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production; les capitaux ne font jamais défaut chez nous, la main d'œuvre est à meilleur marché que partout ailleurs, notre sol fournit abondamment les matières premières. Enfin, grâce à la législation libérale de la Grande Bretagne, les machines anglaises sont à notre disposition.

Au point de vue des intérêts politiques aussi bien que sous le rapport matériel, la Belgique pouvait done accepter la neutralité.

Les obligations que la neutralité impose à la Belgique peuvent se formuler comme suit: abstention de toute participation directe ou indirecte à un acte hostile à une Puissance quelconque, hors le cas de légitime défense.

Toute espèce d'alliance politique n'est pas interdite à la Belgique; elle ne peut sans doute contracter d'alliance offensive, mais elle est libre de contracter des alliances en vue, par exemple, de maintenir sa neutralité. Quant aux traités de commerce et de navigation, à tous les actes qui ont pour but de régler des intérêts matériels, la Belgique rentre dans le droit commun.

En cas de guerre, la neutralité commande non-seulement une abstention complète de toute participation aux hostilités; elle fait encore un devoir au neutre d'empêcher et, au besoin, de réprimer les actes hostiles que les belligérants tenteraient de poser sur son territoire 1.

Les prises qui seraient faites sur territoire neutre sont nulles; la Puissance neutre doit en réclamer et en exiger l'abandon, car elle est responsable des dommages qui résulteraient d'une attaque qu'elle devait empêcher.

La Belgique pourrait-elle permettre à des corps d'armée étrangers, à des convois de matériel de guerre, de traverser son territoire? En temps de paix, nous croyons que l'affirmative n'est pas douteuse;

Les limites du territoire continental d'un Etat sont fixées par des traités ; les limites du territoire maritine sont placées, par la plupart des auteurs, à uue portée de canon de la côte.

La Belgique a admis cette opinion dans le traité qu'elle a conclu, le 14 octobre 1839, avec la régence de Tunis.

Art. 7. « Si quelque vaisseau belge se trouve dans quelque port des États de la Régence, ou à la portée du canon de ses Forts, il sera protégé autant que possible; et aucun vaisseau quelconque, appartenant à des puissances, soit maures, soit chrétiennes, avec lesquelles la Belgique pourrait être en guerre, n'obtiendra la permission de le suivre ou de l'attaquer.

Il en sera de même en Belgique pour les navires tunisiens. »>

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c'est là un bon office que le gouvernement peut prêter. En temps de guerre, l'autorisation devrait toujours être refusée. Vainement dira-t-on que l'on accordera les mêmes facilités aux deux belligérants la même faculté peut n'avoir pas la même importance pour les deux parties. L'abstention complète est le seul parti sûr.

Les citoyens belges ont des devoirs analogues à ceux qui sont imposés au gouvernement; toute participation aux hostilités leur est interdite; ainsi il ne leur serait pas permis de prendre du service dans une des armées belligérantes 1; si un armateur belge achetait un navire condamné à l'étranger comme capture maritime, nul doute que le gouvernement refusât de nationaliser ce navire 2.

Une maison belge ne pourrait souscrire un emprunt destiné à couvrir les frais de la guerre 3; elle ne pourrait s'engager à fournir des armes à une partie belligérante. Ces obligations entravent sans doute la liberté, mais la liberté individuelle cède le pas à l'intérêt public.

Si le gouvernement et les citoyens belges observent cette complète abstention, la Belgique a le droit de continuer à entretenir des relations amicales avec les belligérants; son commerce reste libre tant avec les belligérants qu'avec les neutres; les belges et leurs propriétés sont respectés à l'étranger; ses navires de commerce peuvent continuer leurs courses 4.

Quant aux immeubles que l'État neutre ou ses citoyens possèdent sur le territoire des belligérants, ils sont soumis à la loi commune et supportent leur part des charges de guerre qui pèsent sur tout le territoire de l'État belligérant.

