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premier mariage, contracté aux Etats-Unis, était valide, ce qui entraînait la nullité du contrat de mariage. Les demandeurs répondirent que le premier mariage était absolument nul comme étant entâché de clandestinité, à raison du défaut de consentement du tuteur, de l'omission de bans de mariage, et de l'absence du propre curé. Ils plaidèrent de plus qu'à cause de ces empêchements et des circonstances du mariage, il y avait eu fraude à nos lois. La cour supérieure, cependant, maintint le premier mariage comme valide, mit de côté le contrat de mariage, et ce jugement fut confirmé en appel, malgré le dissentiment du juge Alywin.

Le juge Loranger (t. 2, no 251-4) critique vivement cette décision. Cependant, observons que les parties ne pouvaient elles-mêmes, aux termes de l'article 150, opposer l'invalidité du premier mariage pour défaut de consentement du tuteur; ce dernier, seul, pouvait demander la nullité du mariage à ce titre. L'objection de clandestinité, savoir, l'absence du propre curé, était plus sérieuse, elle pouvait être invoquée par les parties ellesmêmes aux termes de l'article 156; mais c'est là un empêchement dirimant de forme, et c'est de ces empêchements dirimants de forme, ainsi que je viens de le dire, que l'article 135 dispense, quand le mariage a été contracté à l'étranger sans fraude. Les circonstances de la cause me paraissent démontrer que fraude fut faite à la loi, mais les époux pouvaient-ils plaider leur propre fraude? Une vieille maxime dit nemo auditur turpitudinem suam allegans. Cette considération, en écartant les raisons assez discutables données par la cour, pourrait peut-être justifier l'arrêt qui a été rendu.

Dans la cause de Connolly v. Woolrich (11 L. C. J., p. 197), le juge Monk a décidé qu'un mariage contracté dans un endroit où il n'y avait ni prêtre, ni magistrat, ni aucune autorité civile ou religieuse, ni registres de l'état civil, peut être établi par preuve testimoniale et, dans ce cas. l'admission des parties, quand les époux ont été réputés mari et femme et ont longuement cohabité est la meilleure preuve possible. Il a également jugé qu'un mariage indien contracté suivant les usages des sauvages du Nord-Ouest, lorsque les époux ont cohabité ensemble, ont élevé une nombreuse famille et ont été réputés mari et femme, constitue un mariage valide. Ce jugement, sous le titre de Johnstone & Connolly, a été confirmé par la cour de revision et par la cour d'appel. Le jugement de ce dernier tribunal, rapporté au 1er volume de la Revue Légale, p. 254, est un véritable traité de

droit sur cette matière. Feu le juge T. J. J. Loranger faisait partie de la cour d'appel et était d'avis d'infirmer le jugement (a).

Je vais maintenant reproduire le commentaire de Mourlon, qui parle de l'acte qui doit être dressé du mariage, et discute, en outre, la question intéressante de savoir à quel moment précis le mariage est formé.]]

VI. A quel moment le mariage est-il formé ?- Il importe de fixer avec précision le moment à partir duquel le mariage est formé.

Il est évident qu'il ne l'est pas tant que les parties n'ont point, sur les interrogations qui leur ont été faites, déclaré leur intention de se prendre pour mari et femme.

Cette double déclaration ne suffit même pas pour le former; il faut de plus que l'officier de l'état civil prononce, au nom de la loi, que les parties sont unies par le lien du mariage (b). Mais, après ce prononcé, le mariage existe. Il existe dès ce moment: car l'acte de célébration qui doit être immédiatement rédigé n'est pas un élément essentiel et constitutif du contrat de mariage, mais seulement un moyen de preuve (1).

Concluons-en que le mariage est et reste valable: 1° lorsque l'une des parties, après le prononcé du mariage et avant la rédaction de l'acte de célébration, meurt subitement; 2° lorsque l'une d'elles ou toutes les deux refusent de le signer. L'officier de l'état civil mentionne alors, dans l'acte de célébration qu'il dresse, la cause de l'absence de la signature de l'une ou de l'autre des parties.

