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Cette action, de même que la pétition d'hérédité, se prescrit par trente ans.

Les trente ans courent, lorsqu'elle appartient à des ascendants ou à des collatéraux de l'absent, du jour de l'envoi en possession

PROVISOIRE.

Mais, par un privilège spécial, ils ne commencent à courir, quand elle appartient à ses descendants, que du jour [[ou la possession provisoire est devenue DÉFINITIVE]] (1); ce qui peut porter jusqu'à soixante ans le temps pendant lequel leur action peut être utilement exercée.

Ce délai de trente ans, jusqu'à l'expiration duquel les descendants peuvent agir, même après [[que la possession provisoire est devenue définitive,]] est-il suspendu pendant leur minorité, conformément au droit commun de la prescription?

La négative est soutenue. "Ce délai, dit-on, n'est point qualifié de prescription par l'article 102: les règles qui régissert la prescription ne lui sont donc pas applicables. C'est un délai fixe, que rien ne peut augmenter; autrement, la propriété des biens de l'absent pourrait rester indéfiniment incertaine, ce qui n'est pas dans l'esprit du code" (2).

L'affirmative me semble mieux fondée.

L'article 102 porte que l'action sera recevable pendant les trente ans qui suivent [[l'époque où la possession provisoire est devenue définitive]]; qu'après ce délai, elle ne le sera plus: ne sont-ce pas là les caractères de la prescription proprement dite? Le mot prescription n'est pas, il est vrai, écrit dans le texte même de notre article; mais les rédacteurs du code l'ont plusieurs cas, le demandeur se dit propriétaire des biens et il doit prouver la mort de l'absent. Dans l'action en pétition de possession d'hérédité, au contraire, le demandeur ne réclame que la possession des biens; il n'est appelé à prouver qu'une chose, sa qualité d'héritier présomptif lors de la disparition de l'absent, soit à l'exclusion de celui qui a obtenu la possession provisoire, soit conjointement avec lui, La première action se prescrit par trente ans à compter, dans notre droit, du décès de l'absent ou de sa mort présumée aux termes de l'article 98; la seconde, par trente ans du jour de l'envoi provisoire.

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(1) Art. 101. Si l'absent reparaît, ou si son existence est prouvée, "même après l'expiration des cent années de vie ou des trente ans d'absence, tel que porté en l'article 98, il recouvre ses biens dans "l'état où ils se trouvent...."

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Art. 102. "Les enfants et descendants directs de l'absent peuvent également, dans les trente ans à compter de l'époque où la posses“sion provisoire est devenue DÉFINITIVE, deinander la restitution de ses biens, comme il est dit en l'article précédent."

[[Remarquons que, dans le cas de l'article 102, il n'est pas nécessaire de prouver la mort de l'absent. Cette mort, du reste, est présumée (art. 98).]] (2) Dur., t. I, no 513; Marc., sur l'art. 133 C. N.

fois répété dans leurs exposés de motifs (1). Peu importe d'ailleurs le mot, si la chose existe. Enfin, on ne comprendrait pas que la loi, en accordant aux descendants une faveur spéciale, les eût, en même temps, privés d'un bénéfice du droit commun (a). -Ce bénéfice tiendra, dit-on, la propriété indéfiniment incertaine ! La réponse à cette objection est bien simple. La propriété, dans l'espèce, n'est pas le moins du monde incertaine: car, l'envoyé définitif étant propriétaire incommutable dans ses rapports avec les tiers, ceux-ci ne peuvent être inquiétés ni par l'absent ni par ses descendants. Cette prétendue incertitude de la propriété ne prouverait rien d'ailleurs, alors même qu'elle serait vraie, puisque c'est le résultat ordinaire de la théorie générale de la suspension des prescriptions pour cause de minorité ou d'interdiction (2).

CHAPITRE IV.

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DES EFFETS DE L'ABSENCE RELATIVEMENT AUX DROITS ÉVENTUELS QUI PEUVENT COMPÉTER

A L'ABSENT.

I. Nature de ces droits. Les règles que nous avons étudiées, [[la curatelle aux absents, l'envoi en possession provisoire et la possession définitive,]] se réfèrent aux biens que l'absent possédait au moment de sa disparition ou de ses dernières nouvelles.