A plus forte raison, le gouvernement ne pourrait autoriser des Belges à prendre du service en Turquie ou en Russie par exemple. Nous ne croyons même pas qu'un belge qui, pendant la paix, aurait été autorisé à entrer au service d'une Puissance pourrait y rester, si la guerre survenait ensuite.

Un navire russe, par exemple, pris par les croiseurs anglais et qui serait vendu comme prise maritime à Londres, n'obtiendrait pas de lettres de mer belges.

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3 L'avis officiel suivant, a été adressé aux sujets de S. M. Britannique à l'occasion de la guerre d'Orient. « Tout sujet britannique qui souscrira à un emprunt destiné à une puissance en guerre avec la Grande-Bretagne, sera coupable de haute trahison, comme prêtant secours aux ennemis de la Reine. » 4 Il est un cas où les navires de commerce neutres sont frappés d'embargo par les belligérants et employés à la guerre moyennant indemnité. C'est lorsque ces navires sont nécessaires comme moyen de guerre le salut de la patrie est alors la seule loi.

Le droit des gens pose deux restrictions au commerce des neutres les neutres ne peuvent faire le commerce d'objets qualifiés contrebande de guerre, ni aborder les ports ou les côtes bloqués.

On entend par contrebande de guerre, toutes les munitions de guerre et tous les objets d'armement.

Comme conséquence de l'autorisation accordée aux neutres seuls, de continuer leur commerce et de la défense qui leur est faite de transporter des objets qualifiés contrebande de guerre, nait pour les belligérants le droit de visiter des navires portant pavillon neutre, afin de s'assurer de leur nationalité et de la nature de leur cargaison.

Le droit de visite n'appartient qu'aux navires de guerre ou aux croiseurs des belligérants munis de lettres de marques régulières. La visite ne peut avoir lieu qu'en pleine mer ou sur le territoire maritime des belligérants, jamais sur territoire neutre. — Lorsqu'il résulte de cette visite que le bâtiment visité à violé les règles de la neutralité, le visiteur le conduit dans un port où il est prononcé sur la saisie, par un tribunal nommé Cour des prises: ce port peut être dans la juridiction de l'État auquel appartient le navire capteur ou dans la juridiction d'un État allié; un État neutre ne doit pas permettre que des causes de cette nature soient vidées sur son territoire.

Quels sont les objets réputés contrebande de guerre? Généralement on regarde comme contrebande de guerre, non-seulement les armes et munitions de guerre proprement dites, mais encore les articles qui, par suite des circonstances de la guerre, peuvent servir à l'ennemi, par exemple, les chevaux, les objets qui servent à l'armement des vaisseaux, les vivres destinés à une place assiégée.

Lorsqu'un croiseur trouve de la contrebande à bord d'un navire, les uns veulent qu'il saisisse seulemeut les objets de contrebande, les autres qu'il s'empare, en outre, du navire et du reste de la cargaison.

L'une des parties belligérantes peut bloquer des ports isolés et même des côtes entières du territoire de l'État avec lequel elle est en guerre. C'est là un droit légitime.

Il est admis à peu près universellement, que le blocus pour être valable, doit-être, 1o connu du bâtiment qui chercherait à aborder; 2o effectif, c'est-à-dire qu'il y ait danger manifeste à pénétrer dans le port bloqué.

Pour que la saisie soit juste, il faut que l'intention de rompre le blocus soit évidente. Les avis diffèrent sur la manière d'établir

cette intention. Les uns exigent qu'il y ait tentative de tourner le blocus; il suffit pour les autres que le navire neutre soit en marche vers le port bloqué après la notification officielle faite à son gouver. nement. L'Angleterre adopte cette dernière manière de voir.

La violation du blocus emporte la confiscation du navire; la cargaison peut être exempte de saisie, si l'ignorance et la bonne foi du propriétaire sont établies d'une manière certaine. L'ignorance de l'armateur ne suffit pas pour empêcher la confiscation du navire, le capitaine l'engage toujours par son fait.

Ici se présentent deux questions qui sont de la plus haute imporpour les États

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neutres.

