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non moins utile. Leur but a été de former les générations nouvelles à l'étude du droit civil, et, à cette fin, ils ont fait une œuvre de condensation, si je puis m'exprimer ainsi. Ils ont composé des manuels destinés aux étudiants, et ces manuels offrent une expression concise et une condensation intelligente de la doctrine savamment élaborée dans les volumineux ouvrages des commentateurs du code Napoléon

Dans cette deuxième catégorie d'auteurs, Frédéric Mourlon a longtemps occupé la première place. Le but de son ouvrage était de résumer les cours qui se donnaient à l'Université de France. De là, le nom de "Répétitions écrites" qu'il a donné à son œuvre. On peut dire que, depuis vingt-cinq ans, son livre a été le vade mecum de l'étudiant et même de l'avocat, nonseulement en France, mais aussi en la province de Québec. On y trouve une exposition claire, concise et complète du droit civil français.

Mais si la littérature légale de notre mère-patrie est abondante, nous ne pouvons en dire autant de celle de notre pays. Il y a pour cela plusieurs raisons. cela plusieurs raisons. Et d'abord le fait même de cette abondance et de l'excellence des commentaires du code Napoléon, nous permettait, jusqu'à un certain point, de nous dispenser de commenter nous-mêmes nos lois civiles qui sont calquées sur les lois civiles françaises. Ensuite, la circulation très limitée que nos ouvrages peuvent se promettre, puisque cette circulation, pour un ouvrage comme celui-ci, devra nécessairement se limiter à la province de Québec, n'était pas faite pour encourager auteurs et éditeurs à tenter l'entreprise.

Cependant, je ne puis passer sous silence le commentaire sur le code civil entrepris par le regretté juge, feu Thomas-Jean-Jacques Loranger, et qui est malheureusement resté inachevé, après que deux volumes en eurent été publiés. Cette œuvre, si elle avait été menée à terme, eût été un véritable monument dont le pays tout entier aurait pu, à bon droit, s'énorgueillir, et l'on ne peut que regretter qu'il n'ait été permis au savant magistrat de compléter l'ouvrage qu'il avait si bien commencé.

A part quelques autres traités spéciaux, peu nombreux, et certains articles publiés dans les revues de jurisprudence, nous n'avons absolument rien sur notre droit civil canadien. Il est vrai qu'on a annoté notre code civil des arrêts de la jurisprudence de nos tribunaux, et que ces ouvrages ont été d'un grand secours à nos praticiens. Je puis mentionner les travaux de M. E. Lef. de Bellefeuille, C. R., et de M. W. Prescott Sharp, qui sont remarquables à plus d'un titre et qui m'ont puissamment aidé dans la préparation de cet ouvrage. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a pas de traité général sur notre droit civil et bien peu de traités spéciaux.

Jusqu'à un certain point, ainsi que je l'ai dit, on pouvait, grâce à la littérature légale de la France, se passer d'ouvrages sur notre droit civil canadien. Car notre code civil, d'après l'ordre donné par le législateur lui-même aux codificateurs, est rédigé sur le même plan général, et contient, autant que cela a pu se faire convenablement, la même somme de détails sur chaque sujet que le code Napoléon. Mais il y a des différences de la plus haute importance entre les deux codes; des titres tout entiers sont tirés de notre législation particulière et d'autres ne reproduisent qu'une faible portion des dispositions des titres correspondants du code civil français. A cela, ajoutez des différences de détail, de phraséologie, la substitution d'un mot pour un autre, des variantes dans la reproduction même textuelle d'articles du code Napoléon, et on comprendra la difficulté qui entoure l'étude du droit en cette province. A chaque pas, il faut se défier des commentateurs qu'on étudie, se demander si l'article, jusque dans sa ponctuation, est identique, si, dans le cas d'identité textuelle, cette disposition n'est pas affectée par une autre disposition de notre droit; et ce travail fait, il faut interroger la jurisprudence de nos tribunaux et rechercher si l'article reçoit ici la même interprétation judiciaire qu'en France. Ceux qui ont voulu étudier notre droit, en dehors de la préparation journalière de leurs causes, peuvent rendre compte du travail délicat, minutieux, microscopique même, si je puis m'exprimer ainsi, auquel ils ont dû se livrer.

Voilà, en quelques mots, la raison d'être de mon ouvrage. J'avouerai sans détour que je n'en ai pas conçu le plan moi-même ; j'ajouterai que j'aurais de beaucoup préféré présenter au lecteur un travail entièrement original. Mais j'ai compris qu'il fallait mettre de côté tout amour-propre d'auteur, quelque pardonnable qu'il soit d'ailleurs. J'ai également compris qu'on ne pouvait, même avec des dons et des connaissances qui me manquent malheureusement, songer à faire mieux que les jurisconsultes qui ont écrit en France, au milieu des écoles de droit et dans la conversation journalière des maîtres de la science légale ; que dans l'intérêt de la profession légale et des étudiants, il valait infiniment mieux faire pour eux le travail qu'ils étaient obligés de faire auparavant, et adapter un ouvrage connu et hautement apprécié à notre droit canadien.

Il ne restait plus qu'à choisir l'ouvrage qu'il s'agissait d'adapter à notre droit. J'ai dit que, depuis nombre d'années, Mourlon tenait la première place parmi ceux qui avait entrepris de condenser toute la doctrine dans un cadre restreint, afin de la rendre plus accessible à ceux qui voulaient l'étudier. Ce n'est pas à dire qu'il n'ait pas eu des imitateurs et même, dans la suite, des égaux. Dans ces dernières années il a paru un ouvrage de premier ordre, destiné lui aussi aux étudiants, et qui porte le nom de Précis de Droit Civil. L'auteur de cet ouvrage, M. BaudryLacantinerie, s'est du coup placé au premier rang des jurisconsultes, et son œuvre, qu'il appelle avec raison "une œuvre classique", a vu sa popularité croître de jour en jour (a).

