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lirent et brûlèrent toutes les barrières, tous les bureaux d'octroi qui percevaient sur les routes un prix de passage. Des bandes d'hommes, ayant la figure noircie, et revêtus d'une jupe blanche, parcouraient les campagnes, dévastant les fermes, annonçant leur arrivée par des placards menaçants, et l'exécution suivait de près la menace. Le 19 juin, Carmarthen, la capitale du comté, fut attaquée par une troupe de plus de 10,000 hommes, au jour et à l'heure annoncés par Rebecca. Cet audacieux avertissement avait permis aux autorités d'envoyer chercher du secours; mais les dragons n'arrivèrent que lorsque la ville était prise et plusieurs établissements pillés. Les rebeccaïtes, mis en déroute, laissèrent derrière eux beaucoup de prisonniers, ce qui n'empêcha pas les mêmes scènes de se reproduire dans d'autres localités.

C'est ainsi qu'au milieu de l'éclat extérieur de la GrandeBretagne, des plaies honteuses révélaient les vices d'une organisation intérieure fondée sur les plus monstrueuses inégalités sociales. En vain, elle étalait son or et ses grandeurs. Chaque année, des millions de mendiants protestaient sous le feu des soldats contre l'injuste accumulation de tant de richesses mal acquises.

Cette année est encore fameuse par les progrès d'une association réformiste, connue sous le nom de Ligue des céréales. Formée d'abord pour combattre les droits prohibitifs à l'importation des blés, elle en était venue à formuler sans détours le principe de libre échange et à demander le renversement de tout le système douanier. Ce n'était, à vrai dire, qu'une lutte entre deux aristocraties puissantes, celle des manufactures, et celle de la propriété territoriale. Le bien-être des masses n'y était pour rien; mais il n'en ressor

tait pas moins le principe novateur et fécond de la liberté commerciale, et ce principe renversait de fond en comble le vieil édifice britannique, et devait amener une révolution profonde dans toutes les relations internationales.

En Angleterre, tout succès se traduit par des souscriptions en argent. Or, en 1842, la ligue faisant appel au public, avait demandé 1,250,000 francs; six mois après, elle les avait; en 1843, elle demanda 2,500,000 francs; ils furent promptement obtenus. Ces sommes étaient consacrées à composer, imprimer et distribuer des écrits, pamphlets et brochures en faveur de la liberté commerciale. Le total des écrits distribués dans les villes et compagnes avait été au nombre de 9 millions, pesant ensemble 100 tonnes. Les chefs de la ligue, MM. Cobden et Bright, parcouraient les comtés, tenant de nombreux meetings, et consacrant leurs doctrinés par l'adhésion de leurs milliers d'auditeurs. La ligue était une puissance nouvelle s'imposant à l'Angleterre, et dont le gouvernement allait être incessamment obligé de tenir compte.

CHAPITRE XIII.

Affaires d'Afrique.

duc de Nemours.

Prise de la Smala d'Abd-el-Kader.

Voyage du

Sa réception au Mans. Visite de la reine d'Angleterre au roi de France.. Le duc de Bordeaux à Londres.

Le duc de Nemours s'y rend aussi. --- Pèlerinage à BelgraveSquare. Emotion au château. Intrigues de la petite cour de

Belgrave-Square.

Les deux camps légitimistes.

MM. Berryer et

de Larochejacquelein. Tahiti et la reine Pomaré. Intrigues des Anglais. Le consul Pritchard.— Prise de possession des îles de la Société par l'amiral Dupetit-Thouars.

Louis-Philippe, si soudainement frappé dans sa famille, s'attachait à la raffermir par de nouvelles alliances, et à prendre toutes ses précautions contre les chances de l'avenir. Le mariage de sa fille, la princesse Clémentine, célébré le 20 avril, avec le prince Auguste de Saxe-Cobourg, était une satisfaction paternelle; celui du prince de Joinville, avec la sœur de l'empereur du Brésil, accompli le 7 mai, était un acte politique. On pouvait espérer que l'influence de la France s'accroîtrait dans le Brésil, et que des relations de commerce plus avantageuses allaient s'établir entre elle et l'Amérique méridionale.

