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§ II. Quelles personnes ont la jouissance des droits publics, politiques ou civils.

I. Droits publics. Toute personne, sans distinction d'âge, de sexe ou de nationalité, en a la jouissance. Les mineurs, les femmes et les étrangers sont, sous ce rapport, placés sur la même ligne que les [[sujets britanniques]] mâles et majeurs.

II. Droits politiques. [[Ce sont des droits qui n'appartiennent qu'aux citoyens du pays. Cependant tous les Canadiens n'en ont pas la jouissance pleine et entière. Pour posséder cette jouissance, il faut remplir, en cette province, certaines conditions d'âge et de sexe et de plus être propriétaire, locataire ou occupant d'immeubles d'une valeur déterminée ou recevoir un revenu ou salaire au montant fixé par la loi. Cette question est du domaine du droit constitutionnel, elle n'entre pas dans le cadre de nos études.]]

III. Droits civils. La jouissance de ces droits est attachée, [[en théorie,]] à la qualité de citoyen. [[Il est encore vrai de dire que la plénitude de la jouissance des droits civils n'appartient qu'aux sujets britanniques (a). En pratique, cependant, depuis que notre droit civil s'est libéralisé, on peut ajouter que tout individu,]] qu'il soit majeur ou mineur, interdit ou non, du sexe féminin ou du sexe masculin, a la jouissance, [[il ne s'agit pas de la plénitude de cette jouissance]], des droits civils en général.

Mais tout [[homme]] qui a la jouissance des droits civils n'en a pas l'exercice.

La jouissance, c'est l'aptitude légale à l'acquisition des droits eux-mêmes: tous les [[hommes]] ont cette aptitude.

L'exercice, c'est la faculté de faire les actes, de remplir les formalités et conditions nécessaires pour la mise en œuvre de cette aptitude, c'est-à-dire pour acquérir les droits civils, les conserver, les faire valoir et en disposer. Les mineurs, les interdits, ne l'ont pas, du moins en général; l'exercice des droits dont ils ont la jouissance est délégué à des mandataires qui les représentent. Ainsi, qu'une personne meure laissant un fils mineur ou interdit, cet enfant acquiert sans doute la succession qui s'ouvre à son profit; mais les actes nécessaires pour la conserver et la faire

(a) En France, la jouissance des droits civils n'appartient qu'aux Français. Ici, au contraire, les étrangers jouissent de la plupart de nos droits civils, mais les citoyens seuls jouissent de la plénitude des droits civils.

valoir, l'acceptation, l'inventaire des biens, la poursuite des débiteurs, ce n'est pas lui qui les fait son tuteur y procède pour lui.

Certains droits ne comportent point cette distinction: je veux parler de ceux qu'on ne peut exercer que par soi-même, pour lesquels il n'y a point de délégation possible. Telles sont les facultés de se marier et de tester. On ne se marie point, en effet, on ne teste point, par procureur. Quant à ces droits, la privation de l'exercice équivaut à la privation de la jouissance elle-même : car le droit dont on ne peut bénéficier ni par soi-même, ni par un représentant, parce qu'il est essentiellement personnel, est un droit purement nominal et sans valeur.

En résumé, la loi reconnaît, au point de vue du droit civil: 1° [[Ceux]] qui ont la jouissance et l'exercice de leurs droits (les capables);

2° Ceux qui en ont la jouissance sans en avoir l'exercice (les incapables).

[[Nous allons maintenant expliquer la doctrine de notre droit public quant à la jouissance des droits civils, tant en ce qui regarde les sujets britanniques, qu'en ce qui concerne les étrangers. Notre droit, sous ce rapport, diffère essentiellement du droit français.

CHAPITRE DEUXIÈME.

LA NATIONALITÉ.

§ I.-Comment s'acquiert la qualité de sujet britannique.

I. Différentes classes de sujets britanniques. Cette question parait assez étrangère à un code qui ne doit renfermer que nos lois civiles. Le commissaire Day était d'avis qu'on ne devait pas en parler. Toutefois ces dispositions se trouvant dans notre code, nous devrons nous en occuper. Il y deux classes de sujets britanniques: les sujets par droit de naissance et les sujets par naturalisation. C'est la disposition de l'article 19 qui se lit comme suit : 19. La qualité du sujet britanniquè s'acquiert soit par "droit de naissance soit par l'effet de la loi".

