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On appréhendait les surprises et machinations qui pouvaient être pratiquées pour arracher à la faiblesse ou à la maladie un consentement auquel la volonté n'aurait eu aucune part. Les rédacteurs du code, rejetant cette prohibition, ont pensé qu'il ne fallait pas enlever à l'homme qui, au dernier moment de sa vie, se repent de la faute qu'il a commise la faculté de la réparer en légitimant par le mariage la filiation de sa postérité et le dévouement de la femme qui lui est restée fidèle (1).

CHAPITRE PREMIER.-DES QUALITÉS ET CONDITIONS REQUISES POUR POUVOIR CONTRACTER MARIAGE.

[[Il y a une différence radicale entre notre droit et le droit moderne français au sujet du mariage. En France, on regarde le mariage comme un simple contrat civil comme les autres contrats. Comme tous les autres contrats civils solennels, il requiert, pour sa validité, le ministère d'un officier de l'État; la cérémonie religieuse est facultative, mais elle n'ajoute rien à un contrat qui a déjà reçu sa perfection aux yeux de la loi. On enseigne donc en France:]]

par

1° Que le mariage régulièrement célébré devant l'officier de l'état civil est valable, alors même qu'il n'a pas été sanctionné l'Église et, réciproquement, que le mariage régulièrement célébré à l'Eglise est radicalement nul, s'il n'a pas été préalablement célébré devant l'officier de l'état civil;

2° Que les causes de validité ou de nullité du mariage appartiennent exclusivement à la loi civile: les permissions ou défenses de l'Église que le code n'a pas reproduites n'existent point.

[[Si telle est la doctrine du code Napoléon, et on ne saurait en douter, il faut constater tout de suite que ce n'est pas la théorie de notre code civil. Loin de ne considérer le mariage que comme un contrat civil, notre code le regarde comme un contrat à la fois religieux et civil. En France, le mariage n'est valide qu'à la condition d'être célébré devant un fonctionnaire civil; ici, au contraire, ce sont les prêtres et curés catholiques, les ministres des sectes non-catholiques qui seuls peuvent célébrer le mariage. En France, les causes de validité ou de nullité du mariage appartiennent exclusivement à la loi civile; ici, certaines causes de nullité

(1) Comp. M. Laurent, t. II, no 284.

sont tirées du droit canon, surtout en ce qui concerne le mariage des catholiques, et il n'y a que l'Eglise qui puisse prononcer la nullité du lien matrimonial entre catholiques.

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Le juge Loranger, dans l'Avant-propos de son traité du Mariage, p. VII, apprécie en ces termes la portée de notre législation sur le mariage. "En cette matière," dit-il, une "seule doctrine est admissible, au point de vue des principes juridiquement appliqués du droit canon et du droit civil,...... "c'est que ces deux droits reconnaissent à la fois le mariage "comme acte religieux et sacrementel et comme contrat civil, l'Eglise seule a juridiction sur le lien conjugal et sur les empê"chements qui s'opposent à sa validité et l'Etat seul a compétence "sur ses effets civils."]]

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L'absence d'une des conditions exigées pour pouvoir contracter mariage constitue un empêchement.

Les empêchements au mariage sont :

1° Absolus ou relatifs. - Absolus, lorsque la personne qui les subit ne peut contracter mariage avec quelque personne que ce soit tel est, par exemple, le défaut de puberté; relatifs, lorsqu'ils n'empêchent de contracter mariage qu'avec certaines personnes seulement: telles sont la parenté et l'alliance.

2° Dirimants ou simplement prohibitifs. Les premiers sont ceux dont la violation entraîne la nullité du mariage; les seconds sont ceux dont la sanction consiste, non plus dans la nullité du mariage, mais dans une condamnation à l'emprisonnement ou à l'amende contre [[le prêtre ou ministre]] qui a consenti à le célébrer, et quelquefois aussi contre les parties. Ainsi, l'empêchement qui n'est que prohibitif s'oppose à la célébration du mariage, sans entraîner sa nullité, lorsqu'en fait on a passé outre.

