Images de page
PDF
ePub

désigne sous le nom d'absent (articles 180, 223). Le titre De l'absence n'a point trait aux non-présents; les règles dont il se compose sont exclusivement applicables aux présumés ou aux déclarés absents (a).

Le présumé absent, [[suivant l'expression du droit français ou l'absent, dans notre droit,]] est celui dont l'existence est devenue incertaine par suite de sa disparition insolite de son domicile, jointe au manque de toute nouvelle; en d'autres termes, celui dont on ne connaît pas la résidence, dont on n'a pas de nouvelles, et dont par cette double raison, l'existence est incertaine.

Le déclaré absent, ou plus brièvement l'absent (b), est celui dont l'absence a été déclarée, c'est-à-dire vérifiée et constatée par un jugement.

Ainsi, ce qui constitue l'absence, c'est l'incertitude de lu vie. Une personne a disparu de son domicile ou de sa résidence, sans qu'on sache ce qu'elle est devenue; personne n'en peut donner de nouvelles. Est-elle décédée? Vit-elle encore? Nul ne le sait ! Ce doute, c'est l'absence (c).

A mesure que le temps s'écoule depuis la disparition de l'absent, l'incertitude de sa vie augmente; elle est, en quelque sorte, proportionnelle à sa durée. De là, trois degrés dans l'incertitude de la vie, ou trois périodes dans l'absence:

1° La présomption d'absence [[ou, dans notre droit, la curatelle aux absents ;]]

2o La déclaration d'absence, [[ou, dans notre droit,]] l'envoi en possession provisoire des biens de l'absent au profit de ses héritiers présomptifs.

3° L'envoi en possession définitif.

La possibilité du décès, très faible dans la première période,

(a) Remarquons que la définition de l'absent que donne l'article 86 ne s'applique qu'à ce titre du code civil. "L'absent, dit cet article, dans le sens du présent titre, est celui", etc. Donc, si une disposition d'un autre titre se sert du mot absent, on l'entendra, à moins d'une déclaration expresse contraire, dans le sens du non-présent. Voir, an même effet, les causes de La Banque de Québec v. Bryant (R. J. Q., 1 C. S., p. 53) et de Turcotte v. Nolet (R. J. Q., 4 C. S., p. 438).

(b) On désignera, dans notre droit, cette personne comme absente dès qu'elle est disparue de son domicile sans qu'on ait aucune nouvelle de son existence; à ce sujet on ne distingue pas entre les époques de l'absence.

(c) Notre code définit ainsi l'absent à l'article 86. "L'absent, dans "le sens du présent titre, est celui qui, ayant eu un domicile dans le "Bas-Canada, a disparu sans que l'on ait aucune nouvelle de son "existence."

plus forte dans la seconde, acquiert une plus grande force encore dans la troisième.

La première période, ou la présomption d'absence, [[ou la curatelle aux absents]] comprend tout le temps qui s'écoule depuis la disparition ou les dernières nouvelles, jusqu'à [[l'envoi en possession provisoire ce qui, dans notre droit, constitue une]] déclaration d'absence. L'absence ne peut être déclarée qu'après cinq ans : la présomption d'absence dure donc cinq ans (a).

La seconde période, ou la déclaration d'absence, dure, [[dans notre droit, trente ans au moins, à compter de la disparition]]; toutefois elle finit avant ce terme lorsqu'il s'est écoulé cent ans depuis la naissance de l'absent.

-La troisième période, ou l'envoi en possession définitif, commence quand finit la seconde ; elle dure indéfiniment, c'est-àdire tant que dure l'incertitude de la vie de l'absent.

Chacune de ces périodes a ses règles particulières, motivées sur les circonstances qui la caractérisent.

Dans la première, le retour de l'absent étant probable, la loi prend des mesures propres à lui assurer la conservation de ses biens; l'intérêt de l'absent est ici au premier plan.

Dans la seconde, l'espoir de son retour étant moins grand, la loi ne veut plus que ses biens restent vacants et sans maître pour les administrer: elle en confie donc la possession provisoire à ceux qui les auraient définitivement s'il était décédé [[ab intestat]] au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles.-Elle ne leur donne toutefois que des pouvoirs limités, et sous certaines garanties qu'elle stipule dans l'intérêt de l'absent, en prévision de son retour. [[Dans notre droit, le législateur paraît encore, pendant cette époque, se préoccuper des droits de l'absent, mais il ne néglige pas ceux des tiers.]]

