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l'ouvrier, ou si l'entreprise est tellement considérable qu'exécutable par l'ouvrier seul elle doive absorber sa vie entière, les juges, souverains appréciateurs de la limite qui sépare l'abus de l'usage légitime, pourraient rompre de tels engagements.

On a soutenu que si l'ouvrier ne pouvait engager ses services qu'à temps, le patron pouvait au contraire s'engager valablement à le garder toute sa vie ; on a dit également que si l'ouvrier s'engageait pour un temps indéterminé, lui seul pouvait demander la nullité de cet engagement et nullement le patron. Cette opinion n'est pas admise par la majorité des auteurs et des cours qui se refusent à voir dans un contrat synallagmatique une obligation qui, fixe et invariable pour l'une des parties contractantes, pourrait être rompue par l'autre à sa volonté. Nous sommes assez porté à nous ranger à ce dernier avis; ajoutons que lorsqu'une des parties demande la nullité d'un pareil engagement, elle ne pourra être condamnée à des dommages-intérêts, car elle ne fait qu'user du droit légitime que lui donne la loi de recouvrer une liberté qui était inaliénable.

Les ouvriers des manufactures, fabriques et ateliers sont encore sous l'application de la loi du 22 germinal an XI, d'après laquelle leur engagement ne peut excéder un an, à moins qu'ils ne soient contre-maîtres, conducteurs des autres ouvriers, ou qu'ils n'aient un traitement et des conditions stipulées dans un acte exprès.

L'ouvrier qui ayant loué ses services à temps quitterait son maitre avant l'époque convenue pour s'engager volontairement dans les armées, se marier, s'établir

comme patron, ou pour tout autre motif de cette nature, dérivant de ses convenances personnelles, pourrait être condamné à des dommages-intérêts envers son patron.

L'arrêt du conseil du 27 décembre 1729 punit d'une amende de 300 fr. applicable moitié au profit de l'hôpital le plus voisin, moitié au profit du patron, les ouvriers des forges et fourneaux faisant œuvre de fer qui abandonneront le service et le travail desdits fourneaux lorsqu'ils seront en feu, jusqu'à ce qu'ils aient été mis hors par les maîtres d'iceux. Ce règlement est encore en vigueur (Bourges, 21 déc. 1837 et 23 août 1839).

Si le contrat prenait fin avant le temps fixé pour son terme par la faute du patron, c'est ce dernier qui encourrait des dommages-intérêts au profit de l'ouvrier. Si un dédit avait été stipulé en cas de rupture de l'engagement, il serait dû alors même qu'un incendie aurait été la cause de la cessation de la fabrication, s'il avait été stipulé payable en cas de résiliation pour cause autre que la mort du patron; alors surtout que la fabrique ayant été assurée, le paiement de l'assurance mettrait le patron à même de réparer les dégâts commis par l'incendie (Paris, 10 mai 1854).

Lorsque le temps fixé pour la durée de l'engagement est expiré, il peut recommencer par tacite reconduction et dans ce cas, c'est d'après l'usage des lieux qu'on doit fixer sa nouvelle durée.

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Lorsque les engagements des ouvriers se forment par écrit, on doit s'en rapporter pour la fixation du prix de

louage, s'il est stipulé dans le contrat, aux énonciations de ce contrat qui fait la loi des parties. Si ce prix n'est point stipulé dans un acte, mais qu'il soit cependant convenu, il doit être également respecté. Dans ces cas, les tribunaux ne peuvent l'augmenter sous prétexte qu'étant insuffisant, la convention serait contraire à l'ordre public (cass. 20 déc. 1852 et 12 dée. 1853).

Dans le cas où les engagements sont contractés verbalement, comment constater la quotité des gages si elle est contestée? La preuve testimoniale est longue et couteuse; elle peut présenter, surtout en ces matières, beaucoup d'inconvénients; le législateur de 1804, suivant la pratique de l'ancienne jurisprudence, a décidé qu'en pareil cas le maître serait cru sur son affirmation (C. N., art. 1781), à serment.

Quelques-uns ont voulu distinguer, suivant que le patron était demandeur ou défendeur, et ils n'appliquent la règle précédente que dans ce dernier cas. Cette distinction ne résulte pas de la loi; elle a été repoussée dans un cas où un fabricant demandait la restitution des à-comptes qu'il avait payés par anticipation à un ouvrier qui l'avait quitté avant l'expiration du terme convenu (cass. 21 mars 1827).

Toutefois, la règle que nous posons relativement à la portée de l'affirmation du maître ne peut être étendue, dans le silence de la loi, à ses héritiers, à moins que, cohabitant avec le maître du vivant de ce dernier, ils n'eussent été associés à la direction de l'établissement industriel, et ils n'eussent participé à l'exercice de l'au

torité du patron, ce qui leur aurait attribué en fait cette qualité.

Ajoutons encore que cette règle n'est applicable qu'aux ouvriers contre-maîtres, directeurs et facteurs d'établissement industriel (Rouen, 10 juillet 1843), qui louent leurs services à temps et que d'autres principes doivent être suivis, comme nous l'indiquerons dans la section suivante, lorsqu'il s'agit d'ouvriers à façon.

Gages et Salaires, —

Paiement, - A-comptes.

Le maître est également cru sur son affirmation, suivant les règles et dans les cas que nous venons d'indiquer, pour le paiement du salaire de l'année échue, et pour les à-comptes donnés pour l'année courante (C. N., art. 1781).

En se fondant sur une très ancienne coutume, on tient également que le maître est cru sur son affirmation pour la remise des effets que les ouvriers prétendent avoir apportés dans le domicile du patron; cela fait cependant difficulté.

Priviléges pour le paiement des salaires.

L'article 2101 du Code Napoléon met au quatrième rang des priviléges généraux sur les meubles, les salaires des gens de service pour l'année échue et ce qui est dû pour l'année courante. Je dois reconnaitre qu'en général. par cette expression gens de service, on n'entend que

les personnes employées au service intérieur ou personnel du maître et non les gens de travail et ouvriers. Cependant des auteurs et des tribunaux ont entendu dans un sens plus général cet article et en ont étendu le bénéfice aux ouvriers. Cette opinion de la minorité me parait plus juste que légale; mais, en matière de faillite, le privilége a été textuellement consacré par la loi du 28 mai 1838. Le salaire acquis aux ouvriers employés directement par le failli pendant le mois qui aura précédé la déclaration de faillite sera admis au nombre des créances privilégiées, au même rang que le privilége établi par l'article 2101 du Code Napoléon pour le salaire des gens de service.

Nous examinerons dans la seconde section les divers priviléges attachés au paiement des salaires des ouvriers à la pièce.

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Dans la pratique, le patron est autorisé à faire aux ouvriers des retenues à raison des malfaçons provenant de leur faute. Ce règlement est fait devant les prud'hommes, lorsqu'il n'a pu avoir lieu à l'amiable. Il sera bientôt question des retenues qui peuvent être faites à l'ouvrier par le patron pour se couvrir des sommes qui auraient été avancées par lui, ou d'autres fabricants.

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En principe général, les biens présents et à venir d'un débiteur étant le gage de ses créanciers, et la loi n'ayant

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