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Une personne, a-t-on dit, peut être en relation: 1o avec une chose cette relation constitue le droit de propriété; 2° avec une autre personne: cette relation constitue le droit de famille, et, dans certains cas, le droit de créance, c'est-à-dire le droit d'exiger un avantage pécuniaire; 3° avec un lieu : cette relation constitue le domicile. Mais, de même qu'on désigne souvent le droit de propriété par la chose même qui en est l'objet (on dit, en effet, cette chose est à moi, c'est ma chose, pour: j'ai un droit de propriété sur cette chose), souvent aussi dans la pratique, et quelquefois dans la loi, le lieu où est le domicile est pris pour le domicile même.

Ainsi, scientifiquement, le domicile est la relation légale entre une personne et le lieu, la maison, où elle a fixé sa principale demeure, le siège de ses affaires. Pratiquement, c'est le lieu même, la maison avec laquelle on est en relation.

M. Ortolan (Instit. expliq., Generalisat. du dr. rom., no 80) admet que le domicile n'est pas le lieu où l'on a son principal établissement; mais il critique la définition abstraite qui en a été donnée. "Qu'on essaye, dit-il, de la mettre à la place du mot défini, on verra quelle étrange cacophonie il en résultera: faire un commandement à domicile, ce sera faire un commandement à relation légale; disparaître de son domicile, ce sera disparaître de sa relation légale......

"Cette définition n'apprend rien, d'ailleurs. Le domicile est une relation...... mais qu'est-ce que c'est que cette relation? en quoi consiste-t-elle ? C'est ce qu'on ne dit pas."

Pour M. Ortolan, le domicile est: "Le siège légal d'une personne, siège où elle est censée être, aux yeux du droit et pour l'application du droit, soit que corporellement elle s'y trouve, soit qu'elle ne s'y trouve pas; en d'autres termes, c'est la demeure qu'une personne est toujours censée avoir, aux yeux de la loi, pour l'exercice de certains droits."

Dans ce système, le domicile peut être défini: le lieu où la personne est toujours présumée présente par elle-même ou par un mandataire qui la remplace. Ce lieu est celui où elle a son principal établissement.

Comme toute présomption légale, celle-ci peut être contraire à la vérité: car la personne peut, en fait, n'être pas présente au lieu où elle a son principal établissement. Mais alors elle est coupable quand elle s'absente, elle doit charger quelqu'un de la représenter, de recevoir pour elle les notifications qui lui seront

faites. Les tiers qui ont des rapports de droit avec elle ne doivent pas souffrir de sa négligence (a).

Le domicile, disons-nous, est le lieu où la personne a son principal établissement. Le mot établissement n'a point ici de sens précis et rigoureusement déterminé. Ainsi, un enfant en bas âge a un domicile, bien qu'il n'ait point d'établissement, dans le sens propre de ce mot. L'établissement dont il est question consiste dans l'intérêt, de quelque nature qu'il soit, intérêt de famille, de propriété, de fonctions, qui attache une personne à un certain lieu. Cet intérêt (l'établissement) est principal, lorsqu'il est tel qu'il nous attache à un lieu de préférence à tout autre.

Notre article porte que le domicile, quant à l'exercice des droits civils, est au lieu où... Ces expressions, quant à l'exercice des droits civils, n'ont pas le sens qu'elles semblent avoir. Elles ne signifient point qu'on ne peut exercer ses droits civils que là où l'on est domicilié car la plupart des droits de cette nature sont indépendants du domicile. Ainsi, on peut partout, en quelque lieu que ce soit, acheter et vendre, faire ou recevoir des donations, tester, etc. Les droits civils dont l'exercice ne peut avoir lieu qu'au domicile sont peu nombreux; je les ai signalés ci-dessus.

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En employant les expressions quant à l'exercice des droits civils, les rédacteurs du code n'ont eu qu'un but: ils ont voulu montrer qu'ils n'entendaient s'occuper du domicile que sous le rapport des droits civils, afin de laisser aux lois spéciales le règlement du domicile politique. - Ces deux domiciles sont le plus souvent dans le même lieu; mais ils peuvent être séparés.

