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"La seconde, quand l'héritier institué, quoique étranger, est "chargé de la procuration de l'absent, pour lors la double con"fiance que le testateur a témoigné avoir en lui, doit le faire "maintenir dans l'administration des biens qui lui avait été con"fiée par l'absent: c'est le sentiment de M. Catelan, t. I, liv. 2, "ch. 57 et de M. de Vedel, en ses observations, liv. 2, ch. 57 (a). "Mais quoique l'héritier institué ne soit, ni héritier présomptif, "ni porteur de procuration, il faut pourtant lui donner un jour la possession des biens de l'absent. M. Catelan, au même endroit, " estime qu'il faut d'abord la donner à l'héritier présomptif, et dix " ans après à l'héritier institué. Je crois qu'il serait mieux de ne "donner la possession à l'héritier institué que trente ans après le "départ de l'absent, ou après la dernière nouvelle qu'on a eue de "lui; mais en quelque temps qu'on la lui donne, si dans la suite "il peut justifier du décès de l'absent, l'héritier présomptif sera "tenu de lui rendre les fruits."

Voir aussi, dans le même sens, feu le juge T. J. J. Loranger, 3 Revue Légale, p. 107.

Je décide la même chose quant au nu propriétaire de biens dont un absent à l'usufruit.

Mourlon est d'avis que l'envoi en possession provisoire peut être demandé par la personne appelée à une substitution dont l'absent est grevé (note au no 408). Il me paraft douteux que cette conséquence découle des principes que j'ai exposés, à moins que l'appelé ne soit l'héritier présomptif de l'absent.]]

IV. Quels sont les biens que peut comprendre l'envoi en possession provisoire. L'envoi en possession provisoire, [[ayant pour but de pourvoir à l'administration des biens que possédait l'absent]] le jour où il a donné le dernier signe de vie, ne peut comprendre que les biens qui, au moment de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, composaient son patrimoine, c'est-à-dire les droits réels ou personnels dont il était alors nanti.

l'eu importe que ces droits soient purs et simples ou subordonnés à une condition: car les droits conditionnels, tout imparfaits qu'ils sont, constituent, dès à présent, un bien acquis, dont on peut disposer, qui figure dans notre patrimoine, et qui, par conséquent, passe avec lui à nos héritiers provisoires ou définitifs

(a) Les deux exceptions de Bretonnier ne peuvent être acceuillies dans notre droit: la première, parce que l'article 93 ne fait aucune distinction entre les héritiers présomptifs; la seconde, parce que cet article ne mentionne que les héritiers présomptifs et exclut par là même les étrangers.

(art. 1085). Il faut, toutefois, excepter ceux dont la nature est telle qu'ils ne peuvent s'ouvrir qu'autant que la personne qui a l'espoir de les recueillir a survécu à l'événement qui doit leur donner naissance: ainsi, les biens compris dans les successions ouvertes depuis l'absence, et qui appartiendraient à l'absent si son existence était prouvée, ne doivent pas être compris dans l'envoi en possession provisoire. Ces biens restent entre les mains de ceux qui les ont recueillis au défaut de l'absent, conformément à l'article 105.

Les fruits que les biens de l'absent ont pu produire depuis sa disparition ou ses dernières nouvelles sont évidemment compris dans l'envoi en possession provisoire: car, ayant été acquis et capitalisés au nom et dans l'intérêt de l'absent, ils ont naturellement accru la masse des biens qu'il avait avant sa disparition. Remarquez que les envoyés en possession provisoire les obtiennent comme des capitaux, qui devront être rendus en totalité à l'absent s'il reparaît.

Mais à qui seront-ils provisoirement remis? A ceux qui recevront la possession provisoire des biens qui les ont produits. [[Ainsi, s'il s'est fait un partage entre les envoyés provisoires, chacun de ces envoyés]] doit recevoir provisoirement les biens qu'il aurait eus, et les fruits qu'il en aurait retirés définitivement, si l'absent était réellement mort au moment de sa disparition ou de ses dernières nouvelles.

