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question des frontières grecques est posée désormais d'une façon qui permet de bien préciser le rôle et la responsabilité de chacun. La part d'initiative que nous y avons prise répond aux sentiments généreux de la France, à l'amitié qui nous anime envers les deux parties en cause et à la juste sollicitude que nous éprouvons pour leur intérêt bien entendu. Toutefois, notre action n'était justifiée qu'en tant qu'elle s'exerçait au nom de l'Europe, et c'est l'Europe aussi qui rendra son verdict dans la délibération collective qui se prépare. Quel que soit le sort immédiat de cet arrêt, demeurât-il même quelque temps sans être obéi, ceux qui seraient tentés de le méconnaître en sentiront inévitablement la force dans un avenir prochain. Car si les Puissances médiatrices, pour marquer le caractère tout amical de leur intervention, se sont interdit l'emploi des moyens coercitifs, la logique des choses, il est facile de le prévoir, précipitant le cours des événements, donnera une sanction certaine à des décisions dont nul ne pourra contester l'autorité morale.

J'ai cru opportun, Monsieur, d'entrer avec vous dans ces détails, afin de vous éclairer aussi complètement que possible sur la marche que j'ai adoptée depuis le jour où la direction de nos relations exté

rieures m'a été confiée.

Je compte donc sur votre dévouement à la France pour apporter dans cette tâche tout le zèle nécessaire. De mon côté, je regarde comme un devoir de confiance vis-à-vis de vous de bien mettre en lumière les lignes essentielles de la politique dont vous devez retracer dans vos entretiens l'orientation générale. De la sorte, l'accord entre nous sera plus constant et mieux assuré.

C. DE FREYCInet.

N° 2.

Le Général CHANZY, Ambassadeur de la République française à

Saint-Pétersbourg,

à M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères.

Saint-Pétersbourg, le 23 avril 1880.

Dans les divers entretiens que j'ai eus, au Ministère des Affaires étrangères, j'ai pu recueillir diverses informations que je crois devoir vous communiquer.

En ce qui concerne la Question grecque, le Gouvernement impérial paraît très désireux de la voir se terminer le plus tôt possible, et se rangera toujours du côté de ceux qui feront les propositions les plus avantageuses pour la Grèce. Mais, comme je faisais observer au Secrétaire d'État que des vœux ne suffisent pas pour résoudre les questions de cette nature, il me fit comprendre que la Russie avait déjà trop à demander sur des points qui l'intéressent plus particulièrement, pour qu'elle se décidât à prendre l'initiative dans cette affaire de la Grèce, si bien soutenue par nous. L'Angleterre, a-t-il ajouté, parait vouloir jouer un rôle important dans cette circonstance, puisque c'est elle qui, au nom des Puissances, sollicite maintenant de la Porte l'autorisation, Commission à nommer, d'opérer sur son territoire.

pour la

On espère ici que le nouveau Cabinet anglais aidera à la solution de la question dont il s'agit d'une façon plus nette et plus efficace que ne l'a fait jusqu'ici le Cabinet qui va être remplacé.

CHANZY.

N° 3.

Le Comte DE SAINT-VALLIER, Ambassadeur de la République fran

çaise à Berlin,

à M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères.

Berlin, le 4 mai 1880.

Le Comte de Hatzfeldt a reçu l'ordre de s'associer aux démarches des autres Représentants à Constantinople; mais dans l'entretien que nous avons eu hier à ce sujet, le Prince de Hohenlohe m'a fait une déclaration qu'il me paraît nécessaire de porter à votre connaissance. Il m'a dit qu'il venait de recevoir des instructions très précises en ce qui concerne les affaires d'Orient et l'entière exécution du Traité de Berlin. Le Chancelier lui aurait adressé la recommandation d'observer une grande réserve sur ce terrain et d'éviter soigneusement toute initiative. L'action de l'Allemagne dans la péninsule des Balkans doit se borner à une œuvre de paix et de conciliation entre les Puissances; et l'Ambassadeur allemand à Constantinople ne doit se prononcer qu'après avoir eu connaissance du sentiment des Gouvernements plus intéressés; il recevra pour instruction générale de s'associer à toute démarche qui réunirait l'unanimité des Puissances, et d'en référer, avant d'agir, lorsqu'il y aura division entre elles, sauf à adopter, après examen, une attitude conforme à celle de la majorité de ses collègues.