(a) M. Baudry-Lacantinerie, (n° 297) distingue le domicile de la résidence, et la résidence de l'habitation. "Le domicile, dit-il, est le siège légal d'une personne, c'est son siège juridique et par suite, quelquefois fictif.... La résidence est le siège réel, le siège de fait d'une personne. Elle est au lieu de l'habitation ordinaire de la personne, par conséquent soit au domicile, soit ailleurs. Une même personne peut avoir plusieurs résidences, une résidence d'été et une résidence d'hiver par exemple, tandis qu'elle ne peut avoir qu'un domicile, parce que le domicile est situé au lieu, nécessairement unique, du principal établissement, c'est-à-dire de celui qui l'emporte sur les autres. Enfin l'habitation est le siège accidentel de la personne. Elle est partout où l'on se fixe, même pour un très court espace de temps, en voyage par exemple, dans toutes les localités où l'on s'arrête pour les explorer." Il ajoute que "la résidence et l'habitation résultent d'un lien de fait entre une personne et un certain lieu où elle habite même temporairement.... tandis que le domicile résulte d'un lien beaucoup plus résistant, d'un lien de droit entre la personne et un certain lieu où se trouvent concentrés ses intérêts, où par suite elle est présumée habiter le plus souvent ou tout au moins être représentée par quelqu'un même en son absence, de sorte qu'au domicile on doit toujours trouver ou la personne elle-même ou son représentant." Cette définition est en substance la même que celle donnée par Ortolan.

Le domicile ne doit pas être confondu avec la résidence. L'un est un droit, l'autre est un fait.

La résidence, dans le sens propre et rigoureux, est un lieu où l'on se trouve actuellement; elle s'acquiert par l'habitation et se perd avec elle. Je réside là où je suis et tant que j'y suis.

Le domicile, au contraire, est indépendant de l'habitation; on ne l'acquiert point, on ne le perd point nécessairement avec elle. Ainsi, on peut être domicilié dans un lieu où l'on n'a jamais réside, qu'on ne connaît pas. Une jeune fille épouse à Marseille, où elle est domiciliée, un jeune homme qui a son domicile à Paris: dès que le mariage est célébré, cette jeune fille, devenue femme, a son domicile chez son mari, et, par conséquent, à Paris (art. 83), où peut-être elle n'est jamais venue. Il est possible, à l'inverse, qu'on ne soit pas domicilié dans le lieu où l'on a eu sa résidence pendant dix, quinze ans, pendant toute sa vie peut-être. Une femme mariée domiciliée à Marseille accouche à Paris, où elle laisse son enfant; cet enfant, aujourd'hui âgé de vingt ans, a toujours habité Paris, chez la personne à laquelle il a été confié: il a son domicile où il n'a jamais résidé, chez son père, à Marseille, et sa résidence à Paris, où il n'est point domicilié (art. 83).

Je viens de dire que la résidence se perd, dès qu'on cesse d'habiter là où l'on réside; cela n'est vrai toutefois qu'en prenant le mot résidence dans son sens rigoureux. Que si, au contraire, on l'apprécie juridiquement, quant aux effets civils que la loi y attache (elle tient lieu du domicile lorsqu'il est inconnu), alors elle n'est plus si étroitement subordonnée au fait de l'habitation: une absence de quelques jours, un voyage, ne la fait pas perdre, s'il est démontré d'ailleurs que l'absent ne l'a quitté qu'accidentellement et avec l'intention de la reprendre bientôt.

III. Des différentes espèces de domicile. Le domicile est réel ou d'élection.

Le premier est général; le second est spécial, choisi pour une affaire particulière (art. 85). Personne ne peut avoir plus d'un domicile réel; on peut, au contraire, avoir autant qu'on veut de domiciles d'élection. C'est un point que je démontrerai bientôt. Le domicile réel se subdivise en domicile d'origine et domicile acquis.

Le domicile acquis se subdivise, à son tour, en domicile volontairement acquis et domicile établi par la loi.

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I. Du domicile d'origine, sance, un domicile.

Toute personne reçoit, à sa nais

L'enfant légitime a son domicile chez son père, à défaut du père, chez sa mère.

L'enfant naturel a le sien chez le père ou la mère qui l'a reconnu. S'il a été reconnu par l'un et par l'autre, on décide généralement qu'il est domicilié chez son père, dont il porte le nom et sous l'autorité duquel il est placé (1). Toutefois, Demante pense qu'il n'y a pas de raison pour lui attribuer le domicile du père plutôt que celui de la mère. "On lui donnera, dit-il, le domicile que les circonstances indiqueront, et ce devra être évidemment celui de la mère, s'il habite avec elle, tandis qu'il n'a que de trois rares rapports avec son père" (2).