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Autrefois, et encore à l'époque de la codification, la doctrine du droit public sur la nationalité, en Angleterre comme au Canada, se résumait dans la maxime bien connue: Once a British subjet, always one! La qualité de sujet britannique était indélébile, ineffaçable. La naturalisation par un état étranger était nulle de

plein droit et le sujet britannique expatrié et ses enfants restaient toujours, quoi qu'ils fissent, sujets britanniques. Sans le consentement du souverain, personne ne pouvait abjurer la nationalité anglaise; on doutait même que ce consentement pût rendre légal un acte que le droit public de l'Angleterre réprouvait (a)

Ce principe, quoiqu'on eût cessé d'insister sur ses effets pratiques, n'en était pas moins en pleine vigueur, lorsque, en 1870, le parlement impérial adopta l'acte appelé: "The Naturalization Act, 1870", qui, ayant été subséquemment modifié, est maintenant connu sous le titre de The Naturalization Acts, 1870 and 1872". Cette législation permet à un sujet britannique d'acquérir une autre nationalité, elle reconnaît la naturalisation acquise auparavant, tout en autorisant le sujet naturalisé de reprendre sa nationalité anglaise, s'il le juge à propos. En 1871, le parlement canadien, compétent aux termes de l'article 91 de l'acte de l'Amérique Britannique du Nord, et de l'article 16 de l'acte de naturalisation du parlement impérial, à porter des lois sur la naturalisation et les aubains, adopta le statut 44 Vic., ch. 13, (maintenant le chapitre 113 des Statuts revisés du Canada), qui est entré en vigueur le 4 juillet 1883. Cette loi reproduit les principales dispositions du statut anglais. Il en sera question plus loin.

II. Sujets britanniques par droit de naissance.-Donc il y a deux classes de sujets britanniques: ceux qui le sont par naissance et ceux qui ont acquis cette qualité par voie de naturalisation. L'article 20 définit la qualité de sujet britannique par droit de naissance.

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20. Est sujet britannique par droit de naissance, tout "individu qui naft dans une partie quelconque de l'empire britannique, même d'un père étranger, et aussi celui dont le "père ou l'aïeul paternel est sujet britannique, quoique né lui"même en pays étranger; sauf les dispositions exceptionnelles "résultant des lois particulières de l'empire".

Cet article exprime exactement la doctrine du droit public anglais sur ce sujet. Cette doctrine n'est nullement affectée par la nouvelle législation.

Il s'agit dans cet article des sujets britanniques par droit de naissance. Tout individu qui naît dans une partie quelconque de l'empire britannique, même d'un père étranger, est sujet

(a) Voir Howell, Naturalization and Nationality in Canada, p. 19 et suivantes.

Voir aussi Loranger, Commentaires sur le droit civil, t. ler, p. 257.

britannique. Il importe peu que cet étranger y soit ou n'y soit pas domicilié lors de la naissance de son enfant, le fait de la naissance suffit. Il n'y a que deux exceptions à cette règle. La première veut que les enfants des ambassadeurs accrédités auprès de la Reine, ne soient pas sujets britanniques; ils ne sont pas censés nés dans les limites de l'empire, l'ambassadeur ayant le privilège de porter sa nationalité avec lui. On excepte également de l'application de cette règle les enfants nés d'étrangers dans un territoire anglais, pendant que ce territoire est occupé par une armée ennemie (a).

Sont également sujets britanniques par droit de naissance, les enfants et les petits enfants d'un sujet britannique, quoique ces enfants ou petits enfants soient nés en pays étranger. On regarde cette qualité de sujet britannique ainsi accordée aux enfants et petits enfants nés à l'étranger d'un sujet britannique comme une qualité personnelle; elle n'est pas transmissible à leurs descendants (b).

Ainsi, il importe peu, d'après la doctrine du droit commun, que le père de ces enfants ou petits enfants nés à l'étranger fût, lors de leur naissance, sujet naturalisé du pays où ses enfants sont nés ou citoyen d'un pays étranger.