VII. Quelles énonciations doit renfermer l'acte du mariage. [[L'article 65 de notre code dit:

"L'on énonce dans cet acte:

"1o Le jour de la célébration du mariage;

"2° Les noms et prénoms, profession et domicile des époux, "les noms du père et de la mère, ou de l'époux précédent;

(1) Dem., t. I, p. 336; Bug., Val.,; MM. Demol., t. I, no 213; Laurent, t. II, no 428.

(a) Le lecteur pourra consulter les différents rapports de la cause de Fraser & Pouliot où il est question d'un mariage qu'on prétendait avoir été contracté au Nord-Ouest suivant les usages des sauvages. Le jugement de la cour supérieure est rapporté au 13e vol. de la Revue Légale, p. 1, celui de la cour d'appel, à la page 520 du même volume, et celui de la cour suprême, 4 Supreme Court Reports, p. 515 et 12 Q. L. R., p. 327.

(b) Chaque église a, en ce pays, sa formule particulière. Celle de l'église catholique est indiquée par le décret Tametsi du concile de Trente. Voir, supra, p. 382.

"3° Si les parties sont majeures ou mineures;

"4° Si elles sont mariées après publications de bans ou avec "dispense ou licence;

"5° Si c'est avec le consentement de leurs père et mère, tuteur ❝ou curateur, ou sur avis du conseil de famille, dans les cas où "ils sont requis;

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"6° Les noms des témoins, et, s'ils sont parents ou alliés des parties, de quel côté et à quel degré ;

7° Qu'il n'y a pas eu d'opposition, ou que mainlevée en a "été accordée."

L'article 64 de notre code civil, qui n'existe pas dans le code Napoléon, dit que "l'acte du mariage est signé par celui qui l'a " célébré, par les époux, et par au moins deux témoins, parents " ou non, qui y ont assisté; quant à ceux qui ne peuvent signer, "il en est fait mention."]]

CHAPITRE III.

·DES OPPOSITIONS AU MARIAGE.

I. Ce que c'est que l'opposition au mariage. L'opposition est l'acte par lequel certaines personnes, qui ont qualité à cet effet, font, par ministère d'huissier, défense à un officier public de célébrer un mariage.

L'officier public auquel l'opposition est notifiée ne doit point célébrer le mariage, tant que les futurs époux ne lui en rapportent pas la mainlevée. S'il passe outre, il se rend passible [[en France]] d'une amende de 300 francs et de tous dommages et intérêts (a).

II. Combien il y a d'espèces d'oppositions. -J'en distingue deux: l'opposition proprement dite ou légale, et l'opposition improprement dite ou officieuse.

La première est celle qui est formée à la requête d'une per

(a) Dans notre code, l'amende paraît être celle de l'article 53, c'està-dire une amende qui n'excède pas quatre-vingt piastres et n'est pas moins de huit, et cela parce que la seule disposition sur les oppositions qui se rapporte au fonctionnaire est l'article 61 qui se trouve dans le titre des actes de l'état civil. Mais je dois ajouter que je ne crois pas qu'on puisse faire infliger une amende au fonctionnaire qui procède à un mariage mépris d'une opposition, car aucun texte formel ne lui défend de le faire. Mais il se rendrait coupable d'un acte de mépris pour l'autorité de la cour et passible des peine que la cour peut infliger. Je reviendrai sur cette question en parlant des effets de l'opposition.

sonne ayant qualité à cet effet, dans les cas et dans les formes déterminés par la loi.

La deuxième est celle qui est formée par une personne à laquelle la loi n'a pas accordé ce droit, ou par une personne ayant qualité à cet effet, mais en dehors des cas que la loi a prévus, ou des formes qu'elle a prescrites. Je m'explique.

L'opposition a une sanction pénale contre l'officier public qui passe outre. S'il la méconnaît, il est puni, alors même qu'il a agi de bonne foi, c'est-à-dire dans la croyance qu'elle n'était pas fundée, et encore bien qu'elle ne le fût réellement pas. Or, pour qu'elle ait cet effet, il faut qu'elle soit formée: 1o par une personne ayant qualité pour se constituer opposant; 2° pour l'une des causes et selon les formes déterminées par la loi. Telle est l'opposition que j'appelle légale.

