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Pour le corps diplomatique Belge: Je viens vous exprimer encore une fois, M.., la satisfaction que m'ont constamment inspirée le zèle dévoué et le talent dont vous n'avez cessé de donner des preuves dans l'exercice de vos fonctions. Votre habile concours ne m'a jamais fait défaut dans toutes les circonstances où le gouvernement a eu besoin de vos services.

Recevez, M..., l'expression de ma reconnaissance et l'assurance réitérée etc.

La lettre adressée au Corps consulaire est plus simple: le ministre annonce sa démission et remercie du concours qui lui a été prêté.

CHAPITRE III.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX.

J'ai cru faire chose utile en consignant ici, sous le titre de renseignements généraux, un résumé aussi court et aussi exact que possible de matières qui, quoique ne se rattachant d'une manière spéciale à aucune des branches du service, doivent être parfaitement connues de tous les agents de l'administration des affaires étrangères.

SECTION Ire.

LA BELGIQUE au poinT DE VUE DU DROIT PUBLIC INTERNATIONAL.

I.

Depuis la paix de Westphalie, les Pays-Bas ont joué un grand rôle dans les combinaisons qui ont été tentées pour fonder l'équilibre européen.

Nos provinces étaient un des principaux obstacles à cet équilibre; leur possession aurait assuré la prépondérance politique à la puissance qui les aurait obtenues, et, dans l'état du droit public de cette époque, on ne croyait pas que l'indépendance d'un Etat faible put être durable. L'abus de la force avait si souvent prévalu qu'on n'avait guère foi dans le droit.

Lorsque le problème se présenta, quatre puissances surtout étaient intéressées au sort de nos provinces: l'Angleterre, l'Empire Germanique, la France et les Provinces-Unies.

Il ne pouvait être question d'annexer les Pays-Bas à la France; cette puissance excitait déjà les défiances générales, c'est contre elle que les Provinces-Unies réclamaient une barrière; d'ailleurs, l'Angleterre pouvait-elle laisser tomber l'Escaut et la tête des routes qui relient la mer du Nord à l'Europe centrale, à l'Adriatique et à la Méditerranée, au pouvoir d'une Puissance qui, si souvent avait été son ennemie; la France et les Provinces Unies ne pouvaient donner les Pays-Bas à l'Angleterre dont le voisinage eut été fort dangereux. Enfin, la France et l'Angleterre avaient un intérêt commun à ce que les Provinces-Unies, alors Puissance maritime de premier ordre, ne reçussent pas un accroissement considérable de territoire continental.

Une seule solution était donc possible donner la Belgique à l'Autriche. Par un traité signé à Anvers, le 15 novembre 1715, cette Puissance fut chargée de défendre les Pays-Bas contre la France avec la coopération des États Généraux.

L'éloignement des provinces belgiques du reste des États Impériaux diminuait l'importance de l'accroissement de territoire que recevait l'Autriche, et cette importance était encore affaiblie par le droit accordé aux Provinces-Unies de fournir les garnisons de nos places fortes.

C'est ainsi que la première barrière fut élevée. Elle était évidemment hostile à la France; aussi, cette puissance la renversa-t-elle plusieurs fois et finit-elle par s'en rendre maîtresse et à la conserver jusqu'en 1815.

Lors de la reconstitution de l'Europe, en 1815, la question qui avait reçu en 1715, une solution dont les événements avaient constaté l'insuffisance, se représenta de nouveau.

Les Puissances cherchèrent une autre combinaison: il s'en présentait naturellement une; les Provinces-Unies sortaient libres des débris de l'Empire français, elles avaient acquis des droits à la bienveillance de la Sainte Alliance et avaient perdu leur prépondérance maritime; elles reçurent nos provinces comme accroissement de territoire et le royaume des Pays-Bas fut formé. Cette fois encore, et ce n'était pas sans raison, les puissances se laissèrent dominer par la défiance que leur inspirait l'ennemi vaincu; le nouvel État placé entre la France et l'Allemagne était constitué de manière à présenter toute sa résistance du côté du midi le sol belge fut, sur la frontière méridionale, hérissé de forteresses construites aux

frais de l'Angleterre, de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie. La barrière de 1815, était entachée du même vice originel que celle qui l'avait précédée : comme obstacle matériel, elle manquait de solidité et la France la considérait comme une humiliation, comme une insulte à ses malheurs.

Les évènements de 1830 détruisirent le royaume des Pays-Bas. L'ancien Problême était encore à résoudre. Cette fois, les Puissances trouvèrent dans le droit public un moyen heureux de satisfaire à toutes les exigences. La Hollande redevint un État indépendant régi par le droit commun; la Belgique fut admise au nombre des nations; mais, pour prix de son indépendance, elle fut grevée d'une charge de droit public qui remplaçait l'ancienne barrière matérielle. Elle ne fut reconnue qu'à la condition d'être une Puissance perpétuellement neutre.

Cette solution de la difficulté qui préoccupait l'Europe depuis la paix de Westphalie est la seule bonne, parce qu'elle est la seule complète. En effet, elle sauvegarde l'équilibre européen ; une barrière qui n'est hostile à personne est placée entre la France et l'Allemagne et l'obstacle que cette barrière présente est d'autant plus sérieux, que les Puissances l'ont élevé en commun et que toutes ont intérêt à le maintenir.