La loi s'occupe ici des biens ou des droits éventuels qui peuvent compéter à l'absent. Nous verrons tout à l'heure combien sont grandes les différences qu'elle établit entre ces deux classes de biens sachons donc les distinguer et les reconnaître.

La première, la classe des biens que l'absent possédait au moment de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, comprend tous les droits qu'il avait acquis antérieurement à cette époque, c'est-à-dire les droits purs et simples ou à terme, qui, s'étant ouverts dans sa personne, formaient alors son patrimoine.

Il y faut même comprendre les droits conditionnels nés d'un contrat car ces droits quoique fort imparfaits, bien inférieurs aux droits purs et simples ou à terme, comptent dès à présent

(1) Voy. Fenet, t. VIII, p. 461 et 473.

(2) Val., sur Proud., t. I, p. 335; MM. Demol., no 185; Aubry et Rau, t. I, § 157, note 12. [[Voir dans ce sens, M. Baudry-Lacantinerie, n° 387.]]

(a) On peut, dans notre droit, tirer argument de la disposition de l'article 2203 que nous avons citée plus haut.

dans notre patrimoine. Nous pouvons, en effet, en disposer, les céder ou les vendre, et, à notre mort, ils passent, de même que nos droits purs et simples ou à terme, à nos héritiers, quels qu'ils soient.

La seconde, la classe des droits éventuels, comprend ceux qui ne s'ouvrent au profit de la personne qui est appelée à en profiter qu'autant qu'elle est encore vivante au moment où s'accomplit l'événement, je veux dire la condition qui doit leur donner naissance; en d'autres termes, les droits dont l'acquisition est subordonnée à l'existence de la personne qui est appelée à les recueillir. Tels sont, par exemple :

1o Le droit de succéder: car, pour recueillir une succession, il faut être vivant au moment où elle s'ouvre (art. 608);

2o Le droit de recueillir un legs le légataire, en effet, ne l'acquiert qu'autant qu'il survit au testateur (art. 900). Remarquous même que, si le legs est conditionnel, il ne suffit pas, pour que le légataire l'acquière, qu'il survive au testateur; il faut de plus qu'il existe encore au moment où la condition se réalise (art. 901). Le droit à un legs conditionnel, à la différence du droit conditionnel, né d'un contrat, reste donc parmi les droits éventuels.

3o Le droit de retour, c'est-à-dire le droit qu'a stipulé un donateur de reprendre la chose donnée s'il survit au donataire (art. 779).

Lorsque le fait qui amène l'ouverture d'un droit jusqu'alors éventuel arrive pendant l'absence de la personne qui est appelée à le recueillir, quel est, relativement à ce droit, l'effet de l'absence ? l'absent est-il réputé mort ou est-il réputé vivant? Telle est la question prévue et réglée en ces termes par l'article 104: "Quiconque réclame un droit échu à un absent doit prouver que cet "absent existait quand le droit a été ouvert; à défaut de cette "preuve, il est déclaré non recevable dans sa demande."

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Cette disposition n'est, au reste, que l'application de la théorie des preuves.

Quiconque réclame un droit doit prouver l'accomplissement de la condition à laquelle est subordonnée son acquisition. Tout demandeur qui ne fait pas la preuve du droit qu'il réclame n'est pas écouté en justice, on n'obtient que ce que l'on prouve (art. 1203).

Supposons donc que les créanciers ou les héritiers présomptifs d'une personne absente réclament, en son nom, un droit éventuel qui s'est ouvert pendant son absence: que devraient-ils faire

pour réussir? Établir que l'absent, au nom duquel ils se présentent, existait au moment où s'est ouvert le droit qu'ils récla ment! Or, cette preuve, ils ne la font pas car l'absence constitue précisément l'incertitude de la vie, et le doute n'est pas une

preuve.

Ainsi, ils ne sont point écoutés : l'absent est réputé mort quant au droit éventuel qui s'est ouvert à son profit. Mais ce droit qu'il est réputé n'avoir pas acquis, et qui, par suite, n'est pas compris parmi les biens qu'il possédait au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, que devient-il? Il est attribué provisoirement, non pas aux héritiers présomptifs de l'absent, mais à ceux qui l'acquerraient définitivement si l'absent était réellement mort au moment où il s'est ouvert; en d'autres termes, à ceux auxquels l'existence de l'absent, si elle était prouvée, ferait obstacle.

