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(19 Supreme Court Reports, p. 562), ressemble à celle de Rickaby v. Bell. Le 30 septembre 1891, fut sanctionné une loi (54-55 Vic., ch. 25, s. 3) qui accordait l'appel à la cour suprême des jugements de la cour de révision, confirmant ceux de la cour supérieure, dans le cas où il y avait appel, de ces jugements, au conseil privé. Le même jour, la cour de revision confirmait le jugement de la cour supérieure en la cause en question. La cour suprême a jugé que la nouvelle loi n'avait pas d'application dans l'espèce, et l'appel fut renvoyé faute de juridiction.

Il y a une autre cause, celle de Couture & Bouchard (21 S. C. R., p. 281), jugée en 1892. Dans cette espèce, la cour de revision avait pris la cause en délibéré le 30 septembre et avait rendu son jugement un mois plus tard. La majorité de la cour (les juges Strong, Fournier et Taschereau) fût d'avis que le délai de la cour de revision de rendre son jugement ne pouvait nuire à l'intimé, que, d'après le principe actus curia neminem gravabit, le jugement devait être considéré comme rendu le 30 septembre, jour de la prise en délibéré, et que, par conséquent, la nouvelle loi ne devait pas être appliquée.

Il y a encore des décisions plus récentes de la cour suprême, celles rendues en 1893 dans les causes de Cowans & Evans, Mitchell & Trenholme et Mills & Limoges (22 Supreme Court Reports, p. 281). Il s'agissait du statut 54-55 Vict., ch. 25, art. 2, qui déclare que "lorsque le droit d'appel dépend du montant " en litige, ce montant sera estimé être celui demandé, et non "celui obtenu, s'ils sont différents." La cour suprême a refusé le bénéfice de cette déclaration du législateur à des causes jugées. par la cour supérieure ou même en délibéré devant cette cour lors de la passation du statut en question. La décision de la cour suprême dans Williams & Irvine (22 Supreme Court Reports, p. 108) est au même effet.

Je puis ajouter que dès le début, la cour suprême s'était prononcée dans ce sens dans la cause de The Queen & Taylor (1 S. C. R., p. 65) jugée en 1876. On y a décidé que le droit d'appel accordé par l'acte de la cour suprême ne s'appliquait pas à une cause jugée avant la mise en vigueur de cet acte.

Nous pouvons donc conclure que c'est la loi qui se trouve en vigueur lors de la reddition d'un jugement, ou suivant le tempéramment adopté par la cour suprême dans la cause de Couture & Bouchard, lors de la mise en délibéré de la cause, qui règle le droit d'appel. La cour de revision est allée plus loin dans la cause de La cie de chemin de fer de l'Atlantique au Nord-Ouest

v. Pominville, mais cet arrêt ne me paraft pas devoir être suivi pour la raison que la cour d'appel a implicitement décidé le contraire dans la cause de la même compagnie & Judah (a).

§ III.-Impression et distribution des statuts.

Les articles 4 et 5 du code traitent de matières purement réglementaires qui n'auraient pas dû trouver place dans un code civil. Il s'agit de la distribution des statuts.

Aux termes de l'article 4, tel qu'amendé par l'article 5772 S. R. P. Q., "une copie authentique en français et en anglais des "statuts sanctionnés par le lieutenant-gouverneur, ou dont la "sanction a été publiée en la manière voulue par l'article 2, si "c'est un statut réservé, est fournie par le greffier de la législa"ture à l'imprimeur de la reine, lequel est tenu d'en imprimer le nombre de copies que lui indique le lieutenant-gouverneur en "conseil et d'en faire la distribution à ceux qui lui sont désignés par arrêtés en conseil, ainsi qu'aux députés et conseillers légis"latifs suivant la résolution conjointe des deux chambres."

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L'article 5 énumère les personnes qui ont droit à cette distribution. Ce sont: "les membres des deux législatures; et les départements publics, les corps administratifs, les juges, les "officiers publics et les autres personnes spécifiées dans les arrêtés "en conseil du lieutenant-gouverneur."

On trouvera de semblables dispositions quant aux statuts fédéraux aux au chapitre 2 des statuts revisés du Canada.

§ IV. Conflit des lois, ou statuts personnels et réels, et statuts concernant les actes.

