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fort à loifir toute fortes de coquillages, que fes vagues y laiffoient, & que d'autres flots remmenoient avec eux alternativement : & en même tems il admira aux environs la ftabilité des rochers, contre lefquels la Mer venoit battre impetueufement. A cette vue il penfa, que c'etoit-là juflement le caractere des ames foibles & fuperficielles qui fe laiffert emporter tantôt à la joie, & tantôt à la trifteffe, cedant indifferemment aux mouvemens des évenemens divers de la vie; & le caractere des ames genereufes & conftantes, que rien n'eft capable d'ébranler. Et puis fon cœur profitant de cette penfée, s'éleva à Dieu, & lui fit dire comme au Prophete Roial: 0 Seigneur fauvez-moi; car les eaux ont penetré jusqu'à mon ame: O Seigneur delivrez moi de cet abime; la tempête m'a precipité au fond de la mer. Mais remarquez que cette reflexion & ce fentiment convenoient bien à la fituation de fon ame: parce qu'il fouffroit avec douleur l'ufurpation que Maxime vouloit faire de fon Evêché.

Saint Fulgence Evêque de Rufpe s'étant trouvé dans Rome à un triomphe de Theodoric Roi des Goths, qui prefida lui-même à une Affemblée Generale de toute la Nobleffe Romaine, fut charmé d'un fpectacle fi magnifique, & s'écria en s'élevant à Dieu: Helas! Rome toute terrefire qu'elle eft, paroit fi riche & fi brillante, que la Jerufalem celefte doit être belle! Et fi le Maître des biens a laiffe tant de gloire aux amateurs de la vanité, que n'a-t-il pas refervé aux contemplateurs éternels de la Verité!

On dit que S. Anfelme, dont la naiffance a beaucoup honoré nos montagnes, & qui fut Archeveqne de Cantorberi, favoit admirablement bien cet art de fpiritualifer les penfées les plus communes, Etant en voiage, un Lievre pourfuivi par des chaffeurs, vint fe refugier fous fon cheval; & les chiens faifant un grand bruit tout à tour, n'oferent jamais violer l'immunité de l'azile. Un fpectacle fi nouveau pour les chaffeurs les fit bien rire; mais le faint Prelat, touché interieurement de l'Efprit de Dieu, leur dit en gemiffant & en pleurant: Ab vousriez! mais la pauvre bête n'a pas envie de rire. Penfez bien quel malbeur c'est que celui d'une ame, que les demons ont conduite de detours en detours,& de pechez en pechez, jufqu'à l'heure de la mort alors terriblement effraiée, elle cherche un azile; & fi elle n'en trouve pas, fes ennemis lui infultent, & elle devient leur proie éternelle.

S. Antoine aiant reçu une lettre fort honorable de Conftantin le Grand, & les Religieux qui étoient autour de lui, en aiant paru furpris: Quoi, leur dit-il, vous vous étonnez qu'un Roi écrive à un homme? Adirez donc l'infinie bonté de Dieu éternel pour des hommes mortels, d'avoir bien voulu leur écrire lui-même fa Loi, & leur parler encore par la bouche de fon propre fils.

S.François aiant apperçu une brebi, toute feule dans un troupeau de boucs, & de chevres, dit à fon compagnon: Voiez qu'elle e douce! Voilà quelle étoit la douceur de l'hum

ble Jefus au milieu des Scribes & des Pharifiens. Et une autrefois voiant un petit Agneau mangé par un pourceau, il dit en pleurant : Ab que cela me reprefente bien la mort de mon Sauveur !

Cet homme illuftre de notre tems François Borgia Duc de Gandie, tournoit ainfi toutes idées de la chaffe en pieufes reflexions: J'admirois, difoit-il après fa retraite de la Cour, la docilité des Faucons qui reviennent Sur le poing, & qui fe laissent couvrir les yeux & attacher à la perche ; & je m'étonnois de Pindocilité aveugle des hommes, qui font tonjours rebelles à la voix de Dieu.

