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Ce régime avait été souvent attaqué comme pesant sur le travail et l'industrie auxquels il ôtait toute leur liberté. Les états généraux de 1614 en avaient fait l'objet de leurs remontrances; Colbert l'avait condamné dans son testament politique; Turgot l'avait signalé en 1776 à l'indignation publique, et plusieurs villes en avaient secoué le joug. Déjà les lettres patentes du 5 mai 1779 avaient eu pour résultat d'abolir l'usage de l'estampille officielle et de la faire remplacer par la libre marque de fabrique, lorsque l'abolition des maîtrises et jurandes en 1791 vint abroger les anciens rè– glements et rendre toute leur liberté au commerce et à l'industrie.

Malheureusement cette liberté sans frein et sans règles, succédant à cette règlementation excessive, fut encore plus nuisible à l'industrie que l'oppression dont elle venait de se dégager; et comme le disait M. Ch. Dupin en 1845 à la chambre des pairs, l'industrie fut menacée de passer par la licence, d'un travail sans liberté à une liberté sans travail.

Personne n'osa cependant se plaindre ouvertement sous le comité du Salut public, ni la Convention. Aux derniers jours du Directoire, on trouve une pétition de certains fabricants de coutellerie et de quincaillerie demandant une garantie pour leurs marques particulières, recommandée au Pouvoir exécutif par le Conseil des Cinq-Cents.

L'arrêté du 23 ventôse an Ix fit droit à ce renvoi. L'arrêté du 7 germinal an x donna ensuite un titre et une marque à une manufacture d'Orléans.

Un an plus tard était promulguée la loi du 22 germinal an x sur la police des manufactures; cette loi, œuvre de Chaptal, assura à tout fabricant la propriété de sa marque.

Le décret du 16 juin 1809 sur les prud'hommes les chargea de veiller à la conservation des marques de fabrique.

Diverses lois spéciales à des industries particulières ont été ensuite promulguées sur la matière.

Les peines sévères, que la loi du 22 germinal an XI avait portées contre les contrefacteurs, ont été successivement adoucies et réduites par les lois postérieures.

Enfin, en 1845, un projet de loi sur les marques de fabrique fut présenté à la chambre des Pairs; mais ce projet n'ayant pas abouti, il fallait, pour connaitre la législation, combiner les diverses dispositions disséminées dans les lois promulguées depuis la loi du 19 brumaire an vII sur les ouvrages d'or et d'argent jusqu'à l'ordonnance du 3 avril 1836 sur la marque des tulles. Le grand nombre de ces documents, dont la plupart remontent déjà bien loin et ont vieilli, donnait naissance à des difficultés d'application que le gouvernement a voulu faire disparaitre en reprenant le travail abandonné en 1848, et le Corps législatif a été investi dans la séance du 2 avril 1856 d'un projet de loi sur les marques de fabrique et de commerce précédemment délibéré et adopté par le conseil d'Etat. C'est ce document qui servira de base à notre exposé.

Des marques de fabrique.

On entend par marques de fabrique certains signes emblématiques adoptés par un industriel ou un négociant pour faire reconnaitre l'origine, la provenance et la nature de ses marchandises.

Les marques imposées jadis par le gouvernement, ou concédées par lui à titre de privilége, en reprenant dans la législation moderne leur véritable caractère, sont destinées à sauvegarder la propriété industrielle et commerciale. Le droit d'apposer son nom, son signe, sa marque distinctive sur les produits de son travail, disait M. Cunin-Gridanne, à la chambre des pairs en 1845, est la conséquence nécessaire du droit de travailler. L'exercice de ce droit, qui d'ailleurs est une puissante garantie pour sauvegarder le travail du producteur, est d'une utilité incontestable pour l'acheteur, qu'il préserve des fraudes et des sophistications.

La législation sur les marques est distincte de celle sur les noms des fabricants et sur les étiquettes non adhérentes aux objets fabriqués eux-mêmes.

La marque est tout signe particulier incorporé ou adhérent au produit (Cass. 22 janv. 1807). Ce signe ne peut consister dans l'indication seule du nom du fabricant; toutefois la marque ne perd pas ce caractère par cela seul que le nom du fabricant serait porté dans une partie des lignes qui la composent.

La marque doit être adhérente aux produits, de telle

manière qu'elle ne puisse pas en être détachée pour être appliquée sur un autre produit. Cette adhérence s'obtient de diverses manières, suivant la nature de l'objet manufacturé. Elle est placée là où le fabricant le juge convenable.

Elle doit être assez distincte des autres marques pour qu'elle ne puisse être confondue avec elles (D. 20 fév. 1810, art. 5).

Marques obligatoires et facultatives.

Bien que, après la révolution de 1790, les dispositions législatives qui ont été édictées concernant les marques de fabrique aient eu pour but principal de sauvegarder le travail de chacun en consacrant la propriété des signes distinctifs de la provenance de ce travail et qu'on n'ait pas voulu faire revivre les dispositions si peu libérales de l'ancien droit concernant l'industrie et le commerce, la législation moderne avait cependant admis en dehors des règles générales sur les marques de fabrique, de certaines règles particulières pour diverses industries qui, dans certains cas, sanctionnaient des marques spéciales facultatives et qui dans d'autres imposaient des marques spéciales obligatoires.

C'est ainsi qu'un décret du 5 septembre 1810 prévenait et réprimait les contrefaçons des marques que les fabricants de quincaillerie et de coutellerie étaient autorisés à mettre sur leurs ouvrages.

Le décret du 22 décembre 1812 était plus particulièrement applicable aux contrefacteurs des marques spé

ciales de fabrique accordées à certaines villes pour leurs produits en drap.

Un autre décret sous la même date punissait ceux qui hors de Marseille usurpaient la marque concédée à cette ville pour ses savons à l'huile d'olive.

Parmi les actes qui, dans un intérêt public, industriel ou fiscal, avaient imposé aux fabricants l'obligation d'apposer des marques sur leurs produits, citons :

Le décret du 1er avril 1811 relatif à la marque que doivent porter les savons;

Le décret du 22 décembre 1812 sur la fabrication des draps;

Le décret du 20 floréal an XHг sur les étoffes de soie, or et argent, croisés, satins, taffetas brochés ou lisérés, velours, toiles d'or et d'argent tant pleins que figurés, quelque dénomination qu'on puisse leur donner, fabriqués avec or et argent fin ou mi-fin;

Le décret du 30 floréal an XIII sur la fabrication des velours;

La loi du 28 avril 1816 concernant les cotons filés, les tissus et tricots de coton et de laine;

L'ordonnance du 3 avril 1836 sur les tissus de coton. Les décrets des 9 février 1810 et 4 prairial an XIII concernant les fabricants de cartes à jouer.

Je m'abstiens d'indiquer la loi du 19 brumaire an vi sur les empreintes et poinçons que doivent porter les ouvrages d'or et d'argent. Ce sont là non des marques de fabrique, mais bien des empreintes apposées par l'administration de la garantie des matières d'or et d'argent sur les produits de tous les fabricants de ces objets,

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