Ce que j'ai dit, supra § II, de la rétroactivité ou la non-rétroactivité des lois dispose du conflit entre deux lois du même pays. Il s'agit maintenant d'un conflit d'un autre genre entre nos lois et celles d'une autre nation. Ce conflit peut s'élever sur ce que les

(a) Le droit d'appel n'est pas uniquement une question de procédure, c'est bien souvent une question de droits acquis lorsque, par exemple, les droits de la partie ont été affirmés par un jugement, qui, lors de sa reddition, était sans appel, ou ne pouvait être évoqué au-dela d'un certain degré de l'échelle judiciaire. Permettre l'appel d'un tel jugement, serait violer ce droit acquis. Au contraire, au début des procédures et avant jugement, l'attente que la canse n'ira pas plus foin que telle ou telle cour, parce que à ce moment il n'y a pas d'appel de cette cour, n'est qu'une simple expectative. Or, tous les auteurs enseignent que la simple expectative est modifiée ou détruite par la loi nouvelle. Cette considération me paraît absolument concluante.

anciens auteurs appelaient les statuts personnels et les statuts réels; aujourd'hui on donne à ce sujet le nom de conflit des lois ou droit international privé. Cette branche du droit a été l'objet de savantes études, surtout de nos jours, et depuis que la facilité des communications a supprimé les distances. Le code civil en dispose en deux articles, les articles 6 et 7; c'est assez dire que le législateur n'a fait que poser quelques principes généraux sur cette question.

En étudiant l'article 6, je me propose d'intervertir l'ordre des matières et cela principalement pour deux raisons, d'abord pour suivre l'ordre logique du sujet, puisque les statuts personnels viennent logiquement avant les statuts réels, et ensuite parce que c'est là l'ordre suivi par Mourlon. Cependant, pour donner au lecteur une idée d'ensemble de la matière, je reproduirai tout l'article 6 avant de le disséquer pour mieux l'expliquer.

6.-" Les lois pour le Bas-Canada régissent les biens immeubles "qui y sont situés.

"Les biens meubles sont régis par la loi du domicile du pro"priétaire. C'est cependant la loi du Bas-Canada qu'on leur applique dans les cas où il s'agit de la distinction et de la nature "des biens, des privilèges et des droits de gage, des contesta"tions sur la possession, de la juridiction des tribunaux, de la "procédure, des voies d'exécution et de saisie, de ce qui intéresse "l'ordre public et les droits du souverain, ainsi que dans tous les "autres cas spécialement prévus par ce code.

"Les lois du Bas-Canada relatives aux personnes sont appli"cables à tous ceux qui s'y trouvent, même à ceux qui n'y sont pas domiciliés; sauf, quant à ces derniers, l'exception mentionnée " à la fin du présent article.

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"L'habitant du Bas-Canada, tant qu'il y conserve son domicile, "est régi, même lorsqu'il en est absent, par les lois qui règlent "l'état et la capacité des personnes; mais elles ne s'appliquent pas à celui qui n'y est pas domicilié, lequel reste soumis à la "loi de son pays, quant à son état et à sa capacité."

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I. Le statut personnel. M'occupant donc des personnes avant de parler des choses, j'expliquerai le principe que les lois du BasCanada relatives aux personnes sont applicables à tous ceux qui s'y trouvent, même à ceux qui n'y sont pas domiciliés, sauf, quant à ces derniers, l'exception mentionnée à la fin de l'article 6 et qui dit que celui qui n'est pas domicilié en la province de Québec reste soumis à la loi de son pays quant à son état et à sa capacité. C'est le statut personnel dont j'ai parlé plus haut.

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Or qu'entend-t-on par statut personnel? "Le statut personnel (ou loi personnelle)", dit Baudry-Lacantinerie, t. Ier, no 70, "est "celui qui est relatif à l'état et à la capacité des personnes, "statutum quod ad personam respicit. Telles sont les lois "relatives à la nationalité, par exemple, les lois qui déterminent quelles personnes sont françaises, quelles autres étrangères; "telles encore les lois relatives au mariage, à la majorité et à la capacité qui en résulte, à la minorité, à la puissance paternelle "ou maritale, à l'interdiction, etc.