Saint Bafile dit que la Rofe environnée de fes épines, fait cette belle inftruction aux hommes: Ce qui eft de plus agreable en ce monde, o Hommes mortels, y eft mêlé de trifteffe : vous n'y avez pas de biens pars, & par tout univerfellement quelque mal eft attaché au bien; le repentir au plaifir, la viduité au mariage le travail & le fein à la fertilité, la crainte de la chûte à l'élevation de la gloire, & le ehagrin de la depenfe aux bonneurs, le degoût aux delices, & la maladie à la santé. Il eft. vrai, ajoûte ce faint Pere, c'est une charmante fleur que la Rofe : mais au moment que fa vuë me rejouit, elle m'afflige en me faisant refouvenir du peché pour lequel la terre a été condamnée à porter des épines.

Une perfonne devote regardant avec plai fir un ruiffeau éclairé de la Lune, & y aiant apperçu tout le Ciel depeint avec les étoiles somme dans un miroir, fit éclater fon cœur

en ce fentiment de joie: 0 mon Dieu, toutes ces étoilles feront très-réellement fous mes pieds, quand vous m'aurez reçu dans vos faints tabernacles.

Et comme les étoiles du Ciel font ici reprefentées fur la Terre: les hommes de la Terre feront reprefentez en Dieu, qui eft la vive fource de la divine charité. Une autre dit en confiderant le cours rapide d'une riviere vers la mer Mon ame fera toûjours ainfi dans le mouvement, & n'aura jamais de repos, qu'elle ne foit abimée dans la Divinité d'où elle a tiré fon origine.

Sainte Françoife confiderant un agreable ruiffeau, fur le bord duquel elle s'étoit mife à genoux pour faire fa Priere, fut ravie en extafe, & prononça plufieurs fois ces paroles: C'eft ainfi qu'avec beaucoup de fuavité grace de mon Dieu coule doucement en mon

la

cœur.

Une perfonne que je ne vous nomme point, admirant dans un jardin tous les arbras en fleur, s'écria; Ab! faut-il que je fois la feule qui ne porte point de fleurs dans le delicieux jardin de l'Eglife? Une autre voiant de petits pouffins ramaffez fous leur mere, dit: 0 Seigneur, confervez-nous fous l'ombre de vos ailes. Une autre dit en regardant un Tourne-fol: Quand fera-ce, ô mon Dien. que mon ame fuivra les attraits de votre bonté? Etree gardant ces petites fleurs qu'on appelle Penfées, affez belles à la vue, mais fans odeur: Helas, dit elle ! telles font mes pensées; belles à dire, & bonnes à rien. Voila, Philothée,

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la methode de tourner en bonnes pensées & en faintes afpirations, toutes les idées qui fe prefentent à nous parmi la grande varieté des objets de cette vie mortelle. Malheureux ceux qui par leurs pechez donnent aux creatures, un ufage contraire à l'intention de leur Créateur! Bienheureux ceux qui cherchent dans les creatures la gloire du Créateur, & qui font fervir ce qu'elles ont de vanité, à glorifier la Verité ! Pour moi, dit S. Gregoire de Nazianze, je fuis accoutumé à raporter toutes ohofes au profit fpirituel de mon ame. Je vous confeille encore de lire l'Epitaphe de fainte Paule compofé par saint Jerôme vous prendrez plaifir à y remarquer toutes les afpirations dont l'ufage lui étoit fi familier en toutes fortes de rencon

tres.

Mais obfervez bien, que la grande pratique de la devotion confifte en cet Exercice de la Retraite Spirituelle du cœur, & des Oraifons Jaculatoires: Il eft d'une fi merveilleufe utilité, qu'il peut fuppléer au defaut de toutes les manieres de prier; & qu'au contraire fi on les neglige, l'on ne peut pas prefque trouver un bon moien d'en reparer la perte fans cet Exercice l'on n'eft pas capable des devoirs de la vie contemplative, & l'on ne peut que s'acquiter fort mal de ceux de la vie active: le repos ne feroit qu'oifiveté, & l'action ne feroit qu'un embarras & une diffipation. C'eft pourquoi je vous conjure d'entrer dans cette pratique de tout votre cœur, & de ne la quitter jamais.

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