La création du royaume de Belgique a eu, en outre, un avantage indirect la France a reçu satisfaction, elle s'est vengée des traités de 1815 en prêtant résolument son appui à notre nationalité naissante et menacée; elle s'est donné ainsi une réparation qu'elle n'aurait pas manqué de chercher, à la première occasion, au grand danger de la paix générale.

La Belgique a donc dès son berceau rendu un grand service à l'Europe.

II.

La Belgique n'est indépendante que parcequ'elle est neutre. Il est donc essentiel d'examiner ce qu'on entend par Etat neutre, de préciser les obligations et les droits qui résultent de la neutralité.

On peut définir la neutralité : l'Etat d'une Puissance qui entretient, soit temporairement et perpétuellement, avec quelques Etats

ou avec tous, des relations basées sur une impartialité complète et bienveillante 1.

Il y a différentes espèces de neutralités : la neutralité naturelle ou conventionnelle; la neutralité pacifique et armée; la neutralité temporaire et perpétuelle.

On entend par neutralité naturelle, celle que toute Puissance qui n'a pas pris d'engagements contraires, est libre de garder en vertu de son droit d'indépendance.

La neutralité conventionnelle résulte des traités.

La neutralité est pacifique lorsqu'on se borne à la déclarer sans prendre des mesures, à l'effet de la faire respecter; elle est armée, lorsque la Puissance neutre se prépare à la maintenir au besoin par la force.

Enfin, la neutralité est temporaire ou perpétuelle suivant qu'elle est adoptée en vue d'une guerre déterminée, ou qu'elle est la condition d'existence d'un Etat. En général, lorsque le droit des gens s'occupe de neutralité, il la considère comme un état temporaire, naissant d'une situation particulière et finissant avec elle.

Les auteurs mentionnent encore la neutralité pleine et entière ou générale qui s'applique à toutes les parties belligérantes, à toute espèce d'actes favorables à l'une d'elles, et s'étend à tout le territoire de la puissance neutre; et la neutralité limitée ou partielle, en vertu de laquelle la Puissance qui veut rester neutre se réserve le droit de rendre à l'un des belligérants, sans s'associer aux hostilités, des services convenus par un traité antérieur à la guerre, ou laisse aux belligérants l'usage d'une portion de son territoire.

Ces restrictions apportées au principe de la neutralité ôtent toute garantie aux droits des neutres, l'un des belligérants y voit presque toujours des avantages déguisés pour son adversaire.

Quoiqu'il en soit, la question n'a pas d'importance pour nous : la Belgique est une Puissance perpétuellement et absolument neutre, la neutralité permanente lui ayant été imposée comme condition de son existence.

Les auteurs de droit public définissent la neutralité : l'état d'une Puissance qui, pendant une guerre entre plusieurs nations, s'abstient de tout concours aux hostilités et continue à entretenir des relations amicales avec les parties belligérantes.

Cette définition est incomplète : elle ne s'applique pas à la neutralité perpétuelle.

Le traité du 19 avril 1839 stipule, art. 7:

« La Belgique formera un état indépendant et perpétuellement neutre. Elle >> sera tenue d'observer cette neutralité envers tous les autres États.

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Cette stipulation est tout ce que contient le droit public positif concernant notre neutralité.

La neutralité imposée à un État n'est pas un fait nouveau qui ait pris place dans l'histoire politique de l'Europe; ce qui est sans précédent, c'est la neutralité imposée comme condition d'existence'.

On se demande naturellement si cette condition ne prive pas la nation Belge de droits qu'elle avait conquis avec son indépendance; si elle ne froisse aucun des intérêts légitimes du pays?

On peut répondre négativement à cette double question.

La Belgique étant une nation nouvelle, elle était libre d'engagements; étant une Puissance de second ordre, elle ne pouvait prétendre à exercer aucune influence sur la politique générale. La neutralité n'avait par conséquent rien d'injuste, elle n'avait rien d'humiliant pour elle.

Nous allons plus loin, et nous affirmons que cette situation, est essentiellement avantageuse à la Belgique. Par suite de la position géographique de notre pays, les relations maritines lui sont ouvertes, les fleuves et les routes lui assurent le marché de l'Europe centrale et de la Méditerranée; sous la protection de la neutralité, l'industrie et le commerce belges peuvent prendre un libre essor. Aucun pays en Europe, sans excepter peut-être l'Angleterre, ne présente les mêmes avantages de position et les mêmes facilités de

Les traités de Vienne ont imposé la neutralité à la Suisse, aux provinces de Chablais, de Faucigny et à tout le territoire au nord d'Ugine, appartenant à S. M. le Roi de Sardaigne et au territoire de la république de Cracovie.

La neutralté de la Suisse rend, au midi, à la France et à l'Allemagne le service que leur rend au nord la neutralité de la Belgique, elle couvre leurs frontières; la neutralité de certaines provinces piémontaises a pour effet de compléter le système de défense des États Sardes. La possession de la république de Cracovie, eût rendu trop avantageux le lot de celle des Puissances co-partageantes de la Pologne qui l'eut obtenue.

La Suisse a existé bien longtemps avant d'être puissance neutre, il en est de même des parties du Piémont qui ont été neutralisées dans leur intérêt el sur leur demande; la république de Cracovie n'a pas, en réalité, d'indépendance, elle est soumise au protectorat des trois Puissances qui se sont partagé la Pologne.

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