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N° 91.

M. TISSOT, Ambassadeur de la République française à Constanti

nople,

à M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères

Thérapia, le 22 juillet 1880.

Votre Excellence m'a autorisé à m'associer à la démarche que M. Goschen avait reçu l'ordre de faire auprès du Gouvernement ottoman, au sujet des garanties à accorder aux propriétaires musulmans des districts cédés à la Grèce. Elle m'invitait en même temps à m'entendre avec mon Collègue sur le moment le plus convenable et la meilleure voie à suivre pour procéder à cette démarche.

Je me suis rendu, au reçu de vos instructions, chez l'Ambassadeur d'Angleterre. Mon collègue s'était déjà acquitté de la tâche que nous devions remplir ensemble et n'avait plus dès lors qu'à me renseigner sur l'accueil fait à sa déclaration.

D'après les détails qu'a bien voulu me donner M. Goschen, Abeddin Pacha avait reçu froidement la communication du Représentant de la Reine.

J'ai fait observer à M. Goschen que les offres du Gouvernement anglais répondraient, en pratique, à une des principales préoccupations. des Musulmans de l'Albanie et de l'Épire. Les renseignements en ma possession sur les dispositions des Beys de ces deux provinces témoignaient de leurs inquiétudes, et il me paraissait utile que les Puissances européennes les rassurassent complètement, en joignant leur garantie à celle qu'avait déjà offerte le Cabinet d'Athènes.

C'est par ce côté essentiellement pratique que je compte aborder, auprès d'Abeddin Pacha, à la première occasion, la question qu'a déjà traitée mon Collègue d'Angleterre.

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. Grèce.

TISSOT.

12

:

N° 92.

M. TERNAUX COMPANS, Chargé d'Affaires de la République fran

çaise à Athènes,

à M. de FreycineT, Ministre des Affaires étrangères.

Athènes, le 20 juillet 1880.

M. Tricoupis vient de me dire que le Roi a signé les décrets qui permettent de convoquer la Chambre et d'appeler les réserves. Il attend ces documents par le prochain courrier et compte les publier aussitôt que la réponse de la Porte à la Note collective sera connue, pourvu toutefois que les Gouvernements français et anglais jugent qu'il peut le faire sans se mettre en opposition avec les conseils que ces Puissances ont précédemment fait entendre.

Le Premier Ministre a chargé ses agents à Paris et à Londres de pressentir, à ce sujet, les Gouvernements auprès desquels ils sont accrédités.

Le Président du Conseil fait observer que, dans l'état actuel de l'armée, ces mesures ne sauraient avoir qu'un caractère préventif et qu'elles sont nécessaires pour lui permettre d'assurer la sécurité de la Grèce.

N° 93.

TERNAUX COMPANS.

M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères,

à M. TERNAUX COMPANS, Chargé d'affaires de la République française à Athènes.

Paris, le 23 juillet 1880.

Le Chargé d'affaires de Grèce m'a entretenu de l'appel des réserves

dans les termes annoncés par votre dernière dépêche. Je lui ai répondu que je n'avais ni à approuver ni à blâmer le Gouvernement grec et qu'il était libre d'agir sous sa responsabilité dans une question que nous considérions comme étant d'ordre intérieur. Je ne doutais pas, d'ailleurs, que l'appel des réserves aurait un caractère purement administratif, surtout qu'il y serait procédé en évitant qu'on puisse l'interpréter comme un acte comminatoire et hostile à la Porte. Nous appré cions l'intention du Cabinet d'Athènes d'attendre, pour y donner suite, la réponse du Gouvernement ottoman à la Note collective.

C. DE FREYCInet.

N° 94.

M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères,

à M. CHALLEMEL-LACOUR, Ambassadeur de la République française à Londres.

Paris, le 23 juillet 1880.

Vous m'avez fait part, dans votre dépêche du 18 de ce mois, des dispositions que vous avait manifestées Lord Granville, en ce qui touche la conduite que le Gouvernement grec doit tenir dans les circonstances présentes; il vous a paru résulter des paroles de votre interlocuteur qu'il ne voulait point décourager en tout état de cause le Cabinet hellénique de poursuivre des préparatifs militaires.

