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hommage au Roi du falut; faites-lui, je vous le dis fimplement & familierement. tout le bon accueil qui vous fera poffible: contemplez fa prefence en vous, & tout enfemble votre honneur : traitez avec lui confidemment de vos affaires interieures, & le refte du jour faites connoître par vos actions, que Dieu eft avec vous mais quand vous n'aurez pas le bonheur de communier réellement à la fainte Meffe, communiez-y au moins d'efprit & de cœur,vous uniffant par le defir de laFoi à la chair vivifiante du Sauveur.

Votre grande intention dans la Communion doit être de vous avancer, de vous fortifier, & de vous confoler en l'amour de Dieu car vous devez recevoir en vûë de l'amour, ce que le feul amour vous fait donner. Non, nous ne pouvons trouver le Sauveur dans aucun autre exercice de fa bonté, ni plus amoureux, ni plus tendre, que dans celui-ci, où il s'anéantit pour ainsi dire, & fe donne à nous comme nourriture, afin de penetrer nos ames de lui-même, & d'étendre cette union jufqu'au cœur & au corps de fes Fidelles.

Si le monde vous demande pourquoi vous communiez fi souvent: dites au monde que c'eft pour apprendre à aimer Dieu,pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miferes, pour chercher de la confolation à vos peines, & pour vous foûtenir dans vos foibleffes. Dites au monde que deux fortes de gens doivent communier fouvent; les parfaits, parce qu'étant bien difpofez, ils auroient grand tort de ne pas

s'approcher de la fource de la perfection; & les imparfaits, afin d'afpirer à la perfection: les forts de peur de s'affoiblir, & les foibles afin de fe fortifier : les fains pour fe preferver de toutes fortes de maladies, & les malades pour chercher leur guerifon : mais ajoutez que pour vous, étant du nombre des ames imparfaites, foibles & malades, vous avez besoin de recevoir fouvent l'Autheur de la perfection, le Dieu de la force, le Medecin de votre ame. Dites au monde, que ceux qui, ne font pas bien occupez de fes affaires, doivent communier fouvent, parce qu'ils en ont le tems; & ceux qui en font fort occupez, parce qu'étant chargez de beaucoup de travail & de peines, ils ont plus fouvent befoin d'une folide nourriture. Dites enfin que vous communiez frequemment, pour apprendre à bien communier : parce que l'on ne fait gueres bien une action, à laquelle on ne s'exerce que rarement.

Communiez donc fouvent, Philothée, & le plus fouvent, que vous pourrez avec l'avis de votre Pere fpiritnel; & croiez-moi, fi le corps prend les qualitez de la nourriture dont on ufe habituellement; comme nous le voions dans les lievres de nos montagnes, où ils deviennent blancs durant l'hiver, parce qu'ils n'y voient & n'y mangent que de la neige. Croiez-moi, dis-je, vous verrez que nourriffant fouvent votre ame de l'Autheur de toute beauté & bonté, de toute fainteté & pureté, elle deviendra à fes yeux toute belle & toute bonne, toute pure & toute faintę.

INTRODUCTION

A LA

VIE DEVOTE,

TROISIEME PARTIE.

Les Avis neceffaires fur la pratique
des Vertus.

CHAPITRE I

Du choix qu'on doit faire des Vertus. E Roi des abeilles ne fe met point aux champs, qu'il ne foit environné de tout fon petit peuple : & la Charité n'entre jamais dans un cœur, qu'en Reine, fuivie de toutes les autres vertus qu'elle y place & arrange felon leur dignité, & qu'elle fait agir, en reglant toutes leurs fonctions, à peu près comme un Capitaine regle fes foldats. Mais elle ne les fait pas agir tout-à-coup, ni également ni en tout tems, ni en tout lieu. Le Jufte, dit David, eft semblable à un arbre, qui étant planté fur le bord des eaux porte du fruit en fon tems: parce que la Cha

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rité animant fon cœur, lui fait operer beaucoup de bonnes œuvres, qui font les fruits des vertus, mais chacune en fon tems & en fa place. Tâchez donc de bien entendre ce proverbe de l'Ecriture: Quelque charmante que foit une mufique, elle eft incommode & defagreable dans une maifon de deuil. Il nous exprime le grand defaut & le contre tems de plufieurs perfonnes, qui s'attachant à la pratique d'une vertu particuliere, veulent opiniâtrement en faire les actes en toute rencontre femblables à ces Philofophes, dont l'un vouloit toûjours rire, & l'autre toujours pleurer; mais plus deraifonnables qu'eux, en ce qu'ils plaignent & blâment les autres qui ne tiennent pas la même conduite. C'est l'entendre mal, puifque le faint Apôtre nous dit qu'il faut fe rejouir avec ceux qui fe rejouiffent, & pleurer avec ceux qui pleurent : & il ajoûte que la Charité eft patiente, benigne, liberale, prudente, & condefcendente.

Il y a neanmoins des vertus, dont l'ufageeft prefque univerfel, & qui ne se bornant pas à leurs propres devoirs, doivent encore repandre leur esprit fur toutes les autres vertus. Il ne fe prefente pas fouvent des occafions de pratiquer la force, la magnanimité, la magnificence. Mais la douceur, la temperance, la modeftie, l'honnêteté, & l'humilité, font de certaines vertus dont univerfellement parlant, toutes nos actions doivent porter l'efprit & le caractere. Ces premieres vertus ont plus de grandeur & plus

d'excellence; mais les dernieres font d'un plus grand ufage: comme nous voions que l'on fe fert bien plus fouvent & plus generalement du fel que du fucre; quoi que le fucre foit plus excellent que le fel. C'eft pourquoi il faut toûjours avoir à la main une bonne provifion de ces vertus generales, dont l'ufage doit être fi ordinaire.

Dans la pratique des vertus, il faut preferer celle qui eft plus conforme à notre devoir, à celle qui eft plus conforme à notre goût. L'Aufterité des mortifications corporelles étoit du goût de fainte Paule, qui pretendoit y trouver plus promptement les confolations fpirituelles; mais l'obéiffance à fes Superieurs étoit plus de fon devoir: & faint Jerome avoue qu'elle étoit reprehenfible, en ce qu'elle portoit l'abftinence juf qu'à un grand excès contre le fentiment de fon Evêque. Au contraire les Apôtres à qui Jefus-Chrift avoit commis la predication de fon Evangile, & le foin de diftribuer aux ames le Pain celefte, jugerent avec beau coup de fageffe, qu'ils ne devoient pas quitter ces fonctions, pour fe charger des foins de la charité envers les pauvres, quelque excellente qu'elle foit. Tous les états de la vie, ont des vertus qui leur font propres : ainfi les vertus d'un Prelat font bien differentes de celle d'un Prince, ou de celle d'un Soldat; & celles d'une Femme mariée, de celles d'une Veuve. Quoi que nous devions donc avoir toutes les vertus; nous ne devons pas tous les pratiquer éga

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