Les personnes auxquelles la loi ne confère pas le droit d'opposition peuvent, sans doute, lorsqu'elles croient à l'existence d'un empêchement au mariage, en donner avis à l'officier public; elles le peuvent faire soit verbalement, soit par lettre, soit même par exploit d'huissier. Mais, quelle que soit la forme qu'elles adoptent, l'acte qu'elles font ne constitue point une opposition avec sanction penale contre l'officier public qui ne la respecte pas. Ainsi, quoiqu'il passe outre, il n'encourt aucune peine, si l'empêchement sur lequel repose leur opposition est ensuite reconnu inexistant. Dans le cas contraire, il sera puni, sans doute; mais ce ne sera pas parce qu'il aura méprisé l'opposition: ce sera conformément au droit commun, c'est-à-dire parce qu'il aura sciemment célébré un mariage dont la loi défendait la célébration. Telle est l'opposition que j'appelle officieuse.

Et ce que j'ai dit de l'opposition formée à la requête d'une personne n'ayant point qualité à cet effet, je le dis également de celle qui a été formée par une personne ayant qualité pour cela, mais en dehors des cas prévus par la loi ou des formes qu'elle a prescrites.

Ainsi, l'opposition légale engage dans tous les cas la responsabilité de l'officier public qui la viole: quel que soit l'événement, et alors même que les motifs mis en avant par l'opposant sont dénués de tout fondement, l'officier public est puni lorsqu'il passe outre. Il doit donc, s'il est prudent, refuser de procéder au mariage, alors même qu'il est convaincu que les motifs qu'elle énonce n'ont rien de sérieux.

L'opposition officieuse, au contraire, n'a qu'un effet: si l'empêchement sur lequel elle est fondée existe réellement, elle consti

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tue en état de mauvaise foi l'officier public qui, l'ayant reçue, n'en tient aucun compte. Mais, si elle paraît dénuée de tout fondement, s'il a la conviction que l'empêchement invoqué par l'opposant n'existe pas, et si, en fait, il n'existe point d'empêchement, il peut, sans danger pour lui, passer outre: cet acte d'autorité ne le soumet à aucune peine. Je reviendrai sur ce point. III. De l'utilité des oppositions. La loi a organisé plusieurs empêchements au mariage: les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs. L'officier de l'état civil qui, les connaissant, passe outre, s'expose à des dommages et intérêts; il encourt, en outre, dans certains cas, la peine de l'amende [[par exemple, dans le cas de l'article 157.]] Ces peines assurent déjà l'observation des empêchements que la loi apporte au mariage; mais elles ne suffisent pas toujours. L'officier de l'état civil peut, en effet, ne pas connaître les empêchements qui s'opposent à l'union projetée entre les parties, et, dans l'ignorance où il est à cet égard, prêter son ministère à un acte frauduleux. Il importe donc que certaines personnes qui, par leur position, en sont naturellement instruites, puissent lui en donner avis; autrement, rien ne serait plus facile que d'éluder les empêchements prohibitifs. Le droit d'opposition, qui concourt à les faire observer, en est donc la sanction nécessaire. Quant aux empêchements dirimants, leur violation eût amené sans doute la nullité du mariage; mais mieux vaut prévenir que punir!

[[Il y a une différence entre le droit français et notre droit qui mérite d'être signalée. En France,]] les ascendants ont un droit absolu d'opposition au mariage de leurs enfants; il leur est permis de l'exercer pour quelque cause que ce soit, c'est-à-dire encore que le motif sur lequel ils la fondent ne constitue ni un empêchement dirimant ni même un empêchement prohibitif. Ce qui revient à dire qu'ils peuvent s'opposer au mariage alors même que les parties réunissent toutes les conditions et qualités pour contracter un mariage valable. Cette opposition, il est vrai, ne réussira pas, si l'enfant contre lequel elle est formée en demande la mainlevée; mais elle nécessite un procès, et un procès ne se vide pas en quelques instants. Elle a donc cet effet de suspendre, pendant un certain temps, la célébration du mariage. Or, c'est beaucoup que de gagner du temps: car l'union projetée par l'enfant, quoique licite selon la loi, peut être fort compromettante pour lui et sa famille. Les délais qu'entraîne l'opposition donnent aux ascendants le temps dont ils peuvent avoir besoin pour venir au secours de l'enfant qui, dominé par

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