Cinq conditions sont ici exigées pour pouvoir contracter mariage. Elles sont relatives: 1° à l'âge des contractants; 2o à leur consentement; - 3° à l'inexistence du premier mariage; -4° au consentement des personnes sous la puissance desquelles ils se trouvent relativement au mariage; 5° à la parenté et à l'alliance.

Nous aurons plus tard à rechercher si ces conditions sont les seules qui soient exigées. Quant à présent, nous constatons cinq empêchements dirimants, savoir: 1° le défaut de puberté ; 2° le défaut de consentement des époux; 3° l'existence d'un premier mariage; 4° l'absence du consentement des personnes sous la

dépendance desquelles les contractants se trouvent placés; 5o la parenté ou l'alliance au degré prohibé (a).

Nous ne trouvons sous ce chapitre [[aucun]] empêchement prohibitif. Il en existe plusieurs autres dans les chapitres qui suivent. On peut, en les résumant, ramener à [[deux]] les empêchements simplement prohibitifs, savoir: 1° l'existence d'une opposition au mariage, abstraction faite de ses motifs; 2o le défaut de publications (b).

SECTION PREMIÈRE. DES EMPÊCHEMENTS DIRIMANTS,

§ I. De l'âge requis pour contracter mariage.

L'âge requis pour le mariage est celui de [[quatorze]] ans révolus pour les hommes, et de [[douze]] ans aussi révolus pour les femmes (c).

Revolus..., c'est-à-dire accomplis. Ainsi, le mariage ne peut être célébré qu'autant que le premier jour de la [[quinzième]] année pour le futur, et de la [[treizième]] année pour la future, est commencé.

Cette disposition est fondée sur un triple motif :

1° La société est intéressée à la perfectibilité physique de l'homme; or, cette perfectibilité serait compromise, s'il était permis à des êtres affranchis à peine de la stérilité de l'enfance de perpétuer dans des générations imparfaites leur propre débilité.

2o Le mariage engage l'avenir tout entier; c'est l'acte le plus important de la vie. Il est donc nécessaire que les futurs époux soient capables de connaître et d'apprécier l'étendue de l'engagement qu'ils vont contracter; or, avant l'âge fixé par la loi, l'homme est trop inexpérimenté pour se faire une juste idée du mariage.

(a) Mourlon n'a pas étudié ces empêchements dans l'ordre qu'il indique ici. Je le suivrai, cependant, dans l'arrangement qu'il a choisi, sauf à parler ensuite des empêchements reconnus dans notre droit.

(b) Il n'est question ici que des empêchements prohibitifs dont parle le code civil. Il y en a d'autres, cependant, qui relèvent du droit canon. Il en sera question plus loin.

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(c) Notre article 115 dit que l'homme, avant quatorze ans révolus, "la femme, avant douze ans révolus, ne peuvent contracter mariage." La législation française n'est pas aussi libérale, sur ce point, que notre droit. D'après l'article 144 du code Napoléon, l'âge requis est de dixhuit ans pour les hommes et de quinze ans pour les femmes. Notre article est conforme à l'ancien droit.

Ses ascendants pourraient, il est vrai, le suppléer; mais il importe que les parents ne puissent pas à eux seuls marier leurs enfants. Autrement, chaque époux se croirait en droit d'excuser bien des écarts: Je ne me suis pas marié, dirait-il, on m'a marié !

3o Les époux ont un patrimoine à gérer, une famille à gouverner: il importe donc qu'ils soient eux-même capables de devenir maîtres de maison, chefs de famille (a).

§ II. — De l'existence d'un premier mariage.

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La bigamie n'est point permise; elle constitue même un délit particulier, puni par nos lois pénales. De là la règle qu'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier (art. 118).

[[Il n'y a dans nos rapports qu'une seule cause qui puisse être citée sous l'article 118. C'est celle de Burn et al. v. Fontaine (b). On paraît y avoir jugé que l'existence d'un mariage, même annulable, est, tant qu'il n'a pas été annulé, un obstacle à la célébration d'un mariage subséquent.

Quand j'expliquerai l'article 185, je dirai pour quelles raisons un mariage peut se dissoudre. C'est une grave question que nous serons plus en état d'étudier alors.]]

