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merce séparé" (1) (a). Nous verrons bientôt l'importance de cette distinction.

3o Selon le droit commun, l'autorisation doit être spéciale, elle ne peut être valablement donnée qu'en vue d'un acte déterminé et défini l'autorisation générale n'est permise que pour les actes d'administration. L'autorisation de faire commerce est assurément une autorisation générale, puisqu'elle habilite la femme à faire, non pas seulement tel ou tel acte de commerce, tel emprunt, telle aliénation, mais une suite d'affaires dont il est dès à présent impossible de se rendre compte. La loi la tolère cependant. La célérité avec laquelle se traitent les affaires commerciales a dû faire admettre cette exception au droit commun (2).

[[Bien entendu que le mari peut retirer l'autorisation qu'il a donnée à sa femme de faire commerce et qu'alors la femme ne peut légalement continuer ce commerce. Mais cette révocation de l'autorisation maritale ne préjudiciera pas à ceux qui n'en ont pas reçu avis. L'arrêt de May v. Cochrane (20 R. L., p. 410), citée ci-dessous, est dans ce sens. Bien que l'autorisation puisse être tacite, je crois que la révocation devra être expresse.

L'article 981 du code de procédure civile, par une disposition qui est de droit nouveau, porte que "la femme séparée de biens ne peut faire commerce avant d'avoir remis au protonotaire du "district et au registrateur du comté où elle veut faire commerce, "une déclaration par écrit énonçant son intention et contenant "ses nom, prénoms et ceux de son mari, et la raison sous laquelle "elle veut ainsi faire commerce. Cette déclaration est transcrite "et entrée dans les mêmes registres que celle relative aux sociétés " mentionnée dans le chapitre 65 des Statuts refondus pour le "Bas-Canada. A défaut de se conformer aux prescriptions du "présent article, la femme séparée de biens, faisant commerce, "est passible d'une amende de deux cents piastres qui peut être "recouvrée devant tout tribunal civil compétent, par toute personne poursuivant tant en son nom qu'au nom du souverain, et "moitié de l'amende appartient à la personne poursuivant ainsi "et l'autre moitié au souverain, à moins que la poursuite ne soit au nom du souverain seul, auquel cas, toute l'amende lui "appartient."

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(1) Joignez l'art. 5 in fine du code de commerce.

(2) Une femme peut-elle être commerçante en vertu d'une clause de son contrat de mariage, de telle sorte que le mari ne pourrait pas retirer le consentement une fois donné de cette manière ? La négative nous paraît certaine. Voy. M. Val., Cours de C. civ., t. I, p. 347. (a) Voir ma note (a), p. 539, ci-dessus.

Remarquons, cependant, que dans la cause de Ross v. Prud'homme (6 L. N., p. 37), la cour de revision a jugé que cette pénalité ne s'applique pas au cas où la femme ne fait qu'un commerce très minine avec un fonds ne valant que quelques piastres. De minimis non curat lex !]]

Nous nous sommes jusqu'ici occupés des formes de l'autorisation maritale quant aux actes extrajudiciaires. Mais comment les choses se passent-elles lorsqu'il s'agit d'autoriser la femme à ester en justice? On distingue :

Si la femme est demanderesse, le mari peut l'autoriser expressément, c'est-à-dire par écrit, ou tacitement, en intervenant au procès. [[Voir, cependant, ma remarque supra, p. 524.]]

Si la femme est défenderesse, le tiers qui la poursuit assigne en même temps son mari, à l'effet de l'autoriser. Le mari, ainsi mis en demeure, accorde son autorisation, soit expressément, par une déclaration écrite, soit tacitement, en intervenant au procès. S'il la refuse, [[le tribunal n'en condamnera pas moins la femme. Voir, dans ce sens, Bonneau v. Laterreur (1 Q. L. R., p. 351) et Roy v. Bétournay (34 L. C. J., p. 203). On décide dans ces causes que l'autorisation maritale n'est pas nécessaire. On conçoit cela quand il ne s'agit que de condamner la femme par défaut, mais on doit distinguer entre ce cas et celui où la femme conteste l'action dirigée contre elle. N'est-ce pas là ester en jugement? et où prend-on l'autorisation du mari? Assurément, on ne saurait l'inférer du fait que le mari a été assigné aux fins d'autoriser sa femme. Il convient d'ajouter que l'arrêt rendu dans la cause de Roy v. Betournay, citée plus haut, ne va pas plus loin que de décider que la femme peut être condamnée même quand le mari refuse de l'autoriser. Il faut donc tenir que si la femme veut se défendre, malgré le refus de son mari de l'autoriser, elle doit s'adresser à la justice (a). Cette autorisation, la justice l'accordera généralement]]: car il lui est impossible de savoir, au seuil du procès, si la femme a ou non raison [[de contester l'action]]. Toutefois si à la seule inspection de l'affaire il était évident que la résistance de la femme n'est que le résultat d'un entêtement ridicule, le tribunal pourrait et devrait même.