Le pavillon couvre-t-il la marchandise? Quelle est l'étendue du droit de visite?

Plusieurs Puissances et notamment la France et la Russie ont cherché à faire prévaloir le principe que le pavillon neutre couvre la marchandise, c'est-à-dire, qu'il met la marchandise ennemie, excepté la contrebande de guerre, à l'abri de la confiscation. Jusque dans ces derniers temps, l'Angleterre avait soutenu le principe contraire; pour elle, la marchandise ennemie pouvait être saisie sur un vaisseau neutre, mais, par contre, la propriété neutre était respectée à bord du navire ennemi; le congrès de Paris vient de trancher la question dans un sens favorable aux neutres.

La même divergence d'opinions se présente pour le cas où les navires neutres sont convoyés par un ou plusieurs bâtiments de guerre de leur nation, et que ceux-ci donnent l'assurance que les vaisseaux qu'ils escortent ne portent pas d'objets de contrebande de guerre. L'Angleterre revendique le droit de visite même dans ce cas, les autres États le dénient.

Ces prétentions opposées ont été la cause de plusieurs guerres maritimes.

La neutralité armée de 1780 est la première.

Le 28 février 1780, le gouvernement russe demanda :

1° Que les vaisseaux neutres pussent naviguer librement de port en port et sur les côtes des nations en guerre;

2° Que les objets appartenant aux sujets des belligérants, à l'exception des marchandises de contrebande, fussent libres sur les vaisseaux neutres;

3° Que la contrebande de guerre se composât exclusivement des armes, des provisions et munitions de guerres proprement dites;

4° Qu'un port, qu'une côte, ne fussent considérés comme bloqués, que pour autant que le blocus fut effectif, c'est-à-dire exercé par des forces suffisantes pour rendre la surveillance efficace.

L'Autriche, le Danemarck, les Deux-Siciles, le Portugal, la Prusse et la Suède accédèrent aux principes mis en avant par la Russie. La guerre fut déclarée à la Grande-Bretagne, mais la paix fut faite (1783) sans que la coalition eût pu contraindre l'Angleterre à abandonner ses prétentions.

Pendant la guerre de l'Angleterre contre la République française, le Danemarck et la Suède, en vue d'échapper au droit de visite, firent escorter leur marine marchande par des navires de guerre. La Grande-Bretagne n'en prétendit pas moins exercer la visite, des conflits violents eurent lieu. Le Danemarck réclama le secours de la Russie et la seconde neutralité armée fut conclue (1800).

Elle admit les principes de la première neutralité armée en y ajoutant cette clause que « si un officier d'un ou plusieurs navires de guerre qui accompagnent un convoi, déclare que sa flotte ne transporte pas de contrebande, cette déclaration doit suffire pour empêcher la visite du navire de guerre ainsi que du convoi. »

La paix fut signée le 17 juin 1801; elle consacrait les principes suivants :

1o Les vaisseaux neutres peuvent naviguer librement dans les ports et sur les côtes des nations en guerre ; cette liberté ne s'étend pas à la contrebande de guerre;

2o On n'entend par contrebande, que les munitions de guerre autres que celles que requiert la défense du bâtiment;

2o On ne regardera comme port bloqué que celui où il y a, par la disposition de la Puissance qui l'attaque avec des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d'entrer;

4o Les vaisseaux naviguant sous convoi d'un bâtiment de guerre, ne pourront plus désormais être visités par les armateurs.

L'Angleterre maintenait donc le droit de visite pour les vaisseaux de guerre de la partie belligérante; elle n'admettait pas que la marchandise ennemie fut libre sur des vaisseaux neutres.

Après l'enlèvement de la flotte danoise dans le port de Copenhague en 1807, la convention de 1801 fut dénoncée par la Russie, qui, de concert avec le Danemarck et la Suède, déclara la guerre à l'Angleterre. Cette dernière Puissance retirant alors les concessions qu'elle avait faites en 1801, revint à son ancien système.

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