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en procédant de jour en jour jusqu'à ce que l'enquête fût close de part et d'autre (art. 894), et alors on pouvait inscrire la cause pour audition au mérite le jour juridique suivant, sans qu'il fût nécessaire d'en donner avis, mais si elle était inscrite pour tout autre jour, avis devait en être donné à la partie adverse (art. 897).

Or ces articles ont été abrogés et remplacés par des dispositions qui ne se rapportent pas seulement aux poursuites entre locateurs et locataires, mais aux matières sommaires en général. La procédure n'est plus la même aujourd'hui. Or, doit-on interprêter l'article 992 comme maintenant, pour les oppositions aux mariages, l'ancienne procédure des demandes entre locateurs et locataires?

On peut dire, et ce sera pour moi l'occasion d'indiquer une règle d'interprétation, que lorsqu'une loi incorpore les dispositions d'une autre loi, l'abrogation de cette dernière loi n'affecte pas cette incorporation. Ainsi, si dans le cas qui nous occupe, l'article avait dit que la procédure sur les oppositions au mariage serait celle pourvue par les articles 887-897 pour les demandes entre locateurs et locataires, l'abrogation de ces articles n'aurait pas, sans une disposition expresse, l'effet de changer la procédure en matière d'oppositions au mariage (a). Mais quand une loi se contente de dire qu'on procédera comme dans tel autre cas, sans adopter les dispositions qui règlent ce cas, le législateur n'est pas censé avoir voulu conserver pour toujours la procédure indiquée, même dans le cas où il jugerait à propos de la modifier. Ainsi, en disant qu'on procédera comme dans les demandes entre locateurs et locataires, il entend qu'on suivra la procédure qui, lors de l'opposition au mariage, règlera ces demandes. Donc, il faut traiter les oppositions aux mariages comme des matières sommaires et l'on suivra, sauf ce qui est indiqué ici, la procédure qui se rapporte maintenant à ces matières (b).

L'article 993 du code de procédure dit que si l'opposant ne présente pas son opposition au jour fixé, toute partie intéressée peut obtenir jugement de défaut-congé contre l'opposant, sur dépôt de la copie d'opposition qui lui a été signifiée; et sur la remise qui lui est faite de copie de ce jugement, le fonctionnaire appelé à célébrer le mariage peut passer outre.

(a) Voir Endlich, Interpretation of Statutes, § 493. Voir aussi, dans le même sens, la cause de Bogaert v. Lambe, R. J. Q., 5 C. S., p. 457. (b) Remarquons, cependant, que bien que, dans les demandes entre locateurs et locataires, le délai d'assignation soit d'un jour intermédiaire, lorsque le lieu de la signification est dans un rayon de cinq lieues, avec l'extension ordinaire lorsque la distance est plus grande (art. 891 C. P. C.), ici le délai d'assignation est de cinq jours (art. 991 C. P. C.).

L'expression "toute partie intéressée" serait vague si l'article n'ajoutait que le jugement de congé-défaut est accordé sur production de la copie d'opposition qui a été signifiée à cette partie. Donc, il s'agit de la personne dont on oppose le mariage ou de son représentant. Bien qu'on signifie copie de l'opposition au fonctionnaire appelé à célébrer le mariage, ce fonctionnaire n'est pas une partie intéressée et ne peut demander congé de l'opposition.

Aux termes de l'article 994 du code de procédure civile, à défaut par l'opposant de procéder en la manière requise, l'opposition est déclarée désertée.

Le tribunal ou le juge, dit l'article 995 du code de procédure civile, avant de prononcer sur l'opposition, peut, s'il y a lieu, convoquer devant lui les parents, et, à leur défaut, les amis des futurs époux, pour donner leur opinion sur le mariage projeté et agir ensuite ainsi que de droit. Ajoutons qu'il est de son devoir de consulter le conseil de famille lorsque l'opposition est portée par le tuteur ou le curateur (art. 138 du code civil).

Le jugement qui est rendu sur l'opposition n'est cependant pas un jugement en dernier ressort. L'article 996 du code de procédure dit qu'il y a appel du jugement sur l'opposition à la cour du banc de la Reine, en observant les mêmes formalités que dans les appels de la cour de circuit et les procédures ont la préséance.

Il y a une disposition semblable à l'article 146 du code civil qui déclare que "s'il y a appel, les procédures sont sommaires et "elles ont la préséance.'

Il est évident que cet appel est d'un effet suspensif.

Je puis ajouter qu'aux termes du statut 54 Vic., ch. 48, art. 4, la procédure sur les appels de la cour de circuit est la même aujourd'hui que sur les appels de la cour supérieure.

