Images de page
PDF
ePub

devenue veuve, la refuse, le père ou la mère survivante conserve la puissance paternelle, tandis que la tutelle est confiée à un étranger: dans ce cas, le mineur a son domicile, non pas chez son père ou sa mère, mais chez son tuteur. L'esprit de la loi est que les incapables aient leur domicile chez la personne qui, ayant le gouvernement de leur fortune et la direction de leurs affaires, les représente dans tous les actes de la vie civile (a).

La loi confie au mineur émancipé le gouvernement de sa personne et l'administration de ses biens; par cela même, elle lui donne la faculté de fixer son domicile où il juge convenable de l'établir (1). Il est bien entendu, au reste, qu'il conserve son domicile d'origine, tant qu'il n'en a pas acquis un nouveau (b).

4° L'interdit [[pour démence]], de même que le mineur non émancipé, a son domicile chez son curateur.—[[Notre article 83 dit que "le majeur interdit pour démence a le sien (son domicile) "chez son curateur." Lorsqu'une femme est interdite, son mari,

(1) M. Bug., sur Poth., t. I, p. 5.

(a) Cette solution est contestée, mais je dois avouer que les raisons invoquées par Mourlon, me paraissent très fortes. La disposition de notre article 83, à ce sujet, se lit comme suit; "Le mineur non “émancipé a son domicile chez ses père et mère ou tuteur". En indiquant d'abord les père et mère, on paraît donner à ceux-ci la préférence sur le tuteur. La plupart des auteurs disent que le mineur à son domicile chez ses père et mère, si tous deux vivent; au contraire, si l'un d'eux est décédé, et qu'on ait donné au mineur un tuteur étranger, son domicile sera chez ce dernier (Demolombe, t. I, n° 359; Laurent, t. II, no 88; Duranton, t. I, no 387; Baudry-Lacantinerie, t. I, n° 308). Pothier (Introduction générale aux coutumes, no 17) pense que le mineur qui, à la mort de son père, est mis sous la tutelle d'un parent, lequel a son domicile dans un autre lieu, n'en conserve pas moins le domicile paternel, car, ajoute-t-il, les mineurs ne font pas partie de la famille de leur tuteur. MM. Aubry et Rau donnent la préférence au tuteur, même sur les père et mère vivants, t. I, § 143, p. 581. Le juge Loranger, Commentaires sur le code civil, t. I, nos 339-344, croit que le domicile du mineur non émancipé est chez le père ou mère survivant et non chez le tuteur, mais le savant magistrat paraît envisager plutôt la résidence que le domicile, ce qui n'est pas la même chose. L'enfant mineur ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de son père (art. 244), mais il peut être domicilié ailleurs.

(b) Quel est le domicile de l'enfant naturel? Si cet enfant à un tuteur, il est domicilié chez ce tuteur, il importe peu qu'il soit reconnu ou non. S'il n'a pas de tuteur, et que ses père et mêre sont inconnus, il est domicilié chez la personne qui prend soin de lui. Si sa filiation est établie par rapport à l'un de ses auteurs, il sera domicilié chez ce dernier et sa reconnaissance par l'autre ne changera pas son domicile. S'il est reconnu par les deux dans le même acte, il sera domicilié chez celui avec qui il demeurera (Baudry-Lacautinerie, n° 309). Voir l'opinion de Mourlon sur cette quession, supra, p. 230.

à moins de raisons jugées valables, doit être nommé son curateur (art. 342); c'est donc chez lui qu'elle est domiciliée.

Que si son mari s'est fait excuser de la curatelle, s'il en est exclu ou destitué, la femme alors conserve chez lui sa résidence, mais c'est chez son curateur qu'elle a son domicile: car, ainsi que je l'ai dit, l'esprit de la loi est de donner à ceux qui n'ont pas l'exercice de leurs droits le domicile de la personne qui les représente dans l'administration de leurs biens.

Lorsque le mari est interdit, on peut lui donner pour curateur un étranger ou sa femme elle-même (art. 342).. Dans le premier cas, la femme, suivant le domicile de son mari, est domiciliée chez le curateur de celui-ci (1); dans le second, le mari a son domicile chez sa femme.

5o Les MAJEURS qui servent ou travaillent HABITUELLEMENT chez autrui ont le même domicile que la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent, LORSQU'ILS DEMEURENT AVEC ELLE DANS LA MÊME MAISON (α). · La loi suppose qu'ils ont l'intention de fixer chez leur maître leur principal établissement, parce que c'est chez lui qu'ils ont leur principale affaire. Cette présomption ne peut pas même être détruite par la déclaration d'une volonté contraire: ce qu'ils font l'emporte sur ce qu'ils disent.