Dans la troisième, son retour étant devenu fort peu probable, la loi affranchit les envoyés en possession provisoire des entraves qu'elle apportait à leur administration. L'intérêt des tiers et de la société la préoccupe exclusivement.

(a) Le code Napoléon fait à ce sujet une distinction qui ne se trouve pas dans notre code. Si l'absent n'a pas laissé de procuration, l'absence sera déclarée au bout de cinq ans ; au contraire, l'existence d'une procuration retardera la déclaration de l'absence pendant onze ans à compter de la disparition ou des dernières nouvelles. Dans notre droit, l'existence d'une procuration ne peut qu'empêcher la curatelle aux biens de l'absent; elle n'a aucun effet sur l'époque de l'envoi en possession provisoire.

Les règles de l'absence ne sont pas toujours particulières à l'une ou à l'autre des périodes dont elle se compose. Quelquesunes, qui sont générales, s'appliquent dans toutes les hypothèses. Telles sont: 1° la règle suivant laquelle les droits éventuels ne s'ouvrent point au profit de l'absent; 2° la défense faite à son conjoint de contracter un nouveau mariage.

[[Avant de terminer ces observations générales, il importe de bien saisir le sens du mot absent dans notre droit. Je n'ai pas besoin de revenir sur la question des non-présents, elle est traitée plus haut.

"L'absent, dans le sens du présent titre," dit l'article 86, "est "celui qui ayant eu un domicile dans le Bas-Canada, a disparu "sans que l'on ait aucune nouvelle de son existence."

De cette définition il résulte: 1° que toute personne, et non pas seulement les sujets britanniques, peut être déclarée en état d'absence; 2° que la seule personne qui peut être déclarée absente, c'est une personne qui a eu un domicile dans la province de Québec. Donc, qu'une personne qui n'a pas eu un domicile en la province disparaisse, ses héritiers ne peuvent demander l'envoi en possession des biens qu'elle peut avoir même dans les limites de cette province. Ce n'est pas à dire que ces biens iront à l'abandon, car, comme c'est une question de capacité et que nos lois n'ont pas d'application, les mesures prescrites, pour l'administration de ces biens, par la loi du domicile de l'absent, recevront ici leur application.

Il y a une autre remarque très importante à faire. Les codificateurs avaient d'abord songé à reproduire intégralement le titre De l'absence du code Napoléon. Mais comme ils avaient, au préalable, à énoncer la loi telle qu'elle était en cette province, avant de proposer des amendements, ils s'occupèrent de ce travail préliminaire. Cependant, quand le travail fut fait, ils ont trouvé qu'il formait "un ensemble de dispositions qui, au mérite d'être "en harmonie avec notre jurisprudence actuelle, réunissait celui "de régler d'une manière correcte et suffisante, dans l'opinion des "commissaires, les questions que soulève l'absence. C'est pour "ces raisons qu'ils soumettent le présent titre en préférence à "celui du code Napoléon, dont il diffère sous plusieurs rapports."

Nous aurons donc, dans le cours de ce travail, à nous mettre en garde contre les déductions que les auteurs français tirent d'un système de jurisprudence qui diffère de notre droit, en certains points essentiels.]]

CHAPITRE PREMIER. - DE LA PRÉSOMPTION d'absence [[OU DE LA CURATELLE AUX ABSENTS.]]

Il faut distinguer: 1° le cas où le présumé absent n'a point laissé un mandataire chargé d'administrer ses biens; 2o le cas où il en a laissé un.

PREMIER CAS. De l'absent qui n'a point, avant sa disparition, confié à un mandataire le soin de gerer son patrimoine en son absence.

Sa négligence, si elle n'était pas réparée, deviendrait préjudiciable à lui-même d'abord, et, par suite, à sa famille qui a besoin de ses secours, à ses créanciers, dont les droits seraient compromis si son patrimoine, qui est leur gage, dépérissait faute de soins, et enfin à l'État, toujours intéressé à la conservation et à la prospérité des fortunes particulières. La loi a dû, en conséquence, intervenir et prendre les mesures propres à conserver le patrimoine qu'il a si imprudemment abandonné.