Avant de m'occuper des effets juridiques de l'opposition, je rapporterai l'article 147 du code civil; cet article énonce une règle de procédure quant à ces oppositions.

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147."Si l'opposition est rejetée, les opposants, autres que le père et la mère, peuvent être condamnés aux dépens, et sont passibles de dommages-intérêts suivant les circonstances."

Il y a deux choses dans cet article: une règle de procédure, quant aux dépens, et une disposition purement de droit civil quant à la responsabilité qu'encourt celui qui fait au mariage une oppo3ition mal fondée.

D'abord le père et la mère ne peuvent jamais être condamnés aux dépens de l'opposition, quelque dénuée de fondement qu'elle

puisse être. Le législateur n'a pas pu supposer que le père ou la mère ait agi par malice. Alors, on ne voit pas pourquoi on n'a pas étendu la même faveur aux aïeuls et aïeules. L'article 179 du code Napoléon, qui ne parle que des dommages, en exempte expressément tous les ascendants. Ici, il faudra suivre la règle de notre article qui n'exempte que le père et la mère.

Donc, tous les autres opposants, tuteurs (a), curateurs, aïeuls et aïeules et parents collatéraux "peuvent être condamnés aux dépens," suivant l'expression du législateur. Il y a une virgule après le mot "dépens" et l'article ajoute immédiatement les mots : "et sont passibles de dommages-intérêts suivant les circonstances (b)." Le juge Loranger, qui a omis la virgule après le mot dépens" dans le texte de l'article, enseigne que les opposants, autres que les père et mère, peuvent être condamnés aux dépens suivant les circonstances (tome 2, n° 280). La présence de la virgule démontre cependant que cette qualification ne se rapporte qu'aux dommages et intérêts. Mais l'expression "peuvent être condamnés aux dépens" comme les termes généraux de l'article 478 du code de procédure civile, font voir que le tribunal jouit à cet égard d'une large discrétion et qu'il peut s'autoriser des circonstances pour mitiger la condamnation. Le juge Loranger donne en outre une règle dont on peut se servir au besoin. L'opposition est-elle legale, c'est-à-dire portée par une personne à qui la loi reconnaît ce droit, il y a une présomption de bonne foi qui, il est vrai, peut être combattue par les circonstances de la cause.. Au contraire, si l'opposition est officieuse, c'est-à-dire, le fait d'une personne non autorisée à cet effet, il y a une forte présomption de mauvaise foi que l'opposant devra repousser.

Voilà la règle quant aux dépens. L'article 147 ajoute que les opposants, autres que le père et la mère, "sont passibles de dommages-intérêts suivant les circonstances." C'est la disposition de l'article 179 du code Napoléon, sauf que le droit français accorde l'immunité aux ascendants généralement. Cet article, cependant, ne parle pas des dépens et ne contient pas les mots "suivant les circonstances", qui, à vrai dire, ne sont pas essentiels; il autorise de plus le juge qui rejette l'opposition, à condamner

(a) Le tuteur plaidant en sa qualité de tuteur sera condamné aux dépens en cette qualité, ce qui veut dire qu'il chargera ces dépens à la succession du mineur qui a gagné son procès. Cette anomalie, toutefois, pourra se corriger sur la reddition des comptes du tuteur et la contestation de ces comptes par le mineur devenu majeur.

(b) Cette virgule se trouve également dans le texte anglais.

en même temps l'opposant aux dommages. Ici, il faudrait une action spéciale avec conclusions à cet effet. Inutile d'ajouter que le tribunal pesera toutes les circonstances avant de condamner, à des dommages-intérêts, celui qui a cru devoir s'opposer au mariage de son parent mineur. Cette disposition qui rend l'opposant passible de dommages est une exception à la règle générale qui veut que la condamnation aux dépens soit la seule peine infligée au plaideur qui succombe. Mais le recours par opposition au mariage est un recours extraordinaire, comme le bref de capias ou les saisies avant jugement. On peut en user, on peut aussi en abuser. Pour savoir si l'opposant en a abusé et doit, en conséquence, payer des dommages, on se demandera s'il a eu ce qu'on est convenu d'appeler cause probable de porter son opposition. Si oui, on ne saurait lui infliger d'autre peine que la condamnation aux dépens.]]