J'ai choisi l'ouvrage de Mourlon,-que je ne veux pas comparer à celui de M. Baudry-Lacantinerie, car toute comparaison est odieuse, - pour plusieurs raisons dont je n'indiquerai que deux. Et d'abord il contient de copieuses notes et références aux auteurs, tandis que M. Baudry-Lacantinerie, comme il le dit lui-même en sa préface, s'est fait une règle de ne pas rapporter les noms des

(a) M. Baudry-Lacantinerie publie actuellement, avec le concours de plusieurs collaborateurs, un grand ouvrage intitulé: Traité théorique et pratique du droit civil. L'ouvrage tout entier, qui comptera au moins une vingtaine de volumes, sera terminé à la fin de 1896. Je le consulterai souvent dans la suite de ce travail.

auteurs à l'appui des opinions qu'il adopte ou qu'il combat, les doctrines tirant leur force des raisons qu'elles invoquent et non des auteurs qui les soutiennent. J'ai compris que ces références, dont l'étudiant peut se passer à la rigueur, sont d'une utilité suprême aux avocats qui ont souvent besoin de consulter, quelquefois à la hâte, le sentiment de plusieurs auteurs.

La seconde raison à laquelle j'ai fait allusion, c'est la disposition typographique du Précis de droit civil, grâce à laquelle l'auteur donne, souvent sur la même page, trois cours plus avancés les uns que les autres. Il aurait fallu respecter cette classification, qui est l'un des titres du livre à l'estime de l'étudiant, et la suivre dans les passages ajoutés. J'ai cru plus simple de choisir l'ouvrage de Mourlon, mais j'ai suivi pas à pas celui de M. BaudryLacantinerie, de sorte, qu'autant que la chose m'a été possible, je donne la substance de l'un, en même temps que je reproduis le texte de l'autre.

Je ne me suis pas astreint, plus qu'il ne fallait, à suivre le plan de Mourlon. Ainsi, j'ai quelquefois renversé l'ordre adopté par lui, quand cet ordre ne me paraissait pas logique. De plus, je ne l'ai pas imité dans trois choses qui sont une portion essentielle de son plan: la division de l'ouvrage en répétitions, les questions imprimées en marge et le numérotage. Il n'y avait pas lieu à diviser mon livre en répétitions, ni d'y insérer un questionnaire, car il ne vise pas un programme officiel d'études comme en France. Quant au numérotage, il était impossible de reproduire celui de Mourlon, à cause des changements nombreux apportés au texte, et je n'ai pas cru devoir en faire un moi-même.

Maintenant, pour rendre bien compte des reproductions que je fais du texte de Mourlon, je puis dire, d'une manière générale, que je reproduis intégralement ce texte chaque fois qu'il peut s'appliquer à notre droit. Quand il n'y est pas applicable, je substitue un passage qui rend compte de la doctrine de notre droit. Quelquefois, quand cette différence est de peu d'importance, je la signale par une note au bas de la page ou par quelques mots intercalés dans le texte. Je cite toujours l'ar

ticle du code (u), ce que Mourlon ne fait que rarement; j'ai de plus comparé soigneusement le texte de ces articles avec celui de l'édition officielle du code civil, car certains codes qui circulent dans le public renferment bon nombre d'inexactitudes. En général, quand l'auteur formule une objection ou expose une théorie, j'evite de tronquer son argumentation pour la raison que certains de ses arguments sont sans application dans notre droit, mais pour ne pas induire le lecteur en erreur, j'ai le soin de faire constater immédiatement ce défaut d'application.

Ainsi, je n'ai pas fait une édition annotée de l'ouvrage de Mourlon, je n'ai pas reproduit tout son texte, sauf à faire remarquer, en note, les parties de ce texte qui sont inapplicables dans notre droit, mais j'ai pris dans ce texte ce qui peut faire pleine autorite en cette province. Ce n'est donc pas une édition annotée que je présente au lecteur, mais un ouvrage distinct basé sur l'oeuvre de Mourlon.

En parcourant les différentes parties de ce premier volume, le lecteur pourra se rendre compte de ces reproductions. Ainsi, l'introduction, dans sa portion historique, est en partie double. Après avoir reproduit l'histoire de l'ancien droit français et de la confection du code Napoléon, d'après Mourlon, je donne, comme complément de cette étude historique, l'histoire de l'ancien droit canadien et de la confection de notre code civil. Le titre préliminaire est en partie reproduit, mais la plus grande portion du texte est originale. Le titre premier du livre premier ne contient que quelques lignes de Mourlon; tout le chapitre De la nationalité et tout le chapitre De la privation des droits civils sont de moi. Le titre Des actes de l'etat civil fait de larges emprunts au titre correspondant de Mourlon, mais il y a de nombreux changements. Le titre presque entier Du domicile est reproduit. Quant au titre Des absents, j'ai également fait des emprunts considérables à Mourlon, mais j'ai dû tenir compte de différences essentielles

(a) Quand un article est cité sans indication d'un code, cet article appartient à notre code civil. Les articles du code de procédure civile ou du code Napoléon sont suivis d'une référence au code dont ils sont tirés.

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