[[L'héritier présomptif peut-il renoncer en faveur d'un tiers à son droit à la pessession provisoire et ce cessionnaire peut-il jouir de cette possession conjointement avec les autres héritiers ou envoyés? Il me paraît clair que l'envoyé peut céder son droit car aucune loi ne déclare ce droit incessible. Mais les autres envoyés peuvent-ils exercer le retrait successoral vis-à-vis de ce tiers? La question est controversée, mais Demolombe (t. 2, n° 76 bis) croit que, pour parité de raisons, c'est-à-dire pour empêcher l'ingérance d'étrangers dans les affaires de famille, on doit admettre l'exercice de cette action contre le tiers acquéreur des droits d'un envoyé. Il va sans dire que le cédant et ses cautions sont responsables de la gestion du cessionnaire.]]

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V. Des garanties de restitution et des mesures conservatoires que la loi exige ou prescrit en prévision du retour de l'absent. - [[L'article 97 de notre code dit que ceux qui ont obtenu la possession "provisoire doivent faire procéder devant notaire à l'inventaire "du mobilier et des titres de l'absent, et à la visite par experts "des immeubles, afin d'en constater l'état. Le rapport est

homologué par le tribunal et les frais en sont pris sur les biens "de l'absent. Le tribunal qui a accordé la possession ordonne, "s'il y a lieu, de vendre tout ou partie du mobilier; auquel cas "il est fait emploi du prix de la vente, ainsi que des fruits "échus."]] Ces garanties et mesures conservatoires sont :

1o Le cautionnement et l'inventaire : cette mesure est toujours obligatoire;

2o La vente des meubles et le placement des capitaux: cette mesure est laissée à l'appréciation du tribunal;

3o La constatation de l'état des immeubles : cette mesure est [[de rigueur.]]

Ainsi, 1° les envoyés en possession provisoire DOIVENT :

D'une part, fournir caution pour sûreté de leur administration (art. 93 in fine). La caution est reçue par le [[protonotaire ou au greffe.]] Mais on ne la reçoit qu'autant qu'elle réunit les conditions prescrites par les articles 1938, 1939 et 1962. Les envoyés en possession provisoire qui ne trouvent point de caution sont admis à donner à la place une garantie d'une autre nature, par exemple, une bonne et suffisante hypothèque (art. 1963); s'ils ne peuvent ni fournir une caution, ni donner à sa place une autre garantie suffisante, on peut, par analogie, leur faire l'application des articles 465 et 466 (1) (a). D'autre part, faire procéder à l'inventaire des meubles et des titres de l'absent [[devant notaire.]] Il est utile de constater ce que les envoyés recueillent, afin, s'il y a lieu, de savoir ce qu'ils devront rendre (b).

2o Le tribunal PEUT, lorsqu'il l'estime convenable, leur imposer l'obligation de vendre les meubles et de faire emploi du prix en provenant [[ainsi que des fruits échus.]]-Ainsi, la question de savoir si les envoyés en possession provisoire vendront les meubles, ou s'ils les garderont en nature, est entièrement abandonnée à l'appréciation du tribunal, qui la résoudra suivant

(1) Telle est l'opinion générale (voy. MM. Aubry et Rau, t. I, § 152, p. 603, note 9 [[et M. Baudry-Lacantinerie, n° 353.]]) Je l'ai combattue dans la Rev. prat., t. I, p. 132; Comp. M. Laurent, t. II, n° 171.

(a) Il me paraît douteux que les articles 465, 466 puissent être étendus à 'envoyé dans notre droit. Ils comportent paiement des fruits à l'usufruitier, ce que l'envoyé provisoire ne peut jamais réclamer.

(b) Dans notre droit, on fera l'inventaire en se conformant aux dispositions des articles 1304 et suivants du code de procédure civile. Dans les cas ordinaires d'inventaire, on procède en présence des parties; ici les parties sont les envoyés.