(a) Dans ce sens, voyez l'arrêt de la cour de revision dans la cause de Marmen v. Brown et vir (R. J. Q., 5 C. S., p. 245). Je l'ai citée plus haut, pp. 518, 525. Il y a, en sens contraire, la cause de Bonneau v. Laterreur, mentionnée dans le texte, mais cet arrêt me paraît contraire aux principes.

refuser de l'autoriser; auquel cas elle serait réputée défaillante, et, par suite, condamnée par défaut (1).

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[[Le code ne nous dit rien quant aux formes de l'autorisation judiciaire. En France, le code de procédure énonce, sur ce sujet, des règles qui manquent absolument dans notre droit. L'article 178 dit seulement que si le mari refuse d'autoriser sa femme à ester en jugement ou à passer un acte, le juge peut donner l'autorisation. Le juge Loranger (a) indique ces formalités dans les termes suivants: "La forme voulue," dit-il, "est la présentation "d'une requête au juge, en chambre, (car l'autorisation appartient " à la juridiction volontaire), de la part de la femme, alléguant la "nécessité de l'acte, le refus du mari, et demandant l'autorisa"tion judiciaire. Sur cette requête, le juge enjoint au mari de "montrer cause, et sur audition des parties ou sur défaut du "du mari de comparaître, le magistrat apprécie, et il accorde ou "refuse l'autorisation demandée, sans que son jugement soit sou"mis à appel. Cette autorisation doit suppléer celle du mari, "dans tous les cas où la femme ne peut pas faire valablement "seule et sans son autorisation, l'acte en question dans la re"quête" (b).

Remarquons qu'on procéderait de même si le mari était absent ou interdit, mais il n'y aurait pas lieu à mettre le mari en cause ; dans ce cas, la femme prouverait son interdiction ou son absence, selon le cas.

Ajoutons que, comme l'autorisation du mari, celle du juge doit être spéciale; une autorisation judiciaire générale ne vaudrait rien.]]

(1) Lorsque c'est le mari qui assigne la femme, il l'autorise implicitement à plaider contre lui; et, si la femme, ayant succombé en première instance, interjette appel, il suffit que le mari prenne des conclusions sur le fond pour que la femme soit considérée comme autorisée. Arrêt de la cour de cassation, du 18 mars 1878 (Sir., 78, 1, 193).

(a) Commentaires sur le code civil, t. 2, n° 466.

(b) "Dans tous les cas" est un peu trop général. Nous avous vu ci-dessus, p. 529, qu'il y a des cas où la justice est impuissante à intervenir quand le mari a refusé son autorisation.

§ VIII. Des effets de l'autorisation du mari ou de justice.

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I. Des effets de l'autorisation du mari. Étudions-les: 1° à l'égard de la femme; 2° à l'égard du mari lui-même.

1° A l'égard de la femme. - L'autorisation maritale a pour effet de relever la femme qui l'obtient de l'incapacité dont elle est frappée en sa qualité de femme mariée, et, par suite, de la rendre aussi capable de l'acte pour lequel elle a été autorisée qu'elle le serait si elle était fille ou veuve. L'effet de l'autorisation est borné aux actes pour lesquels elle a été donnée. Ainsi, la femme autorisée à faire le commerce peut bien, sans autorisation nouvelle, faire tous les actes qui concernent son négoce ; mais, quant aux actes qui n'ont point ce caractère, elle reste incapable. On peut dire qu'il y a en elle deux personnes distinctes, une personne capable et une personne incapable: capable quant aux actes de commerce, incapable pour tous les autres. elle, l'incapacité est encore la règle ce n'est, en effet, que par exception, c'est-à-dire relativement à certains actes, qu'elle est capable. La question de savoir si les actes qu'elle a faits sans une autorisation spéciale sont ou ne sont pas valables, dépend donc de celle-ci : les actes concernent-ils son négoce ou y sont-ils étrangers? Valables au premier cas, ils sont nuls au second (1).

