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l'exige; et la seconde et la meilleure, c'est que moimême je ne puis ni ne veux vous quitter. Promettezmoi seulement, quoiqu'il arrive, de me faire enterrer à côté de ma femme dans la fosse que je me suis

creusée. >>

Bastien le rassura en lui apprenant le désir que maître François avait de se retirer des affaires : « Í n'entre pas dans mon plan de les continuer, lui dit-il, et si je puis, comme je l'espère, les engager à choisir ce village pour retraite, alors je serai trop heureux. »

Ils partirent quelques jours après et s'arrêtèrent à Maquenoise; Bastien voulut tenir parole à Joseph, et lorsqu'on lui eut indiqué sa maison, ils s'y rendirent tous trois Bastien frappa à la porte, et ce fut une jeune fille qui vint leur ouvrir. « Mile Adèle! » s'écria Bastien ébahi, car c'était bien elle.

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M. Bastien, répondit-elle, tout aussi étonnée.
Seriez-vous la sœur de Joseph ? reprit le jeune

homme.

Mieux que ça, et elle fit une petite révérence, je suis sa femme.

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Sa femme! et depuis quand, s'il vous plaît ?
Depuis huit jours.

Pendant ce dialogue Joseph survint, sauta au cou de son ami, et fut agréablement surpris en apprenant que le hasard avait autrefois fourni à sa femme l'occasion de lui être utile. I embrassa son Adèle sur les deux joues en l'assurant qu'il l'en aimerait encore davantage, si c'était possible : « Voilà, dit-il en la présentant à son ami, la surprise que je vous ménageais, et le sujet des confidences que j'avais à vous faire. »

Bastien fit, à son tour, part à Joseph du résultat de

son voyage et du plan qu'il méditait : « J'espère bien, ditil, s'il réussit, vous voir arriver souvent avec votre jeune épouse, ce sera une amie pour Henriette, je n'en doute pas.

Pendant qu'ils continuaient cette conversation à laquelle prenait part le vieux Jacques, la jeune femme avait lié connaissance avec Henriette.

Vous ne m'en voulez pas,

demanda-t-elle en plaisantant, d'avoir voulu vous enlever votre cousin?

Au contraire, reprit Henriette, puisque c'est à votre présence d'esprit que je dois le bonheur de le posséder encore.

Au bout de quelques minutes tout le monde parut se connaître, comme si l'on s'était vu depuis longtemps; on passa la journée fort agréablement et on ne se quitta qu'après s'être promis de se revoir bientôt.

Pendant tout le reste de la route, Bastien partagea ses soins entre le père Jacques et sa cousine, il se trouvait si heureux de pouvoir les lui offrir! Henriette les recevait avec tant de grace et l'en récompensait d'un regard si aimant!... Le vieux garde voyait tout et les laissait faire en riant sous cape.

Enfin ils arrivèrent à Paris. Il est impossible de peindre la joie avec laquelle les époux François les accueillirent ce fut une fête dans toute la maison. Henriette n'eut aucune peine à se faire aimer; elle était si douce et si bonne qu'elle gagna bientôt les bonnes graces de Mme François, et il ne se passa pas huit jours qu'elle ne fût regardée comme la fille de la maison. Il n'est pas besoin d'ajouter que le vieux Jacques était pareillement chéri de tous, et devint l'objet des plus attentives prévenances.

Six mois après, je traversais le village de ***. Il y avait beaucoup de mouvement parmi les habitans, les jeunes gens avaient revêtu leurs habits de fête, la plupart se dirigeaient vers l'église où quelque cérémonie importante paraissait les attirer. Des coups de fusil éclataient à chaque instant çà et là dans les airs; les cloches sonnaient en branle ; je demandai ce qui occasionait tout ce tapage: «Pardine, me répondit une commère, c'est la noce de Bastien qu'on va célébrer. » Puis, joyeuse de voir que j'ignorais tout, elle saisit l'un des boutons de mon habit, s'y attacha et me mit au courant de leur histoire en attendant le passage du cortége.

C'est ce qui m'a procuré l'avantage de pouvoir vous la redire, en racontant avec simplicité, sans prétention ni esprit, enfin comme on raconte au village.

Je fus curieux de voir les mariés, j'avançai donc et me mêlai à la foule. J'aperçus bientôt Bastien et Henriette, dont une simple robe blanche relevait encore la beauté. Les chagrins dont elle avait été accablée dès son enfance imprimaient à sa physionomie une légère teinte de mélancolie, et lui avaient fait contracter l'habitude de pencher faiblement la tête; mais ce défaut, loin de nuire à ses graces naturelles, les rehaussait au contraire d'un air de modestie et de candeur qui plaisait plus que ne l'eût fait une entière perfection. Elle se sentit confuse des marques d'attachement qu'on leur prodiguait, et cachait sa rougeur en appuyant gracieusement sa tête sur l'épaule de son époux. Quant à lui, il saluait la foule en la remerciant d'un sourire.

Le cortége se terminait par Mme François qui se trou

vait entre le vieux garde et son mari; ces cavaliers lui convenaient à merveille, car la rondeur de sa taille s'étant accrue, elle n'avançait que difficilement. Mais rien ne peut rendre l'expression de bonheur et de satisfaction que l'on remarquait sur ces trois visages. C'est qu'ils comprenaient que toute cette fête et tout le bonheur dont leurs enfans allaient jouir avait été préparé par eux. Ils en avaient déjà ressenti la récompense dès longtemps, par les soins dont leurs protégés n'avaient cessé de les entourer. Aujourd'hui la foule voulait à son tour leur prodiguer les marques de son respect et témoigner son contentement: elle couvrit de fleurs les chemins que le cortége avait à traverser, et fit retentir les airs de ces cris mille fois répétés : vive le père Jacques! vive maître François et sa femme, et vive les mariés !

ALPHONSE POLAIN

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Histoire de la Hanse Teutonique

DANS SES RELATIONS AVEC LA BELGIQUE (a).

PREMIER ARTICLE.

L'industrie et le commerce exercent une telle influence sur la civilisation, par les richesses dont ils disposent et par l'esprit d'indépendance qu'ils propagent, que partout où ils s'établissent, partout où ils prospèrent, la liberté doit triompher tôt ou tard des obstacles que le pouvoir fait naître pour entraver sa marche (1). Au moyen âge, les principales villes de l'Allemagne, soumises à l'Empire, étaient gouvernées

par des évêques, des ducs, des comles qui souvent tentèrent de conquérir leur indépendance. Worms et

(1) C'est là une vérité que nos ancêtres et surtout les comtes de Flandre ont si bien comprise, et qui nous explique la grandeur et les richesses de nos provinces à des époques où d'antres contrées étaient encore plongées dans les ténèbres : la prospérité matérielle de la Flandre, due à l'activité des habitants, a accéléré la liberté civile et politique des communes, fait éclore la première littérature flamande, et a fait de la Flandre un pays plus florissant, plus important dans l'histoire du monde que ne l'était non-seulement la France, mais même l'Angleterre. Je publierai conjointement avec cet article quelques documents inédits qu'a bien voulu me communiquer, dans le temps, M. Lambin, archiviste d'Ypres. Ce savant antiquaire a classé avec un ordre et un talent admirables l'immense et riche dépôt confié à ses soins.

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