Nous disons d'après la doctrine du droit commun, car, ainsi que nous l'avons vu, ce droit ne permet pas à un sujet britannique de se faire naturaliser à l'étranger, ou en d'autres termes de s'expatrier. Ce droit commun était en vigueur lors de la codification et jusqu'à notre nouvelle législation sur la naturalisation. Mais aujourd'hui, cette doctrine ne peut plus être suivie. Notre acte de la naturalisation de 1871, 44 Vic., ch. 13, maintenant le chapitre 113 des statuts revisés du Canada, déclare, à sa section 7, qu'un sujet britannique qui, à quelque époque que ce soit, avant ou depuis le 4 juillet, 1883, se trouvant dans un pays étranger et n'étant frappé d'aucune incapacité, se sera volontairement (c) fait natu

(a) Howell, ouvrage cité, p. 8.

(b) Howell, p. 8.

(c) A propos de ce mot volontairement, M. Howell cite (p. 57) l'explication qu'en a donné le lord chancellier Hatherley, lors de la discussion du projet de loi sur la naturalisation à la chambre des lords. Il paraît que dans plusieurs des Etats du sud de l'union américaine on a naturalisé des individus contre leur gré par des actes de la législature, probablement pour pouvoir les contraindre à servir dans les armées des Etats confédérés. De plus, en Prusse, on n'admettait personne à agir comme consul d'une puissance étrangère dans une ville fortifiée, à moins qu'il ne se fût fait naturaliser, et l'on cite le cas

raliser dans ce pays (a), sera réputé, en Canada, à partir du moment où il aura obtenu sa naturalisation, avoir cessé d'être sujet britannique et dès lors y sera regardé comme un aubain.

Cependant, cette personne pouvait, malgré cette disposition, si elle le voulait, échapper à l'application de cette loi. Aux termes de ce même article du statut, cette personne pouvait, dans les deux ans après la mise en vigueur de cette loi, faire une déclaration qu'elle désirait conserver la qualité de sujet britannique en Canada et si elle a fait telle déclaration dans le délai fixé et prêté serment d'allégeance, elle sera censée avoir toujours été un sujet britannique au Canada. La loi ajoute, toutefois, que pendant la résidence de cette personne dans les limites de l'état étranger où elle aurait été. naturalisée, elle ne sera regardée, en Canada, comme sujette britannique que si elle a rénoncé à la qualité de sujet de ce pays étranger dans les formes établies par ses lois ou par un traité à cet effet.

Donc un individu qui a été naturalisé, disons aux EtatsUnis, et qui a fait, dans les délais voulues, une déclaration qu'il voulait néanmoins demeurer sujet britannique en Canada, est revêtu d'une double nationalité. Tant qu'il se trouvera en Canada, on le regardera comme un sujet britannique, passe-t-il aux Etats-Unis, pendant toute la durée de sa résidence en ce pays, on cessera, en Canada, de le tenir pour sujet anglais. Ce système est très compliqué, mais on ne peut guère lui refuser le mérite de l'élasticité.

Voilà pour le sujet britannique qui s'est fait naturaliser en pays étranger avant le 4 juillet 1883 (b).

Maintenant que décider quant aux enfants de cet individu qui sont nés en pays étranger depuis sa naturalisation et avant la mise en vigueur de la nouvelle loi, et qui, à ce titre, se trouvaient sujets britanniques par droit de naissance? Que décider également

d'un consul anglais, qui avait dû se soumettre à cette exigence. On raconte que ce consul craignait de permettre à ses fils de venir le visiter de crainte qu'ils ne fussent contraints à faire le service militaire dans les armées prussiennes. C'est pour protéger les personnes naturalisées de cette façon, que la loi exige que la naturalísation ait été volontaire.

(a) Il s'agit d'un pays qui a signé avec l'Angleterre une convention à l'effet de permettre aux sujets des deux pays de s'expatrier (voir l'article 4 de cette loi).

(b) Un sujet britannique, qui s'est fait naturaliser depuis le 4 juillet 1883, se trouve placé sur le même pied que les aubains et pourra se faire réadmettre à la nationalité anglaise en subissant la même épreuve.

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