"Les majeurs......" Cette expression est tout à la fois trop restreinte et trop générale. Elle est trop restreinte: car, les mineurs émancipés étant, de même que les majeurs, libres de choisir leur domicile, la même règle doit les régir. Elle est trop générale car l'article 84, dont la disposition est fondée sur une présomption de volonté, ne régit point les majeurs incapables d'avoir une volonté, tels que les interdits et les femmes mariées. Ces personnes, alors même qu'elles habitent avec le maître au service duquel elles sont, restent domiciliées, l'interdit chez son curateur, la femme mariée chez son mari (2).

"Habituellement (b)" Ils conservent donc leur propre domi

(1) Dur., t. I, n° 371; Demol., t. I, n° 363.- Contrà, MM. Aubry et Rau, t. I, § 143, p. 580, note 7.

(2) Demol., t. I, n° 133; Demol., t. I, n° 368; Dur., Bonn. et Roust., t. I, n° 175.

(a) C'est identiquement le texte de l'article 84 de notre code.

(b) Le texte anglais de l'article 84 dit: continuously. Remarquons que Mourlon paraît exiger un travail continu. Seulement, comme notre article est copié textuellement sur l'article 109 du code Napoléon, il faut s'en tenir au mot habituellement, si réellement cette différence peut entraîner quelque résultat pratique.

cile lorsque leur travail, au lieu d'être continu et permanent, n'est fourni qu'à certains intervalles, par exemple, à certaines saisons de l'année.

Lorsqu'ils habitent avec elle la même maison..." Ainsi, point de translation de domicile, lorsque les ouvriers qui travaillent habituellement chez leur maître viennent chez lui le matin et se retirent chez eux le soir.

En résumé, les ouvriers ou domestiques ont leur domicile chez leur maître, lorsque ces trois conditions concourent. Il faut : 1° qu'ils soient capables de choisir leur domicile; 2° qu'ils travaillent habituellement chez leur maître; 3° qu'ils habitent avec lui (a). Questions. Peut-on n'avoir pas de domicile?

Recherchons, avant de résoudre la question, l'intérêt qui s'y rattache.

Si nous supposons, d'une part, que le domicile d'origine d'une personne est complètement inconnu, ce qui est possible; d'autre part, qu'elle n'a en aucun lieu fixé son principal établissement; en d'autres termes, si nous supposons une personne qui n'a point de domicile nouveau, et dont le domicile d'origine est inconnu, en fait, c'est comme si elle n'en avait pas sa résidence le remplace alors et en tient lieu.

Que si sa résidence est elle-même inconnue, ceux qui la poursuivent en justice [[doivent la faire appeler par la voie des journaux.]]

Quant à sa succession, elle s'ouvre au lieu de sa résidence, si elle est connue, et, dans le cas contraire, au domicile de l'un des héritiers, au choix de celui qui l'actionne, soit en partage de la succession, soit en paiement d'une dette ou d'un legs (1).

Ainsi, dans cette espèce, notre question ne présente aucun intérêt.

Supposons, au contraire, l'espèce suivante: Paul, qui a eu son domicile d'origine à Marseille, n'y a jamais résidé ; il n'y a aucun

(1) M. Demol., t. I, n° 348. [[Voir l'article 39 de notre code de procédure]].

(a) M. Baudry-Lacantinerie (n° 311) incline à penser que si, par exemple, le maître est domicilié à Paris, mais possède une maison de campagne à St Cloud où sa femme demeure actuellement et où il réside avec elle le plus souvent, et où demeurent les serviteurs qui sont exclusivement attachés au service de cette maison, ces serviteurs seront domiciliés à cette maison de campagne.

Le domicile de dépendance cesse avec le fait qui lui sert de fondement. Ce domicile de droit se transforme alors en un domicile de fait qui subsiste tant qu'un autre domicile n'a pas été acquis. BaudryLacautinerie, no 312.

bien, aucune affaire, aucun intérêt, aucun lien qui l'y appelle ou qui l'y attache: en fait, il y est complètement étrànger: donc, en fait, il n'y a point son principal établissement.

Dans ce cas, si Paul n'a point adopté un nouveau domicile, s'il n'a point de principal établissement dans un autre lieu, doit-on dire que légalement, en droit, il n'a point de domicile ?

Admet-on la négative: les exploits d'assignation peuvent lui être signifiés à Marseille, où il a son domicile d'origine; c'est là qu'il sera valablement assigné en matière personnelle ou mobilière, là que s'ouvrira sa succession.