Une autre consolation glorieuse était au même moment

réservée à Louis-Philippe. Son fils, le duc d'Aumale, avait eu la bonne fortune de rencontrer la smalah d'Abd-elKader (famille, tentes, troupeaux), et de l'enlever par une brillante attaque de cavalerie.

Depuis que les Français, établis à Mascara et à Tlemcen, avaient porté le fer et le feu au sein de la grande tribu des Hachems, la puissance d'Abd-el-Kader n'avait plus de centre, plus d'unité. On peut même ajouter qu'avec la dispersion de cette tribu, la nationalité arabe avait cessé d'exister; ou du moins, elle était tellement réduite, qu'elle n'avait plus de ressource que dans une guerre de partisans.

Abd-el-Kader cependant entra résolûment dans cette nouvelle phase de la lutte. Revenant à petit bruit sur le territoire français, se glissant dans les montagnes, au milieu des tribus mal soumises, relevant leur courage et réveillant leurs haines, il se revit bientôt entouré de compagnons nombreux, reprit ouvertement les hostilités, jeta la terreur dans les provinces de l'ouest, sur toute la ligne de Cherchell à Milianah, et répandit l'inquiétude jusqu'aux portes d'Alger. Il fallut reprendre la campagne contre un ennemi que l'on croyait abattu, lancer des colonnes mobiles dans toutes les directions, et multiplier les expéditions pour frapper sur tous les points à la fois. Il y avait, il est vrai, plus de fatigues à supporter; que de périls à craindre, plus de marches que de combats, souvent au milieu des pluies et des tempêtes. Mais l'armée ne se découragea pas, et après deux mois de courses et d'escarmouches, Abd-el-Kader, battu dans tous les engagements, fut rejeté dans les montagnes de l'Ouarensenis, ne laissant aux tribus qui l'avaient secondé, d'autre alternative qu'une prompte soumission. La prise de la smalah avait surtout agi profondément sur l'imagination de

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ces peuplades, toujours promptes à se soumettre aux décisions de la fortune, et à prendre un échec pour un mauvais présage. Ce fut le 16 mai que s'accomplit ce brillant fait. L'émir était depuis quelques jours cerné de plusieurs côtés; les deux colonnes de Médéah et de Mascara étaient sur ses traces, le général Lamoricière le serrait de près, tandis qu'une autre division, partie de Boghar sous la conduite du duc d'Aumale, cherchait à le rejoindre. Fuyant de l'un à l'autre, Abd-el-Kader espérait leur échapper en gagnant les montagnes appelées Djebel - Amour, lorsque le duc d'Aumale fut informé que cet insaisissable adversaire était campé non loin de lui à la source de Taguin. Le prince n'était suivi en ce moment que de 500 chevaux; les ennemis étaient dix fois plus nombreux. Mais si l'on attendait l'infanterie, l'émir avait le temps de s'échapper. Confiant dans la valeur de ses soldats, le duc d'Aumale s'élança au galop et arriva au milieu des tentes, malgré la résistance désespérée de l'infanterie régulière de l'émir. Tout fut culbuté sous la charge impétueuse des spahis et des chasseurs. Abd-el-Kader eut à peine le temps de monter à cheval, et de s'enfuir au milieu de quelques cavaliers d'élite. Sa mère et sa femme n'échappèrent que par miracle; un nombre considérable de personne de sa famille, des femmes et des filles de ses principaux lieutenants, et divers personnages appartenant à son administration, tombèrent entre les mains des Français. Des populations considérables, appartenant surtout à la tribu des Hachems, furent emmenées prisonnières; les tentes, quatre drapeaux et un butin immense, furent les trophées de cette victoire. La soumission de toutes les tribus environnantes en fut le premier résultat. Pendant quelque temps on perd les traces de l'émir,

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