Depuis lors, le Chargé d'affaires de France à Athènes m'a annoncé que les efforts de M. Tricoupis avaient abouti à l'appel des réserves, et que le Cabinet grec entendait y procéder, dès que la réponse de la Porte à la Note collective de Berlin serait connue, pourvu que les Gouvernements de France et d'Angleterre n'y fussent point opposés. M. Tricoupis avait insisté, d'ailleurs, auprès de M. Ternaux Compans,

sur le caractère purement préventif de la mesure à prendre. Le même jour, M. Delyannis est venu me donner les mêmes informations de la part de son Gouvernement et me demander mon impression.

J'ai répondu au Chargé d'affaires de Grèce que nous n'avions ni à approuver ni à blâmer la décision prise par le Cabinet d'Athènes. Nous n'avons cessé et nous ne cesserons de faire entendre au Gouvernement hellénique des conseils de prudence, qui nous semblent indiqués par les nécessités et par les convenances de la situation. Mais, en ce qui concerne le fait spécial de l'appel des réserves, nous le considérons. comme un acte d'administration intérieure, auquel il ne nous appartient pas de nous montrer contraires. Une intervention en ce sens nous semblerait dépasser les limites de notre droit, et nous imposerait une responsabilité que nous n'avons pas à prendre. Le Gouvernement hellénique est juge de l'opportunité des résolutions qui intéressent sa sécurité et dont les Puissances ne sauraient être solidaires. Nous ne doutons pas, d'ailleurs, qu'en vue de prévenir toute fausse interprétation de sa conduite, le Cabinet d'Athènes ne procède à l'appel de ses réserves avec la plus grande prudence. I importe, en effet, d'empêcher qu'un patriotisme mal entendu ne transforme cette mesure, dans l'exécution, en démonstration comminatoire et ne fournisse l'occasion de récriminations légitimes.

Tel a été le sens général de ma réponse au Chargé d'affaires de Grèce; elle rentre dans l'ensemble des conseils de modération que nous donnons au Cabinet hellénique, sans nous immiscer dans une affaire dont l'appréciation n'appartient qu'à lui. J'ai invité M. Ternaux Compans à tenir le même langage à M. Tricoupis. Je demeure persuadé que toutes les Puissances signataires du Congrès de Berlin se trouveront d'accord avec nous, en cette circonstance, et qu'en ce qui regarde particulièrement l'Angleterre, c'était dans cet ordre d'idées que se plaçait Lord Granville, lors de l'entretien que vous m'avez rapporté. En laissant la Grèce s'inspirer librement, dans une question administrative qui lui est toute personnelle, de considérations prévoyantes que la situation lui semble justifier, nous sommes d'autant mieux fondés à la dissuader de velléités provocatrices, à exiger que sa

conduite ne soit ni aventureuse, ni provocatrice, et laisse toute sa liberté d'action à la bonne volonté unanime de l'Europe.

C. DE FREYCINET.

N° 95.

M. DE FREYCINET, Ministre des Affaires étrangères,

aux Ambassadeurs de la République française à Berlin, Saint-Pétersbourg, Vienne et Rome.

Paris, le 24 juillet 1880.

Le Cabinet hellénique ayant décidé de procéder à l'appel de ses réserves dès que la Porte aura répondu à la Note collective des Puissances, a invité ses agents à Paris et à Londres à pressentir l'opinion des Gouvernements de France et d'Angleterre. J'ai répondu à M. Delyannis que nous n'avions ni à blâmer ni à approuver la mesure d'administration intérieure que le Gouvernement grec jugeait opportun de prendre, mais que nous ne doutions pas qu'il ne comprît la nécessité d'agir en cette circonstance avec la plus grande circonspection, afin d'éviter que sa décision ne fût interprétée dans un sens comminatoire. J'ai prié notre Chargé d'affaires à Athènes de tenir le même langage à M. Tricoupis.

Pour vous faire apprécier complètement le point de vue où se place le Gouvernement de la République, en présence de cet incident, et le caractère de notre attitude, j'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint (1) copie de la dépêche que j'ai écrite hier à ce sujet à l'Ambassadeur de France à Londres, qui m'avait il y a quelques jours entretenu des impressions éventuelles du Cabinet anglais.

C. DE FREYCInet.

() Voir la dépêche précédente.

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