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juge de Lorimier a jugé que la réclamation par la couronne de la succession d'une personne condamnée à la peine capitale empêche que cette succession ne puisse être considérée comme vacante.

2o La personne morte civilement ne peut disposer de ses biens, ni acquérir soit par actes entrevifs ou à cause de mort, soit à titre gratuit ou onéreux; elle ne peut ni contracter ni posséder; elle peut cependant recevoir des aliments. Cela équivaut à dire que le mort civil perd tous les droits qui sont, soit du droit des gens, soit du droit civil (Pothier, éd. Bugnet, tome IX, p. 32). Il va sans dire qu'il ne peut disposer de ses biens, puisqu'il n'en a aucuns. Le seul droit qu'on lui reconnaît est celui de recevoir des aliments, droit qui sera souvent illusoire. Ces incapacités affectent le religieux (Pothier, éd. Bugnet, loc. cit). Dans la cause de Gauthier v. Joutras (1 R. L., p. 473), le juge Thomas Loranger a décidé qu'une femme accusée du meurtre de son mari peut, dans l'époque intermédiaire de l'accusation et de la condamnation judiciaire, contracter un engagement valable pour se faire défendre contre l'accusation; qu'un avocat peut réclamer en justice le montant d'une telle obligation; que l'effet de la condamnation ayant été d'entraîner la confiscation des biens du condamné au profit de la couronne, sous l'obligation de payer les dettes du condamné, la remise de ces biens par la couronne aux enfants du condamné, se fait à la même condition; que les enfants ne sont tenus de cette obligation que pro modo emolumenti, et dans l'espèce, que sur la part de leur mère dans la communauté et non sur les gains de survie qu'elle a perdus.

3o Le mort civil ne peut être nommé tuteur ni curateur, ni concourir aux opérations qui y sont relatives. Par conséquent, il ne peut faire partie du conseil de famille. Les religieux morts civilement tombent sous le coup de cette incapacité.

4o 11 ne peut être témoin dans aucun acte solennel ou authentique, ni être admis à porter témoignage en justice, ni à servir comme juré. Il n'est pas douteux que cette incapacité s'applique au condamné à mort ou à détention perpétuelle. Pothier (tome IX, p. 34, éd. Bugnet) enseigne que le religieux mort civilement ne peut assister comme témoin à un acte où les témoins sont requis pour la solennité; en un mot, faire aucune fonction publique. Il ajoute, cependant, que le religieux peut-être entendu comme témoin dans une enquête ou dans une information, car, dit il, comme ces actes n'ont d'autre objet que de découvrir la "vérité, tous ceux de qui on la peut apprendre doivent être " entendus, et par conséquent les religieux plus que les autres,

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puisque la profession religieuse ne les rend que plus dignes de foi, par la sainteté de l'état qu'ils ont embrassé". Il convient d'ajouter que, dans la cause des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph de l'Hôtel-Dieu de Montréal v. La Banque VilleMarie (18 R. L., p. 249), le juge Mathieu, sans se prononcer d'ailleurs sur la question de savoir si ces religieuses sont frappées de mort civile, a jugé qu'une religieuse de l'Hôtel-Dieu de Montréal peut être témoin en justice.

5o La personne morte civilement ne peut procéder en justice ni en demandant, ni en défendant. Cette incapacité s'applique à tous les morts civils, quelle que soit la cause de cette mort. Le juge Loranger (Commentaires, tome Ier, n° 189) dit qu'en France, on permettait à la personne morte civilement de réclamer des aliments avec l'assistance d'un curateur. Dans la cause de Rochon v. Leduc (1 L. C. J., p. 252) la cour supérieure a jugé que le condamné à mort par la cour martiale en 1839, qui a obtenu le pardon de Sa Majesté le 27 janvier 1844, ne peut pas ester en jugement et ne peut pas revendiquer sa propriété. Ce jugement, en tant qu'il se rapporte à la faculté d'ester en justice, n'est pas conforme à notre droit, car le pardon fait cesser tous les effets de la mort civile (art. 38).