N° 4.

SAINT-VALLIER.

M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères,

à M. LÉON SAY, Ambassadeur de la République française à Londres.

Ainsi

Paris, le 8 mai 1880.

que vous avez pu le constater par les dépêches échangées avec

votre prédécesseur et par le résumé contenu dans ma circulaire du 16 avril, la question des frontières grecques est entrée récemment dans une phase nouvelle. Le tracé proposé par M. Waddington a été abandonné, et les Puissances sont tombées d'accord pour faire opérer la délimitation par une Commission dans laquelle les décisions, prises à la majorité des voix, feraient loi pour toutes les parties. La Turquie et la Grèce doivent d'ailleurs toutes deux être exclues de cette Commission ou toutes deux y être admises, en un mot, être traitées sur le même pied.

L'Angleterre ayant pris l'initiative, après entente toutefois avec nous, de la nouvelle combinaison, c'est à elle qu'il appartient naturellement de l'amener à une phase pratique. Aussi a-t-elle proposé aux divers Cabinets les bases suivant lesquelles la Commission devra fonctionner. Ces bases ayant été adoptées par les Cabinets, elle doit maintenant les inviter à nommer leurs Commissaires et à s'entendre sur le lieu et la date de la réunion. Ce nouveau pas en avant paraît avoir été retardé jusqu'ici par le fait que le Cabinet anglais a cru devoir consulter la Turquie sur le lieu de réunion de la Commission, et que la Turquie n'aurait pas encore déterminé, dans la région de la nouvelle frontière, un endroit satisfaisant.

Ce motif ne nous semble pas de nature à retarder davantage le fonctionnement de la Commission. Rien n'oblige les Commissaires à se réunir précisément dans le voisinage des futures frontières. L'examen des lieux peut être fait par la Commission à un moment quelconque de ses travaux, et cet examen lui-même n'échoit pas nécessairement à la Commission tout entière; il peut être confié par elle à une partie de ses membres ou même à des délégués spéciaux pris hors de son sein. C'est à la Commission de régler comme elle l'entendra l'ordre de ses travaux et de fixer elle-même ses moyens d'information.

Nous ne verrions donc, pour notre part, aucun inconvénient et nous trouverions même de sérieux avantages à ce que, sans attendre davantage la réponse de la Porte, la Commission fût immédiatement nommée et se réunît sur un point quelconque. Nous sommes prêts à accepter, à cet égard, toute désignation de ville, pourvu que ce ne soit ni

Constantinople, ni Athènes; cette exception se justifie trop naturellement pour que j'aie besoin d'insister.

Je vous prie de soumettre ces observations au Cabinet anglais et de provoquer de sa part une initiative aussi prochaine que possible dans le sens que je viens d'indiquer.

C. DE FREYCINET.

N° 5.

M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères,

aux Agents diplomatiques de la République française à Berlin, Constantinople, Saint-Pétersbourg, Vienne, Athènes et

Rome.

Paris, le 9 mai 1880.

Les élections qui viennent d'avoir lieu en Angleterre et le changement de ministère qui en a été la suite ont forcément interrompu, pendant quelques semaines, nos pourparlers avec le Gouvernement britannique concernant la question des frontières grecques.

Maintenant que le nouveau Cabinet est constitué d'une manière définitive, il m'a m'a paru opportun de reprendre la négociation à ce sujet au point où elle en était restée. Les Puissances étant tombées d'accord pour accepter le projet de réunir une Commission internationale de délimitation dans les conditions débattues entre nous et l'Angleterre, c'est à cette dernière qu'il appartient de prendre l'initiative pour convoquer la Commission, et je viens d'inviter M. Léon Say à faire une démarche auprès de Lord Granville afin que le Gouvernement de la Reine ne tarde pas davantage à procéder à cette formalité.

Je crois bon de vous donner connaissance des instructions

que j'ai

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