Pour

(1) Cette distinction a fait naître une difficulté. Les actes passés par une femme mariée, marchande publique, sont-ils, lorsque leur nature n'indique point par elle-même dans quel but ils ont été faits, réputés relatifs ou réputés étrangers à son commerce? En d'autres termes, est-ce à elle à établir, lorsqu'elle en demande la nullité, qu'elle les a faits dans un but étranger à son commerce, ou bien est-ce à son adversaire à prouver qu'ils s'y rapportent ?

Il faut, je crois, décider que tous les actes passés par une femme mariée, marchande publique, sont, jusqu'à preuve contraire, réputés étrangers à son commerce, toutes les fois que leur propre nature ne révèle point nécessairement leur caractère commercial.

La femme mariée, quoique marchande publique, est, en principe, incapable, son incapacité est le droit commun quant à elle. Ce n'est, en effet, que relativement à certains actes, aux actes concernant son commerce, qu'elle est incapable: sa capacité constitue donc pour elle une exception.

Lorsqu'on se trouve en présence du droit commun et d'une exception, ce n'est pas la règle qui a besoin d'être prouvée, c'est l'exception. Or, la femme marchande publique qui demande la nullité d'un acte, en se fondant sur son incapacité, se place dans le droit commun. Elle n'a pas besoin de prouver la règle qu'elle invoque sa preuve est toute faite; elle est écrite dans la loi même, dans l'art. 177.

Son adversaire, en soutenant qu'elle a été capable de faire l'acte dont elle demande la nullité, invoque une exception: dès lors, c'est à lui à en faire la preuve.

[[Daus la cause de Beaubien & Husson (12 L. C. R., p. 47), la cour d'appel a jugé qu'un billet signé par une femme, sans le concours de son mari, est valable, cette femme prenant, à l'époque où le billet a été donné, la qualité de marchande publique. Sur la question de la responsabilité de la femme nous trouvons deux décisions contradictoires. Dans la cause de Perrier v. Quinn (8 L. N., p. 19), le juge Mousseau a décidé que la femme marchande publique ne peut se dégager de son obligation personnelle même en renonçant à la communauté. Elle est alors dans le cas d'une femme qui a souscrit une obligation avec l'autorisation de son mari (a). D'un autre côté, dans la cause de Bourgouin v. Roy (M. L. R., 3 S. C., p. 168), le juge Jetté est arrivé à la conclusion qu'une femme mariée non séparée de biens et qui fait commerce comme marchande publique, ne s'engage pas personnellement, mais seulement comme commune (b).]]

Il est vrai qu'aux termes de l'art. 638 du code de commerce, [[je laisse cette discussion qui pourra avoir son utilité au point de vue de nos lois commerciales, ]] les billets souscrits par les commerçants sont présumés faits pour leur commerce. Mais cette présomption n'est pas applicable aux femmes marchandes publiques, et voicí pourquoi : Les présomptions légales sont de droit étroit: on ne peut ni par analogie, ni même par à fortiori, les étendre d'un cas à un autre (art. 1239).

La présomption de l'art. 638 du code de commerce a été établie pour résoudre une pure question de competence, ainsi que le prouve la rubrique du Titre où il est placé. On suppose un billet souscrit par un commerçant pleinement capable. La question de validité de l'obligation n'est pas en cause que l'obligation soit civile ou qu'elle soit commerciale, elle est valable. Mais, lorsqu'elle donne lieu à un procès, il importe de savoir si elle est civile où commerciale, afin de déterminer le tribunal qui est compétent pour en connaître. C'est uniquement pour résoudre cette question qu'a été faite la présomption de commercialité dont nous parlons.

Or. dans notre espèce, la question à juger n'est plus une pure question de compétence; c'est une question de validité d'obligation: donc, la présomption de commercialité, écrite dans l'art. 638 du code de commerce, ne lui est pas applicable (M. Bravard, sur l'art. 5, C. comm.). Contrà, MM. Demol., t. II, n° 301; Val., Explic. somm., p. 331, et Cours de C. civil, t. I, p. 342; Aubry et Rau, t. V, § 472, note 73; Demangeat, sur Bravard, t. I, p. 100).

(a) Dans cette même cause, il a été jugé que la femme qui tient une maison de pension est marchande publique.

(b) Le premier de ces deux arrêts contradictoires s'appuie sur les termes de l'article 179, le second sur la disposition de l'article 1374 qui dit que "la femme qui, pendant la communauté, s'oblige avec son "mari, même solidairement, est censée ne le faire qu'en qualité de "commune; en acceptant, elle n'est tenue personnellement que pour "moitié de la dette ainsi contractée, et ne l'est aucunement si elle "rénonce." Il y a également l'article 1370 qui ne rend la femme responsable des dettes de la communauté, même en l'acceptant, que

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