6° La personne morte civilement est incapable de contracter un mariage qui produise quelque effet civil. Le mariage serait valable au point de vue religieux et quant au lien, de sorte que cette personne ou son conjoint ne pourrait se remarier, mais il n'aurait aucun effet civil. Le juge Loranger (loc.cit., no 189) en conclut que les enfants nés d'un semblable mariage ne seraient pas légitimes. Pothier (Mariage, n° 436) paraît être d'un avis contraire. Le même auteur (Communauté, no 20 et Mariage, no 440) ajoute que la bonne foi de l'une des parties, qui a eu une juste cause d'ignorance de l'empêchement au mariage, peut donner des effets civils à ce mariage. Cette doctrine est conforme aux articles 163 et 164 du code civil. Je puis ajouter que Pothier dit que les enfants nés d'un mariage contracté (hors le cas de la bonne foi) par un mort civil ne sont pas bâtards; il ne leur reconnaît cependant pas le droit de succession, de douaire, etc.

7° Le mariage que cette personne avait contracté précédemdemment est pour l'avenir dissous quant aux effets civils seulement, il subsiste quant au lien. Si, après la mort civile, il y a eu cohabitation entre les conjoints, cette cohabitation ne produira pas d'effets civils. Voir du reste ce que j'en ai dit sous le n° 6. Ajoutons que l'enfant conçu avant la mort civile sera légitime et pourra

réclamer tous les droits civils qui résultent du mariage. Il va sans dire que ce mariage existant quant au lien sera, comme le mariage contracté après la mort civile, sera un obstacle à un nouveau mariage.

8° Le conjoint et les héritiers du mort civil peuvent exercer respectivement les droits ou actions auxquels sa mort naturelle donnerait lieu, sauf les gains de survie auxquels la mort civile ne donne ouverture que lorsque cet effet résulte des termes du contrat de mariage. Donc, la communauté entre les conjoints sera dissoute. Dans l'ancien droit, on décidait que la femme du mort civil ne pouvait réclamer son douaire (Richer, Mort civile, pp. 506-509). Cela est encore notre droit, sauf le cas où la femme a stipulé ce privilège. L'article 1438 du code civil dit que le douaire coutumier ou préfix est un gain de survie qui est ouvert par la mort naturelle du mari. Rien n'empêche cependant, ajoute cet article, que le douaire ne soit ouvert et rendu exigible par la mort civile du mari, lorsque cet effet résulte des termes du contrat de mariage.

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III. Epoque à laquelle commence la mort civile. L'article 37 que la "mort civile est encourue à compter de la condamnation judiciaire." Sous l'ancien droit, cette question était controversée. Selon quelques auteurs, la mort civile remontait à l'instant même de la condamnation, sauf dans le cas de l'appel, où elle n'était encourue qu'à compter du jugement confirmant la sentence (Pothier, Personnes, titre III, sec. 2, éd. Bugnet, t. IX, p. 39). Richer, au contraire, enseignait que le condamné n'était frappé de mort civile qu'à compter de l'exécution du jugement (Mort civile, p. 152.) L'article 26 du code Napoléon dit que les condamnations contradictoires n'emportent la mort civile qu'à compter du jour de leur exécution, soit réelle, soit par effigie. Nos codificateurs ont adopté l'opinion de Pothier, donc la mort civile remontera au jour même de la condamnation ou de la sentence; toutefois, on ne dit pas que les effets de cette mort civile seront suspendus par l'appel, mais implicitement on affirme le contraire en disant que le mort civile est encourue à compter de la condamnation judiciaire. Bien entendu, le verdict de culpabilité rendu par le jury ne détermine pas la mort civile, il faut que la sentence ait été prononcée.

Mais que décider lorsque la sentence a été mise de côté. Je ne parle pas ici du pardon, de la remise de la peine ou de la commutation dont il sera question dans un instant. Il ne s'agit que de l'annulation de la sentence. Je crois que les effets que cette sentence aurait pu produire si elle avait été valable,

tomberont avec elle. Si la sentence est nulle, elle ne saurait produire aucun effet, et je déciderais que le condamné n'a jamais été frappé de mort civile, puisque la sentence qui aurait produit cet effet, n'a jamais eu d'existence légale.

