarrhée, les selles sont verdâtres, fréquentes, répétées avec épreintes. Le goût cuivreux se manifeste quelquefois, l'haleine n'est point fétide. Sa marche est plus régulière, plus successive; elle n'offre pas enfin le cachet particulier de la colique de plomb, ne s'accompagne pas de névralgie, de cystalgie. Cepen dant M. Blandet, qui, tout récemment, a observé plusieurs coliques de cuivre, dit que d'abord la colique est assez violente pour obliger les malades de se courber en deux, de se serrer le ventre avec les mains; qu'elle présente des exacerbations et des rémissions, se montre par accès de une, deux, trois heures et plus; qu'il y a tantôt constipation, tantôt diari hée, et presque toujours céphalalgie assez vive, de la courbature, des nausées, des vomissements bilieux, des évacuations verdâtres et quelquefois sanguinolentes, offrant les réactions du cuivre à l'analyse. La fièvre est rare. D'après cet auteur, elle offrirait donc plus d'analogie symptomatique avec la colique de plomb que ne semblerait l'admettre M. Tanquerel. La colique cuivreuse se déclare chez les ouvriers qui manient ou travaillent le cuivre, les fondeurs, les tourneurs, les chaudronniers, etc., surtout quand ils n'ont pas les soins de propreté convenables.

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