S'il n'a été reconnu ni par l'un ni par l'autre, il son domicile dans l'hospice où il a été placé, ou chez son tuteur, si on lui en a donné un. S'il a été recueilli par une personne qui en prend soin et avec laquelle il habite, il est alors domicilié chez elle, car c'est là qu'il a son principal établissement.

II. Du domicile acquis, c'est-à-dire du domicile choisi volontairement;-En d'autres termes, du changement du domicile.-L'enfant qui n'est pas encore majeur, ou au moins émancipé, conserve, qu'il le veuille ou qu'il ne le veuille pas, le domicile que la loi lui a donné, son domicile d'origine, ou plutôt le domicile de son père ou de sa mère, car le domicile qu'il a reçu à sa naissance subit toutes les variations qu'éprouve celui de son père ou de sa mère.

Lorsqu'il est majeur ou émancipé, sa majorité ou son émancipation ne lui fait pas perdre sans doute son domicile d'origine; mais il n'est plus, comme par le passé, obligé de le conserver: la loi lui permet de le changer au gré de son intérêt ou de son caprice, et de le transporter où bon lui semble.

Ce changement de domicile, il ne peut l'opérer que par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement.

Ainsi, deux conditions sont exigées : 1° habitation réelle effectuée dans un autre lieu que celui où l'on a son domicile actuel ; 2 intention de fixer dans ce nouveau lieu son principal établissement.

(1) Voy. notamment M. Laurent, t. II, n° 88. (2) Cours analyt., t. I., p. 205.

Le fait de l'habitation dans un autre lieu est toujours facile à vérifier.

Mais comment l'intention d'y fixer son principal établissement se reconnaitra-t-elle ?

Si la personne qui se propose de changer son domicile veut ne laisser aucune incertitude sur son intention et avoir un domicile notoire, certain, [[elle peut en faire une déclaration expresse. En France,]] la loi lui en fournit un moyen facile: qu'elle déclare expressément l'intention où elle est de changer de domicile, d'une part, à la mairie du lieu qu'elle quitte, d'autre part, à la mairie du lieu où elle veut s'établir. Cette double déclaration fait preuve complète de son intention (a).

La déclaration, faite à l'une des mairies seulement, ne suffirait point. Elle indiquerait, en effet, plutôt le projet que l'intention bien arrêtée d'un changement de domicile; le défaut de déclaration dans l'une des mairies pourrait d'ailleurs, induire en erreur les tiers qui chercheraient dans celle-là leurs renseignements.

A défaut de cette double déclaration, la preuve de l'intention résultera des circonstances. Mais quelles sont les circonstances d'où on pourra l'induire? La loi n'en indique particulièrement aucune; elle les abandonne toutes à la sagacité et à l'appréciation des juges.

Parmi les circonstances propres à la manifestation de l'intention de changer son domicile, on cite particulièrement les suivantes : 1o La personne a, dans la localité nouvelle où elle habite, participé aux avantages attaché au domicile, par exemple, [[elle a joui d'un droit de commune réservé à ceux qui sont domiciliés en cette localité ;]]

2o Elle y a, sans contestation, payé [[une taxe,]] laquelle n'est due que dans l'endroit du domicile réel;

3o Elle a comparu, en matière personnelle, devant le tribunal du lieu où elle habite actuellement, sans demander son renvoi devant le tribunal du lieu de son ancien domicile ;

4° Elle a vendu tous les biens qu'elle avait à son ancienne habitation, et elle en a acquis au lieu de son habitation nouvelle; toute sa famille l'y a suivie.

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(a) L'article 104 du code Napoléon offre à la partie qui désire changer de domicile, ce moyen de manifester son intention. Notre "article", disent les codificateurs, "ne parle pas de ces déclarations auxquelles notre système se prêterait difficilement: cependant si "elles étaient faites et reçues, elles ne manqueraient pas d'avoir "leur effet". Du reste, M. Baudry-Lacantinerie (n° 314) constate que cette manifestation expresse de l'intention de changer de domicile n'est guère en usage.

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