Images de page
PDF
ePub

Confiderant donc en tout cet ouvrage une ame, qui commence à s'élever à l'amour de Dieu par le defir de la devotion, j'ai partagé cette Introduction en cinq parties. Dans la premiere, je tâche par les avis & les inftructions neceffaires, de conduire ce fimple defir de l'ame jufqu'à la volonté fincere d'embraffer la devotion : & c'eft ce qu'elle fait après fa Confeffion generale, par une folide proteftation qui eft faivie de la très-fainte Communion; où fe donnant à fon Sauveur & le recevant, elle entre heureufement en fon faint amour. Enfuite, je la conduis à une plus grande perfection, lui découvrant deux grands moiens de s'unir de plus en plus à fa divine Majefté. L'un eft la fainte oraifon, par laquelle ce bon Dieu nous attire à lui; & l'autre l'ufage des Sacremens par lefquels il vient à nous; & cela fait la feconde partie de cet ouvrage. La troifieme comprend tout ce qui eft neceffaire à Philothée, pour l'exercice des vertus les plus convenables à fon avancement fpirituel : & je ne lui dis rien fur cela que de particulier, & que ce qui ne lui auroit pas été aisé de trouver ailleurs, ni dans

fon propre fonds. La quatrième partie eft emploiée à lui decouvrir les embûches de ses ennemis : & je l'inftruis de la maniere dont il faut s'en demêler, pour fuivre fon chemin avec feureté à travers de tous les pieges. Enfin dans la cinquième partie je rappelle un peu Philothée à la retraite, pour fe renouveller, reprendre haleine, reparer fes forces, & fe mettre en état d'avancer toûjours, & plus heureufement, dans les voies de la fainte de votion.

Notre fiecle eft fort bifarre, & je prévois bien que plufieurs diront, qu'il n'appartient qu'aux Religieux, & aux perfonnes qui font profeffion d'une vie devote, de donner aux autres des conduites de pieté fi methodiques; que cela demande plus de tems que n'en peut avoir un Evêque chargé des foins d'un Diocefe auffi fort que le mien, & que c'eft trop partager l'application de l'efprit, qui eft due toute entiere à des foins plus importans.

Mais, mon cher Lecteur, je réponds avec le grand faint Denis, que c'eft fpecialement le devoir des Evêques, de s'appliquer à la perfection des

Ames: parce qu'étant de l'ordre fuprême entre les hommes, comme les Seraphins entre les Anges, leur tems ne peut être mieux emploié qu'à cette grande fonction. Les anciens Eveques & les Peres de l'Eglife étoient pour le moins autant affectionnez à leur miniftere que nous : & ils ne laiffoient pourtant pas, comme leurs lettres nous l'apprennent, de vaquer à la conduite de plufieurs ames, qui recouroient aux charitables foins de leur prudence. Ils imitoient les Apôtres, qui tout occupez qu'ils étoient de la moiffon generale de l'univers, ramaffoient neanmoins très-foigneufement & avec une affection fpeciale, de certains epics plus remarquables & plus choifis que les autres. Qui ne fçait pas que Timothée, Tite, Philemon, Oncfime, fainte Thecle, Appia, étoient les chers enfans du grand faint Paul, comme faint Marc, & fainte Petronille de faint Pierre ; fainte Petronille, dis-je, qui ne fut pas fa fille felon la chair, mais felon l'efprit; ainfi que Baronius & Galonius le prouvent fçavamment : & faint Jean n'écrit-il pas une de fes Epîtres canoniques à la deyote Dame Electa?

C'est une peine, je le confcfle, de conduire les ames en particulier; mais une peine femblable à celle des moiffonneurs & des vendangeurs, qui ne font jamais plus contens, que quand ils font plus chargez & plus occupez: c'eft un travail lequel delaffe & fortifie le cœur par la fuavité qui lui en revient; comme il arrive dans l'Arabie heureuse à ceux qui portent le Cinnamome. On dit que la Tigreffe aiant retrouvé un de fes petits, que le Chaffeur laiffe fur le chemin pour l'amufer tandis qu'il emporte les autres, elle s'en charge quelque gros qu'il foit pour le porter promptement dans fa taniere, & que bien loin d'en être plus pefante à la courfe, l'amour naturel pour fon fardeau la foulage, & lui donne plus d'agilité. Combien plus volontiers un cœur paternel fe chargerat-il de la conduite d'une ame, qu'il aura trouvée dans un vrai defir de la fainte perfection? Semblable à une mere qui porte fon enfant en fon fein. fans fe reffentir d'un poids qui lui eft fi

cher.

Mais il faut fans doute que ce foit

un cœur paternel: & c'eft de là que る

les Apôtres & les hommes apoftoliques, appellent leurs difciples non feulement leurs enfans; mais leurs petits enfans, pour mieux exprimer la tendreffe de leur cœur.

Au refte, cher Lecteur, j'avouë fincerement que je n'ai pas la devotion, dont je vous donne des regles; mais j'en ai certainement le defir; & c'eft même ce defir qui me porte encore avec plus d'affection à vous en in ftruire. Car, comme dit un homme il luftre dans les Sciences, la bonne ma niere d'apprendre, eft d'étudier, une maniere plus utile que celle-là, eft d'écouter; & la meilleure de toutes, eft d'enfeigner. Sur quoi nous pouvons penfer que l'application à enfeigner les autres, eft le fondement de la science comme Saint Auguftin dit dans une lettre qu'il écrit à Florentine fa penitente, que qui donne aux autres, fe rend digne de recevoir.

Alexandre fit peindre par Apelles la belle Compafpe qui lui étoit fort chere: & ce Peintre étant obligé de la confiderer à loifir, en imprima förte ment l'amour dans fon coeur, tandis qu'il en exprimoit les traits für fon ta

« PrécédentContinuer »