Images de page
PDF
ePub

qui eft Jefus Chrift; ainfi qu'il nous l'a dit lui-même. La glace d'un miroir ne peut arrêter notre vue, à moins qu'elle ne foit appliquée à un corps opaque comme le plomb, ou l'étain. De même nous n'aurions jamais pû bien contempler la Divinité en cette vie mortelle, fi elle ne fe fût unie à notre humanité dans Jefus-Chrift, dont la Vie, la Paffion, & la Mort, font pour nos Meditations l'objet le plus proportionné à la foi. bleffe de nos lumieres, le plus doux à notre cœur, & le plus utile au reglement de nos

mœurs.

Le Sauveur s'eft appellé le Pain defcendu du Ciel pour bien des raifons; en voici une. Comme l'on mange le pain avec toutes fortes de viandes, nous devons fi bien goûter l'efprit de Jefus-Chrift dans la Meditation, que nous en étant nourris, nous le faffions entrer dans toutes nos actions. C'est pour cela que plufieurs Autheurs ont partagé ce que nous avons de fa Vie & de fa Paffion en divers points de Meditation. Et ceux que je vous confeille le plus, font Saint Bonaventure, Bellintani, Bruno, Capiglia, Grenade, & Dupont.

1

3. Donnez à cet exercice une heure chaque jour devant le dîner, & dès le matin fi vous pouvez, avant que vous aiez perdu la netteté & la tranquillité d'efprit, que donne le repos de la nuit. Mais n'y mettez pas plus de tems, à moins que votre Pere fpirituel ne vous l'ait marqué expreffement.

4. Si vous pouvez faire cet exercice tran

re,

quillement dans une Eglife, je croi que ce feroit le meilleur; parce que ni pere, ni meni femme, ni mari, ni aucune perfonne ne pourra, ce me femble, raifonnablement vous y difputer cette heure de devotion. Au lieu que dans votre maison vous ne pourriez peut-être pas vous la promettre toute entiere, ni fi libre, par la raison de la dependance que vous y avez.

5. Commencez toûjours votre priere, foit la mentale, foit la vocale, par la prefence de Dieu. Ne vous relâchez jamais fur cette pratique, & vous verrez en peu de tems combien elle eft utile.

6. Si vous m'en croiez, vous direz le Pater, l'Ave & le Credo en latin. Mais vous apprendrez auffi à en bien entendre les paroles par raport à votre langue naturelle; afin que vous conformant à l'ufage de l'Eglife pour la langue de la Religion, vous puiffiez cependant en concevoir le fens admirable, & en goûter la fuavité. Il les fautdire avec une profonde attention au fens qu'elles portent, & en prenant les affections qui y font conformes. Ne vous laiffez pas aller à un mauvais empreffement de faire beaucoup de Prieres; mais appliquez-vous à les faire d'un bon cœur; Car un feul Pater, dit avec un vrai fentiment de pieté, vaut mieux que plufieurs recitez avec precipita

tion

7. Le Chapelet eft une très utile maniere de priere, quand on le fçait bien dire ; & pour vous en inftruire, aiez quelqu'un des

petits livres qui en apprennent la methode, Il eft bon auffi de dire les Litanies de NotreSeigneur, de Notre-Dame, des Saints, & les autres Prieres que l'on peut trouver dans des heures bien approuvées. Mais tout cela nes'entend qu'à cette condition, que fi vous avez le don de l'Oraison Mentale, vous lui donniez toûjours le premier tems & le meilleur. Remarquez bien que fi après l'avoir faite; la multitude de vos affaires, ou quelqu'autre raifon ne vous laiffe plus de tems pour vos prieres vocales, vous ne devez pas vous en inquieter; & il fuffira de dire fimplement devant ou après la Meditation, l'Oraison Dominicale, la Salutation Angelique, & le Symbole des Apôtres.

8. Si en priant vocalement, votre cœur fent quelque attrait à l'Oraifon Interieure & Mentale; bien loin de le retenir, laiffez-le s'y porter doucement; & ne vous troublez pas de ce que vous n'aurez pas achevé toutes ces Prieres que vous vous étiez propofées ; Car l'Oraifon de l'efprit & du cœur est beaucoup plus agreable à Dieu, & plus falutaire à l'Aine, que celle des levres. Vous entendez affez qu'il faut excepter de cette regle l'Office Ecclefiaftique, fi vous avez quelque obligation de le reciter.

9. Vous devez rejetter tout ce qui pourroit vous empêcher de faire ce faint exercice le matin. Si cependant la inultitude de vos affaires, ou quelqu'autre raifon legitime vous le fait perdre, tâchez de le remplacer l'après-midi, à l'heure la plus éloignée

du repas que vous pourrez; foit pour éviter l'affoupiffement; foit pour ne pas nuire à votre fanté. Si même vous prevoiez que de tout le jour vous ne puiffiez pas faire votre Oraifon. Il faut reparer cette perte, en y fuppleant par ces frequentes élevations de l'efprit & du cœur à Dieu, que nous appellons Oraifons Jaculaitoires, par quelque lecture fpirituelle, par quelque penitence, qui previenne les fuites de cette perte, & par une ferme refolution de faire votre Orai fon le lendemain.

2

**

CHAPITRE II.

Courte Methode pour bien mediter, & premierement de la prefence de Dieu, laquelle fait le premier Point de la preparation.

M

Ais, Philothée, vous ne favez peutêtre pas faire l'Oraifon; car malheureufement c'est une fcience peu connue à notre fiecle. Il faut donc qu'en peu de regles je vous en dreffe ici une methode, en attendant que les bons livres, & principalement l'ufage vous en inftruifent à fond.

La premiere regle regarde la preparation, & je la reduis à ces trois points: Se mettre en la prefence de Dieu, lui demander le fecours de fes lumieres, & de fes infpirations; fe propofer le Myftere que l'on veut mediter.

A l'egard de vous mettre en la presence de Dieu; je vous propofe quatre moiens,

principaux', dont vous pouvez aider votre nouvelle ardeur.

Le premier confifte dans une vive & attentive idée de l'immensité de Dieu, qui eft tres univerfellement & tres-réellement prefent à toutes chofes, & en tous lieux. De maniere que comme les oifeaux en quelque region qu'ils volent, trouvent l'air par tout; ainfi quelque part où nous allions, où nous foions, nous trouvous toûjours Dicu tres-prefént à nous-mêmes, & à toutes chofes; cette verité est affez connue à tout le monde, mais chacun n'y fait pas l'attention neceffaire. Les aveugles qui favent qu'ils font en la presence d'un Prince, fe tiennent dans le refpect, quoi qu'ils ne le voient pas; mais parce qu'ils ne le voient pas, ils perdent aifement l'idée de fa prefence, & l'aiant une fois perduë, ils perdent encore plus facilement le respect qui lui ett dû. Helas, Philothée ! nous ne voions pas Dieu qui nous eft prefent ; & quoi que la foi & notre raifon nous avertiffent de fa prefence, nous en perdons bientôt l'idée, & alors nous nous comportons comme s'il étoit fort éloigné de nous; car bien que nous fachions qu'il eft present à toutes chofes, le défaut d'attention à fa prefence nous met au même état, que fi nous l'ignorions. C'eft pourquoi nous devons toûjours difpofer notre ame à l'Oraison, par une profonde reflexion fur la prefence de Dieu. David en avoit l'efprit vivement frappé, quand il difoit: Si je monte au Ciel, ê.

« PrécédentContinuer »