Tient-on pour l'affirmative: les choses se passent comme dans l'hypothèse où le domicile d'origine est inconnu.

On comprend dès lors combien est grand l'intérêt de la question que nous avons posée: une personne peut-elle n'avoir pas de domicile ?

Je n'hésite point à la résoudre négativement. L'homme, à sa naissance, reçoit un domicile que la loi lui donne. Ce domicile, on peut le perdre, sans doute; mais on ne peut pas l'abandonner purement et simplement: on ne le perd qu'en en acquérant un autre. C'était l'avis de Pothier (1). Le code s'en est-il écarté ? Rien ne nous autorise à le croire. Le texte de la loi, en parfaite harmonie avec l'idée de Pothier, justifie plutôt l'interprétation contraire le code règle, en effet, le changement de domicile; mais il ne parle nulle part de l'abdication pure et simple du domicile.

Les travaux préparatoires du code Napoléon confirment notre interprétation: "L'enfant, disait M. Emmery, dans son Exposé de motifs au Corps législatif, n'a d'autre domicile que celui de son père; le vieillard, après avoir vécu loin de la maison paternelle, y conserve encore son domicile, s'il n'a pas manifesté l'intention D'EN PRENDRE UN AUTRE" (2).

La position d'une personne qui n'aurait point de domicile. serait antisociale et contraire à l'ordre public: la loi n'a pas dû la tolérer. Nous pouvons bien renoncer aux droits qu'elle confère lorsqu'ils n'ont trait qu'à notre intérêt privé; mais il en est différemment de ceux qui touchent à l'ordre public, qui, se rattachant à l'organisation même de la société, intéressent les tiers aussi bien que la personne qui les a. Or, le domicile est précisément un droit de cette nature! Ce n'est pas seulement un droit, c'est

(1) Introd. gén, aux Cout., no 12.

(2) Fenet, t. VIII, p. 346.

encore un devoir, et nous n'avons pas le droit de nous affranchir des devoirs que la loi nous impose.

On fait à ce système trois objections:

1o Le domicile est au lieu où l'on a son principal établissement (art. 79); or, dans l'espèce, la personne dont il s'agit n'a point son principal établissement au lieu où elle a eu son domicile d'origine car elle a rompu, nous le supposons, toute relation avec lui; elle n'y a conservé aucun bien, aucune affaire, aucun intérêt. D'autre part, nous le supposons encore, elle n'a point d'établissement au lieu de sa résidence actuelle. Dès lors, elle n'a point de domicile, puisqu'elle n'a point de principal établissement; le fait l'emporte sur le droit.

La réponse est facile. En fait, cette personne n'a point d'établissement, je le reconnais; mais, en droit, elle en a un. La loi suppose, en effet, qu'elle a, sinon un intérêt pécuniaire, au moins un intérêt d'affection, un souvenir, qui la rattache, de préférence à tout autre, au lieu où elle a son domicile d'origine. Čet intérêt constitue son principal établissement. La présomption de la loi est peut-être contraire à la vérité; mais qu'importe ? les présomptions légales cessent-elles donc d'être obligatoires pour le juge parce qu'elles lui paraissent choquer la vraisemblance? Dire que la réalité doit prévaloir sur la supposition de la loi, c'est tout simplement soutenir que la loi ne doit pas être observée.

2° Notre système, dit-on, présente les plus graves inconvénients car il amène ce résultat injuste que les significations qui doivent être faites à la personne pourront l'être dans un lieu avec lequel elle n'a aucune relation; en sorte qu'il n'y a aucune chance que les actes signifiés parviennent à sa connaissance. N'est-il pas plus juste, plus naturel, que les significations soient faites à sa résidence, quand elle est connue et certaine? (a)

Ce résultat est fort dur, sans doute; mais la personne qui en souffre l'a accepté d'avance, elle s'y est volontairement soumise, en conservant un domicile compromettant. Elle pouvait en choisir un plus commode, elle ne l'a pas fait qu'elle supporte donc la peine de sa négligence!

(a) L'article 57 de notre code de procédure prévoit tous les cas possibles. La signification se fait soit au défendeur en personne, ou à son domicile, ou au lieu de sa résidence ordinaire en parlant à une personne raisonnable faisant partie de la famille. A défaut de domicile régulier, l'assignation doit être donnée au défendeur à son bureau d'affaires ou etablissement de commerce s'il en a un. Cet article peut donner lieu à des difficultés d'interprétation, mais ces difficultés ne me paraissent pas insurmontables.

« PrécédentContinuer »