Mais quand et à quelles conditions ces mesures peuvent-elles être prises? Quelle autorité les ordonne? Quelles personnes ont qualité pour les requérir? Les articles 87 et 88 répondent à chacune de ces questions.

[[L'article 87 de notre code correspond à l'article 112 du code Napoléon. Il dit que "s'il y a nécessité de pourvoir à l'adminis"tration des biens d'un absent qui n'a pas de procureur fondé, ou "dont le procureur n'est pas connu ou refuse d'agir, il peut, à "cette fin, être nommé un curateur." Cet article va plus loin que l'article 112; il pourvoit à la nomination d'un curateur; le code Napoléon n'en parle pas, quoique la doctrine l'admette. Notre article prévoit également le cas de refus d'agir du procureur laissé par l'absent, ce qu'on admet également en France. M. BaudryLacantinerie (t. Ier, no 330) veut aussi que la justice intervienne quand les pouvoirs du procureur laissé par l'absent ne sont pas assez amples. Cette solution doit être admise, car la loi ne renonce à nommer un administrateur que quand l'absent en a nommé un lui-même. Or si cet administrateur n'a pas des pouvoirs suffisants, il ne pourra administrer les affaires de l'absent. Cependant, il semblerait convenable, dans ce cas, de nommer ce procureur curateur, car c'est en lui que l'absent a reposé sa confiance.]]

I. Quand et à quelles conditions ces mesures peuvent être prises.Elles ne peuvent l'être qu'autant qu'il y a nécessité d'y recourir.

Toullier a bien mis en lumière le motif de cette disposition. "On pourrait, dit-il, sous le spécieux prétexte d'une protection précipitée, préjudicier à l'absent au lieu de le servir. Une telle précipitation nuirait à la liberté : personne n'oserait s'éloigner du lieu qu'il habite s'il avait à craindre que, sous prétexte de veiller à ses intérêts, on pût pénétrer dans le secret de ses affaires, en pénétrant dans son domicile " (1).

La justice doit donc rechercher :

1° Si la personne qui a disparu de son domicile se trouve dans l'impossibilité reconnue de pourvoir elle-même à ses intérêts, ou, en d'autres termes, si elle est en état de présomption d'absence, c'est-à-dire si son existence est incertaine. La présomption d'absence ne commence pas nécessairement avec la disparition ou à la date des dernières nouvelles: son point de départ dépend uniquement des circonstances. C'est donc une pure question de fait que les juges auront à décider.

2° Si ses biens sont en souffrance, si ses droits sont compromis. La loi, au reste, ne détermine ni les cas où il y a nécessité d'agir, ni les mesures à prendre; elle s'en rapporte, à cet égard, à la sagesse de la justice et lui laisse une latitude indéfinie. [[Elle ne nomme le curateur que dans un cas de nécessité et alors elle détermine les pouvoirs de ce curateur. Le code a fixé pour cela une règle que l'article 91 énonce comme suit:

91.-"Les pouvoirs de ce curateur se bornent aux actes de "pure administration; il ne peut aliéner, engager, ni hypothéquer "les biens de l'absent." J'examinerai plus en détail les pouvoirs de ce curateur, pour le moment, il me suffira de dire comme exemple, que le législateur veut]] que les biens soient donnés à bail, lorsqu'ils sont sans culture; que les baux qui sont sur le point d'expirer soient renouvelés; que les réparations nécessaires à tel ou tel bâtiment soient faites; que les denrées qui peuvent se perdre, que les meubles qui dépérissent, soient vendus; qu'on fasse des poursuites contre les débiteurs, pour prévenir leur insolvabilité lorsqu'elle est menaçante, ou pour interrompre une prescription sur le point de s'accomplir.

Le curateur, une fois établi, est le représentant légal du présumé absent, sous condition de se renfermer strictement dans les pouvoirs qui lui ont été confiés (2).

(1) T. I, no 386.

(2) Proud., t. I, p. 201; Dem., t. I, p. 212; Dur., t. I, n° 390; MM. Demol., t. II, n° 56; Aubry et Rau, t. I, § 149, p. 596 et 597; Laurent t. Il, ns 140 et 141.

« PrécédentContinuer »