les circonstances, en ayant égard à la nature des meubles et à la qualité des envoyés en possession. Il convient, par exemple, que les choses qui dépérissent par le temps, ou dont la conservation est difficile et dispendieuse, telles que les denrées, les marchandises à la mode, les chevaux et la plupart des meubles meublants, soient transformées en un capital dont la nature est d'aller toujours en grossissant par l'accumulation des intérêts qu'on peut lui faire produire. On devra, au contraire, être plus réservé en ce qui concerne les tableaux, les livres et autres objets auxquels l'absent attache peut-être un prix d'affection. Mais, dans l'un et l'autre cas, la qualité de l'envoyé en possession devra être prise en considération. Ainsi, bien qu'il importe peut-être à l'absent que tels ou tels meubles soient conservés ou vendus, les juges pourront néanmoins ordonner la vente ou la conservation, lorsque cette mesure est réclamée par son fils et dans un intérêt légitime. La loi n'indique point les formes à suivre pour la vente des meubles. C'est donc un point laissé à l'appréciation du tribunal, qui peut ordonner qu'ils seront vendus à l'amiable ou suivant les formes prescrites pour la vente des biens mobiliers appartenant à un mineur, c'est-à-dire aux enchères et après affiches (art. 293 C. civ.). [[Je crois que cette disposition s'applique aux meubles incorporels comme aux meubles corporels.]] (a)

Elle n'indique point non plus la manière dont il devra être fait emploi du prix des meubles [[ainsi que des fruits échus]]; elle garde également le silence sur le délai dans lequel l'emploi devra être fait. Ces deux points encore devront être réglés par le tribunal.

3o Les envoyés en possession provisoire [[DOIVENT faire procé der à la visite par experts des immeubles, afin d'en constater l'état (b).]] Le rapport de l'expert doit être homologué, c'est-àdire approuvé, par le tribunal. A défaut de cette visite des immeubles, les envoyés en possession sont présumés les avoir

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(a) Voyez aussi les articles 1267 et suivants du code de procédure civile. L'article 1278a pourvoit à la vente de valeurs, telles que capitaux, actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d'industrie ou effets publics appartenant aux absents.

(b) Cette constatation de l'état des immeubles était autrefois facultative dans notre droit, comme elle l'est du reste en France (art. 126 C. N.). La disposition de l'article 97 qui la rend obligatoire est de droit nouveau.

reçus en bon état, sauf à eux à faire preuve du contraire (voy., à ce sujet, les art. 1632 et 1633) (a).

Les frais que cette visite occasionne sont [["pris sur les biens de l'absent" (art. 97).]] J'en dis autant, par analogie, des frais auxquels donnent lieu les autres mesures......

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VI. De la nature du droit des envoyés en possession provisoire; des actes qui leur sont permis et des actes qui leur sont défendus.-[[L'article 96 de notre code dit que "la possession provisoire est un dépôt, qui donne à ceux qui l'obtiennent l'administration des "biens de l'absent et qui les rend comptables envers lui ou ses "héritiers ou représentants légaux." Notre article est un peu plus explicite que l'article 125 du code Napoléon qui ne contient pas les mots "ses héritiers ou représentants légaux."]]

"N'est qu'un dépôt......" Le dépôt est un contrat par lequel une personne reçoit une chose pour la garder, en avoir soin et la rendre à la première réquisition. Les envoyés en possession provisoire reçoivent également les biens de l'absent pour les garder, et à la charge de les rendre à qui de droit, dès qu'ils en seront requis. Sous ce double point de vue, la possession provisoire peut être assimilée au dépôt. Mais, sous d'autres rapports, elle en diffère essentiellement. Ainsi :

1o La possession provisoire comprend tous les biens de l'absent, meubles ou immeubles; le dépôt proprement dit ne s'applique qu'aux meubles (art. 1796).

2o Elle confère le droit d'administrer les biens qu'elle a pour objet, et, par suite, le pouvoir de faire au nom de l'absent, certains actes qui l'obligent, par exemple, des aliénations conservatoires. Le dépôt n'impose que des devoirs: son effet se borne à obliger le dépositaire à garder la chose et à la rendre en nature. Pour tout dire en un mot, les envoyés en possession provisoire ne sont point propriétaires des biens qu'ils possèdent ; ils en sont simplement les gardiens, chargés de les administrer, sous l'obligation d'en rendre compte. La qualification qui leur convient est, par conséquent, complexe. Je les appelle: des dépositaires, administrateurs et comptables.

Les actes qu'ils font en qualité d'administrateurs comptables et dans la limite des pouvoirs que cette qualité comporte, devront être respectés par l'absent, en cas qu'il revienne ou qu'il donne de ses nouvelles.

(a) Cette présomption serait encore plus défavorable aux envoyés dans notre droit qui leur impose l'obligation de faire cette constatation.

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