VI. Des effets de l'opposition. -L'opposition légalement formée, c'est-à-dire dans la forme prescrite par la loi, par une personne ayant qualité, et pour les causes que la loi détermine, a pour effet d'arrêter la célébration du mariage. L'officier de l'état civil qui la reçoit est tenu de la respecter tant qu'on ne lui en rapporte pas la mainlevée : il ne lui est pas permis de la juger et de passer à la célébration du mariage, sous prétexte que la qualité légale que l'opposant a prise dans l'exploit est fausse ou que les motifs légaux qui y sont indiqués ne sont pas sérieux. S'il passe outre, il est passible d'une amende, et de tous dommages et intérêts. Il n'est point relevé de cette peine, même dans le cas où il a été plus tard démontré qu'en effet l'opposant avait pris une fausse qualité, ou que les motifs par lui invoqués étaient sans aucun fondement (a).

(a) L'article 68 du code Napoléon porte expressément cette amende. Nous n'avons pas une disposition aussi formelle. Il est certain que l'officier pourra être condamné aux dommages-intérêts. Quant & l'amende, on ne saurait infliger celle des articles 157-158, car il n'est dit nulle part, dans ce titre, que le célébrant devra tenir compte de cette opposition. Nul doute qu'il doit le faire pour s'exempter des dommages-intérêts. Mais quant à l'amende, il faudrait une disposition spéciale pour pouvoir l'infliger, car tout est de droit rigoureux en matière pénale. Il est vrai qu'il y a l'article 61 qui dit qu'au cas d'opposition, mainlevée en doit être obtenue et signifiée au fonctionnaire chargé de la célébration du mariage, ce qui veut dire implicitement que le fonctionnaire doit attendre ce jugement de mainlevée avant de procéder à la célébration du mariage. Si cette disposition pouvait entraîner amende, mais il est clair qu'elle ne le peut pas, car, en matière pénale les déductions sont défendues,-il n'y aurait d'autre amende que celle de l'article 53, c'est-à-dire une amende qui varie de $8 à $80. ̃ Il résulterait de là que celui qui procède à

Mais que décider si l'opposition n'a pas été faite dans la forme prescrite, ou si, étant régulière quant à la forme, elle a été faite à la requête d'une personne qui n'avait point qualité pour la faire, ou enfin si, étant faite à la requête d'une personne autre [[que le père ou la mère]], elle est fondée sur un tout autre motif que ceux qui sont indiqués dans [[les articles 139 et 141]]? L'officier de l'état civil est-il tenu, même en ce cas, de suspendre la célébration du mariage jusqu'à ce que la mainlevée de cette opposition informe ait été régulièrement consentie ou judiciairement prononcée ? S'il passe outre, est-il passible [[de la peine portée par la loi]]? L'encourt-il, alors même que la faussete et l'irrégularité de l'opposition ont été démontrées? Là est la question.

Dans notre ancienne jurisprudence, le curé devait, sous sa responsabilité, respecter l'opposition, si informe qu'elle fût (1).

Le droit intermédiaire consacra le principe contraire. "Toutes oppositions, porte la loi du 20 septembre 1792, formées hors les cas, les formes, et par toutes personnes autres que celles qui sont désignées par la loi, seront regardées comme non avenues, et l'officier public pourra passer outre au mariage."

Lequel de ces deux systèmes a été suivi par le code? Bien que la plupart des auteurs tiennent pour le premier, je n'hésite pas à dire que c'est le second qui a été consacré. Le principe admis dans notre ancienne jurisprudence devint une cause de scandale et de troubles dans les familles. Ce fut, tout le monde le sait, pour mettre un terme à ces abus, que la loi du 20 septembre 1792 jugea convenable de n'accorder le droit d'opposition qu'à certaines personnes, et même de le limiter, pour quelquesunes d'entre elles, à certaines causes spécialement déterminées. Or, le code a été conçu dans le même esprit. Dès lors, comment supposer qu'il ait, quant au point en question, reproduit la théo

célébrer un mariage, sans qu'il y ait eu publication de bans, pourrait être condamné à payer $500, à titre d'amende, tandis que celui qui y passe outre malgré une opposition, ne s'exposerait qu'à une pénalité de $80. Mais comme je l'ai dit plus haut, supra, p. 389, en note, le fonctionnaire qui procéderait à la célébration d'un mariage malgré une opposition qu'on lui aurait signifiée, se rendrait coupable d'un acte de mépris pour l'autorité de la cour et pourrait être puni en conséquence. Ajoutons que Pothier enseignait, sous l'ancien droit, que le curé qui ne tenait pas compte d'une opposition était, suivant le droit canonique, puni par l'official et pouvait être poursuivi devant le juge seculier pour les dommages et intérêts de la partie opposante (Contrat de mariage, no 82).

(1) Pothier dit seulement (Contrat de mar., no 82) que "l'opposition quelque mal fondée qu'elle paraisse, doit empêcher le curé de passer outre...."

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