IV. Fin de la mort civile. L'article 38 se lit comme suit:

"Le pardon, la libération, la remise de la peine, ou sa commu"tation en une autre qui n'emporte pas la mort civile rendent la "vie civile au condamné, mais sans effet rétroactif, à moins d'un "acte du parlement qui comporte cet effet."

Il n'était que logique, et on l'aurait décidé sans une disposition formelle, de faire cesser la mort civile avec la cause qui l'avait produite, cessante causâ, cessat effectus. Mais la mort civile ayant existé, sa cessation ne produira aucun effet rétroactif, et le pardon du condamné ne lui rendra pas ses biens que l'article 35 attribue au souverain dès l'instant de la condamnation. Il semblerait donc qu'il faudrait, dans ce cas, une cession expresse du souverain, pour rendre au condamné ses biens (voir Hawkins', Pleas of the Crown, vol. 2, book 2, ch. 37, sec. 54, p. 549).

La réserve au sujet d'un acte du parlement s'explique par le fait que le droit anglais reconnaissait deux espèces de pardon, celui que le souverain accordait par l'exercice de sa prérogative royale et celui que le parlement octroyait par une loi spéciale. Ce dernier pardon était plus ample (voir Hale's, Pleas of the Crown, p. 358, cité par les codificateurs). Au surplus, il était à peine nécessaire de parler de l'effet rétroactif que pouvait comporter un acte du parlement. Suivant la doctrine constitutionnelle anglaise, le parlement est omnipotent, il peut donc déclarer que le pardon ou la remise de la peine produira des effets rétroactifs, et alors les droits du gracié revivront tels qu'ils étaient avant la sentence. Cet acte du parlement, pour comporter cet effet, doit être exprès ; si ses termes sont ambigus, le doute qui en résultera s'interprétera en faveur des droits acquis. Le parlement dont il est question ici n'est autre que la législature provinciale qui seule peut porter des lois quant aux droits civils.

V. Les infâmes. - Pothier (Traité des Personnes, 1ère partie, titre III, section 3) parle d'un état mitoyen, entre la vie civile et la mort civile, l'infamie. L'article 1231 énumère, parmi les personnes qui ne peuvent rendre témoignage en justice, " celles "qui par la loi sont réputées infâmes." Je renvoie, à mon explication de cet article, pour la définition de cet état mitoyen.]]

TITRE DEUXIEME

DES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL

CHAPITRE PREMIER.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

SI. Definition des actes de l'état civil.-Leur importance.Aperçu historique.

I. Définition des actes de l'état civil. - Le mot acte a deux sens dans la langue du droit. Il signifie :

1° Ce qui s'est passé, quod actum est, un fait ou une action de l'homme;

2o L'écrit rédigé pour raconter ce fait, cette action ou cet événement, afin d'en établir la preuve au cas où son existence deviendrait l'objet d'un litige.

Ainsi, les mots acte de vente signifient tantôt la vente ellemême, tantôt l'écrit qui en constate l'existence (1).

Dans le titre que nous avons à étudier, l'acte est toujours l'écrit qui a été rédigé pour constater un certain fait.

-L'état est la condition d'une personne dans la société, en tant qu'elle est majeure ou mineure, émancipée ou non, interdite ou non, mariée ou non mariée, enfant légitime ou naturel, [[religieuse ou personne qui n'a pas prononcé des voeux solennels,]] vivante ou morte. Ces conditions ou qualités sont la source de nos droits et de nos devoirs ; et, comme elles sont diverses, divers sont les droits et les devoirs qui en dérivent. Ils naissent, se modifient et s'éteignent avec elles.

Elles ont elles-mêmes leur source dans certains événements, [[dont voici ceux qui nous occupent]]: la naissance, le mariage, [[la profession religieuse,]] la mort. Ces événements doivent être relatés, racontés dans des écrits ou procès-verbaux, rédigés par un officier public institué à cet effet.

Ces écrits ou procès-verbaux, dans lesquels sont relatés les

(1) Voy. l'art. 645 [[pour un exemple des deux sens du mot acte.]]

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