II. Cas d'une succession. La loi fait elle-même l'application de ce système à un cas spécial. Les créanciers ou les héritiers présomptifs d'une personne absente viennent, de son chef, réclamer une succession qui, selon leur dire, s'est ouverte à son profit: leur demande est-elle recevable? Oui, s'ils prouvent que la succession qu'ils réclament au nom de l'absent s'est ouverte avant sa disparition ou ses dernières nouvelles, c'est-à-dire à une époque où son existence était certaine ; non, dans le cas contraire. [[C'est la disposition de l'article 105 qui se lit comme suit: "S'il s'ouvre une "succession à laquelle soit appelé un absent, elle est dévolue "exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de con"courir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut" (a).]]

La succession qu'ils n'obtiennent pas faute de prouver l'accomplissement de la condition à laquelle est subordonnée son acquisition, c'est-à-dire l'existence de l'absent lors de son ouverture, est alors dévolue exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de l'acquérir ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut.

III. Représentation. On a sur ce cas soulevé la question de savoir si, dans les successions qui admettent le principe de la représentation, un absent peut être représenté par ses enfants. Paul meurt laissant un frère qui est présent et les enfants d'un autre frère qui est absent: le frère présent succède-t-il seul, à l'exclusion de ses neveux? Ceux-ci, au contraire, n'ont-ils pas le droit de concourir avec lui, par représentation de leur père?

(a) Dans la cause de Lawlor v. Lawlor et al. & Pyke (R. J. Q., 2 C. S., p. 532), on a écarté d'un partage l'héritier présomptif d'un absent (dans l'espèce, son neveu) qui prétendait y concourir pour la part de l'absent.

Proudhon a soutenu que l'absent ne peut pas être représenté. En effet, dit-il, on ne représente que les personnes décédées avant le de cujus l'article 624 est formel sur ce point Or, rien ne prouve que l'absent soit décédé à l'époque de l'ouverture de la succession...... Donc (etc.).

Ce système est universellement rejeté. L'absent ne peut pas être, relativement au même objet et entre les mêmes personnes, réputé tout à la fois mort et vivant, mort à l'effet de l'exclure de la succession, vivant à l'effet de le rendre incapable d'être représenté par ses enfants: ces deux présomptions étant contradictoires et exclusives l'une de l'autre, la loi n'a pu les admettre cumulativement. Elle n'en admet qu'une seule, la présomption du décès. Si, en effet, elle le présumait vivant, c'est à ses propres héritiers qu'elle confierait la possession provisoire ou définitive de la succession; or, ce n'est pas ce qu'elle fait : elle l'attribue à ceux auxquels l'existence de l'absent, si elle était prouvée, ferait obstacle. Elle le suppose donc décédé, puisqu'elle admet provisoirement les effets que son décès produirait réellement s'il était prouvé!

Sa pensée bien évidente est celle-ci : lorsqu'une personne désignée par la loi pour succéder est absente au moment de l'ouverture de la succession, il faut, la considérant comme morte à cette époque, appliquer les règles ordinaires des successions, et par conséquent la représentation, s'il y a lieu. Autrement, il ne serait plus vrai de dire, comme le fait en termes exprès notre article 105, que la succession ouverte au profit d'un absent est dévolue à ceux.... qui l'auraient recueillie à son défaut (1).

Les articles 104 et 105 s'appliquent à tous ceux [[qui sont absents, par conséquent à tous ceux qui ayant eu un domicile dans le Bas-Canada, ont disparu sans que l'on ait aucune nouvelle de leur existence.]]

Ces articles sont, au contraire, étrangers aux non-présents. Ainsi, lorsqu'une succession s'ouvre au profit d'une personne qui n'est pas actuellement à son domicile, mais dont l'existence n'est pas sérieusement incertaine, soit parce que son absence est toute récente, soit parce qu'elle s'explique par des motifs dont la nature écarte la supposition raisonnable de son décès, ses co-héritiers, ou ceux qui seraient appelés à son défaut si son existence était incertaine, ne l'excluent point; elle succède concurremment avec eux ou à leur exclusion. Des mesures conservatoires sont même prescrites par la loi dans son intérêt (voy. l'art. 693 C. C.).

(1) Val., sur Proudhon, t. I, p. 353; Demol., no 209; Aubry et Rau, t. I, § 158, p. 630, note 3.

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