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Voilà les lois qui s'appliquent à tous ceux qui se trouvent dans le Bas-Canada, sauf l'exception que j'ai mentionnée. On peut distinguer parmi ces lois, celles qui règlent uniquement l'état et la capacité et les autres qui, à la vérité, affectent l'état et la capacité, mais qui ont une portée plus considérable. Je puis rendre cette distinction plus claire en référant aux termes mêmes de notre article. Les lois du BasCanada relatives aux personnes, dit-il, sont applicables à tous ceux qui s'y trouvent même à ceux qui n'y sont pas domiciliés, sauf, quant à ces derniers, l'exception mentionnée à la fin de cet article. Or cette exception dit que l'étranger présent mais non domicilié au Canada reste soumis à la loi de son pays quant à son état et à sa capacité. Donc cette distinction existe. Ainsi, l'étranger non domicilié au Canada, s'il y veut conclure une affaire, n'aura pas à se demander s'il est capable de contracter d'après la loi de la province de Québec. Il suffira que d'après la loi de son domicile, il ait la capacité requise, et s'il est majeur chez lui, quand même il serait mineur d'après nos lois, il pourra s'obliger ici comme tout autre majeur. Mais s'il veut se marier, bien que sa capacité soit toujours réglée d'après la loi de son pays, il devra se soumettre aux exigences de nos loi quant à la célébration de son mariage. Ainsi, si d'après la loi de son domicile il est habile à contracter mariage, il le sera ici, quoiqu'il ne le serait pas s'il fallait lui appliquer nos lois; au contraire, il ne pourra se marier que devant un prêtre ou ministre, et son mariage devra, sauf le cas de dispense, être précédé de la publication des bans, bien que les lois de son pays ne renferment pas de semblables exigences.

Il est évident qu'il y a d'autres lois qui obligent les étrangers non domiciliés qui se trouvent de passage au Canada. Ce sont les lois de police et de sûreté. L'article 3 du code Napoléon contient une disposition expresse à cet effet, disposition que notre code ne reproduit pas, pour le motif que cela ne regarde nullement le droit civil.

Donc, règle générale, les lois du Bas-Canada concernant les personnes s'appliquent à tous ceux qui s'y trouvent. Nous allons nous occuper maintenant de l'exception que le législateur énonce comme suit:

"L'habitant du Bas-Canada, tant qu'il y conserve son domicile, "est régi, même lorsqu'il en est absent, par les lois qui règlent "l'état et la capacité des personnes; mais elles ne s'appliquent pas à celui qui n'y est pas domicilié, lequel reste soumis à la loi "de son pays, quant à son état et à sa capacité. "

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Le législateur tout en énonçant l'exception, savoir que l'étranger non domicilié dans le Bas-Canada reste soumis à la loi de son pays quant à son état et à sa capacité, formule une autre règle, c'est que l'habitant du Bas-Canada, tant qu'il y conserve son domicile, est régi par nos lois qui règlent l'état et la capacité des personnes. Cela revient à dire que tous, qu'ils soient ou non domiciliés en la province de Québec, restent soumis à la loi de leur domicile quant à leur état et à leur capacité.

On le voit, il ne s'agit ici nullement de la nationalité, c'est le domicile qui suit l'individu partout où il porte ses pas et qui règle sa capacité civile. Ainsi, un Français est domicilié en la province de Québec; sa capacité se déterminera suivant nos lois et non d'après les lois françaises. Ceci nous amène à signaler une différence essentielle entre les dispositions du code Napoléon et de notre code civil et qui peut, le cas échéant, compliquer considérablement la situation des Français qui se fixent chez nous. Le code Napoléon, lui, s'occupe de la nationalité et non du domicile.

"

"Les lois personnelles, dit Mourlon, régissent les Français par"tout où ils se trouvent, à l'étranger comme en France. Ainsi, par exemple, ils ne peuvent ni se marier avant dix-huit ans "(art. 144), ni adopter avant cinquante (art. 343), bien qu'ils "résident dans un pays où le mariage est permis à quinze et l'adoption à vingt-cinq. En d'autres termes, lorsque les tribunaux français apprécient des actes faits par un Français à 'l'étranger, ils doivent consulter, pour déterminer sa capacité, non 'pas la loi du pays où ils ont été faits, mais la loi française.

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"Cette règle sert de sanction à nos lois : elles seraient, en effet, "inefficaces si les nationaux pouvaient s'y soustraire en allant "faire à l'étranger ce qui n'est pas permis en France (Portalis, "dans son Exposé des motifs)"

Donc un Français domicilié au Canada, restera, d'après la doctrine du droit français, soumis aux lois françaises en ce qui con

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