§ III. De la parenté et de l'alliance.

La parenté est la relation ou le lien qui unit spécialement plusieurs personnes issues l'une de l'autre ou d'un auteur commun. Elle est légitime ou naturelle, suivant qu'elle résulte ou non de légitimes mariages.

(a) On enseigne, en France, que le mariage contracté par un impu bère, est nul de nullité absolue, mais c'est une nullité absolue temporaire, c'est-à-dire que, contrairement aux principes généraux concernant les nullités, elle peut se guérir. Nous aurons à nous demander plus loin si, dans notre droit, ce mariage est radicalement nul. Ce qui est certain, c'est que, quelle que soit sa nature, cette nullité n'est que temporaire. En effet, l'article 153 déclare que ce mariage ne peut être attaqué que dans deux cas : 1° lorsqu'il s'est écoulé six mois depuis que l'époux ou les époux en question ont atteint l'âge compétent; 2o lorsque la femme qui n'avait pas cet âge a conçu avant l'expiration de six mois. Cette disposition, encore, est conforme à l'ancien droit, car Pothier décide que lorsqu'une fille, mariée avant d'avoir atteint l'âge compétent, devient enceinte, le mariage est valable (Mariage, n°94).

(b) Cette cause, décidée par le juge Torrance en 1872, est rapporté au 17 L. C. J., p. 40 et au 4 R. L., p. 163. Chaque rapport donne un sommaire différent. Celui de la Revue Légale est très détaillé, mais

La ligne est la série des personnes entre lesquelles cette relation existe. Elle est directe ou collaterale.

La ligne directe est la série des personnes qui descendent l'une de l'autre. Elle est descendante ou ascendante, suivant qu'on envisage les auteurs ou la postérité d'une personne: le père, l'aïeul, le bisaïeul, sont dans la ligne ascendante; le fils, le petitfils, l'arrière-petit-fils, dans la ligne descendante.

La ligne collaterale est la série des personnes qui, sans descendre l'une de l'autre, descendent d'un auteur commun. On l'appelle collaterale, QUASI A LATERE, parce qu'elle est composée de deux lignes directes, qui descendent, à côté l'une de l'autre, en partant de l'auteur commun qui est le point de leur union. Ainsi, le frère et la sœur, l'oncle et la nièce..., sont dans la ligne collatérale.

L'alliance est le lien civil que le mariage fait naître entre chacun des époux et les parents de l'autre. Ainsi, le mari est l'allié de chacun des parents de sa femme, et réciproquement.

L'alliance empruntant ses lignes et ses degrés à la parenté, chacun des époux est allié avec les membres de la famille de l'autre époux, dans la même ligne et dans le même degré que celui-ci leur est parent. Ainsi, le père et la mère de ma femme sont mes alliés au premier degré, dans la ligne ascendante; ses frères et sœurs sont més alliés au second degré, dans la ligne collatérale (a).

- Aucune alliance n'existe : 1° entre les parents de l'un des époux et les parents de l'autre : mon frère n'est donc point, comme on le croit dans le monde, l'allié du frère ou de la sœur de ma femme; 2o entre chacun des époux et les alliés de l'autre : affinitas non parit affinitatem: les maris des deux sœurs ne sont donc point alliés entre eux, ainsi qu'on le dit souvent.

Les deux époux ne sont pas même alliés entre eux, car ils ne font qu'un: sunt duo in carne una; et c'est précisément parce qu'ils sont réputés ne former qu'un seul être que chacun d'eux devient, par cette union intime, comme le parent des parents de l'autre. A proprement parler, le lien qui unit les époux n'est ni la parenté, ni l'alliance; c'est un lien sui generis.

ne semble pas ressortir du texte du jugement. En effet, le juge se contente d'invoquer le mariage antérieur et non encore annulé d'une des parties pour déclarer la nullité d'un mariage subséquent contracté par cette partie.

(a) On ne compute pas les degrés de cette manière dans le droit Dans ce droit, le frère et la sœur sont parents au premier degré. J'expliquerai ce système plus loin.

canon.

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